Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Solutions Services Plus a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 14 octobre 2020 par laquelle la direction départementale des finances publiques du Val-d'Oise a rejeté sa réclamation ainsi que les deux avis de mise en recouvrement des 15 décembre 2017 et 17 juin 2019 et de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes et amendes mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 pour un montant total de 83 776 euros.
Par un jugement n° 2001318 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, la SARL Solutions Services Plus, représentée par la SELARL Alquier et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 2 mai 2023 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- le délai de vérification a méconnu les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dès lors que les irrégularités relevées dans la comptabilité ne présentaient pas un caractère de gravité justifiant sa prorogation ; l'application d'une pénalité de 10 % est d'ailleurs en contradiction avec un rejet de comptabilité comportant de graves irrégularités ; le vérificateur n'a pas vérifié la cohérence de la comptabilité ;
- l'absence d'explications données par le vérificateur sur le chiffre d'affaires retenu et le rejet de certaines charges l'a privée de la garantie d'un débat contradictoire ;
Sur le bien-fondé des impositions :
- sa comptabilité est conforme, les sommes déclarées dans sa comptabilité doivent donc être retenues ;
- le chiffre d'affaires et les charges retenus n'étant pas fondés, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont également contestés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut :
- à l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du rejet de la réclamation préalable de la société et des deux avis de mise en recouvrement ;
- au rejet du surplus des conclusions.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2024 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Solutions Services Plus, qui a pour activité la commercialisation, l'installation et le suivi de systèmes de télésurveillance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Par une proposition de rectification du 27 juin 2017, l'administration a notifié à la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015, établis selon la procédure de taxation d'office, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2014 établies selon la procédure contradictoire. Les impositions supplémentaires ont été mise en recouvrement les 15 décembre 2017 et 17 juin 2019. L'administration ayant rejeté sa réclamation préalable par décision du 14 octobre 2020, la société Solutions Services Plus a saisi le tribunal administratif de La Réunion de conclusions à fin d'annulation de la décision du 14 octobre 2020 et des avis de mise en recouvrement ainsi que de conclusions à fin de décharge. Par la présente requête, la société Solutions Services Plus relève appel du jugement du 2 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale notifie au contribuable des rectifications de ses bases imposables, procède à la mise en recouvrement des impositions qui en résultent et statue sur les réclamations d'un contribuable qui entend contester l'imposition à laquelle il a été assujetti ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux que dans le cadre de la procédure prévue aux articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales. Par suite, les conclusions de la société Solutions Services Plus tendant à l'annulation des avis de mise en recouvrement des 15 décembre 2017 et 17 juin 2019 ainsi que de la décision du 14 octobre 2020 par laquelle l'administration a rejeté sa réclamation préalable sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...). / II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) ".
4. La société requérante fait valoir que la durée de vérification de comptabilité menée à son encontre ayant débuté le 9 janvier 2017 pour s'achever le 26 juin suivant, elle a excédé le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées alors même que sa comptabilité ne présentait pas de graves irrégularités. Il est toutefois constant que la vérification de la comptabilité de la société Solutions Services Plus a fait apparaître, pour l'ensemble de la période vérifiée, que la facturation ne comportait pas de numérotation continue et, en dépit des demandes réitérées de l'administration, la société n'a produit aucun relevé de factures détaillé. La vérificatrice a également constaté l'absence d'identification par des numéros de pièces distinctes des écritures comptables de la société concernant son chiffre d'affaires, l'absence d'inventaire des stocks, en dépit de plusieurs demandes adressées à la société, ainsi que l'absence de justification de certaines charges. Enfin, au titre de l'exercice 2014, certaines écritures de produits ont été comptabilisées au vu des encaissements bancaires et non à l'appui de pièces justificatives conformes et, au titre de l'exercice 2015, la société a utilisé deux numérotations de facturation différentes. Dans ces conditions, la vérificatrice n'a pas été à même de s'assurer que toutes les factures de la société lui avaient été présentées et de vérifier la concordance des ventes déclarées avec les achats comptabilisés. Quant à la circonstance que le service a appliqué la majoration de 10 % pour défaut de dépôt dans les délais des déclarations au titre de l'année 2014, en application de l'article 1728 du code général des impôts, et non la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue par l'article 1729 du même code, elle est sans incidence sur la régularité de sa comptabilité. Par conséquent, c'est à bon droit que la vérificatrice a constaté que la comptabilité de la société était entachée de graves irrégularités la privant de valeur probante. Il s'ensuit qu'en application du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales précité, la société Solutions Services Plus n'est pas fondée à opposer à l'administration le délai de droit commun de vérification de trois mois prescrit par le I de ce même article pour contester la durée des investigations sur place.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 27 juin 2017 comporte, pour chacune des rectifications concernant la société requérante, la désignation de l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base d'imposition et les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile. En outre, en ce qui concerne les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée et de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2015, pour lesquelles la société requérante a fait l'objet d'une taxation d'office, les bases et éléments de calcul des impositions ainsi que leurs modalités de détermination ont été indiqués conformément à l'article L. 76 du livre des procédures fiscales précité. Dès lors, le moyen tiré de l'absence d'explications données par la vérificatrice sur les bases imposables retenues, à le supposer invoqué, doit être écarté étant par ailleurs relevé qu'il n'est ni établi ni même allégué que la société requérante aurait été privée de la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire avec la vérificatrice.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
7. D'une part, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) ".
8. Dans le cas présent, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2014 procèdent d'une comptabilité non probante et il n'est pas contesté qu'elles ont été mises en recouvrement conformément à l'avis du 18 février 2019 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Dès lors, en application des dispositions précitées, la charge de la preuve incombe à la société requérante.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
10. En l'occurrence, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2014 et 2015 ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2015 ont été établies suivant la procédure de taxation d'office, faisant ainsi peser la charge de la preuve sur la requérante.
11. En se bornant à soutenir que le chiffre d'affaires retenu par l'administration au titre de la période vérifiée ainsi que le rejet de certaines charges ne sont pas justifiés, la société requérante, dont la comptabilité présentait de graves irrégularités ainsi que cela l'a déjà été indiqué au point 4 du présent arrêt, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé des impositions en litige.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Solutions Services Plus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Solutions Services Plus est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Solutions Services Plus et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX01796