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05/06/2025 | FRANCE | N°23BX02256

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 05 juin 2025, 23BX02256


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 20 octobre 2020 portant suppression des installations de stockage de déchets inertes et de déchets dangereux exploitées conjointement par M. A... B... et lui sur la parcelle cadastrée 0553 section CX située chemin des Lantanas, au lieu-dit Grand-Fond, sur le territoire de la commune de Saint-Paul.



Par un jugement n° 2001364 du 9 mai 2023, le tr

ibunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 20 octobre 2020 portant suppression des installations de stockage de déchets inertes et de déchets dangereux exploitées conjointement par M. A... B... et lui sur la parcelle cadastrée 0553 section CX située chemin des Lantanas, au lieu-dit Grand-Fond, sur le territoire de la commune de Saint-Paul.

Par un jugement n° 2001364 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2023, M. C... et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Ter D Ba, représentés par Me Lomari, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 9 mai 2023 ;

2°) d'annuler ou, à défaut, d'abroger l'arrêté du préfet de La Réunion du 20 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- certains matériaux présents sur la parcelle qu'ils exploitent étaient déjà présents sur le site avant sa prise à bail par M. C... en 2018 ; en outre, les matériaux présents sur le site ne constituent pas des déchets au sens des dispositions du code de l'environnement dès lors qu'un certain nombre d'entre eux ont une utilité pour le terrain ou pour son exploitation et qu'ils ne répondent pas au critère de dangerosité ;

- M. C... a justifié des démarches réalisées auprès des autorités compétentes pour qu'il soit procédé au déplacement de la canalisation traversant le site et les matériaux qui demeurent présents sur le site sont utiles à son exploitation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 décembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,

- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a signé un contrat de bail à ferme, le 5 mars 2018, afin d'exploiter un terrain d'une superficie d'un hectare et quarante ares, cadastré CX 553, situé sur la commune de Saint-Paul (La Réunion), au lieu-dit Grand Fond, en y créant des bassins de spiruline et diverses plantations. Par un arrêté du 18 décembre 2018, le préfet de La Réunion a accordé à M. C... l'autorisation de procéder à l'exploitation agricole de ce terrain et, par un nouvel arrêté du 20 juin 2023, le préfet de La Réunion a accordé cette autorisation à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Ter D Ba. Par la présente requête, M. C... et la SCEA Ter D Ba relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2020 par lequel le préfet de La Réunion a ordonné la suppression des installations de stockage de déchets inertes et de stockage de déchets présentes sur la parcelle cadastrée n° 553 section CX.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". L'article L. 511-2 du même code précise : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation ". Selon la nomenclature des installations classées annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement, est soumise à enregistrement : " rubrique 2760 - 3. Installation de stockage de déchets inertes " et à autorisation : " rubrique 2760 - 1. Installation de stockage de déchets dangereux autre que celle mentionnée au 4 ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / (...). II.- S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation de l'utilisation ou la destruction des objets ou dispositifs, la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision ".

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 171-11 du code de l'environnement que les décisions prises en application de l'article L. 171-7 de ce code, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

5. Il est constant qu'au terme d'un contrôle réalisé le 9 septembre 2019, l'inspection des installations classées a constaté la présence d'installations de stockage de déchets non connues de ses services sur le site exploité par M. C.... Par arrêté du 13 novembre 2019, le préfet de La Réunion a mis en demeure M. C... de régulariser la situation administrative des installations de stockage de déchets inertes et de déchets dangereux dans un délai de deux mois. L'inspection des installations classées ayant constaté lors d'un contrôle intervenu le 2 juin 2020 que M. C... ne s'était pas conformé aux prescriptions de l'arrêté de mise en demeure, le préfet de La Réunion a pris un arrêté, le 20 octobre 2020, ordonnant la suppression des installations de stockage de déchets inertes et de stockage de déchets.

6. Les requérants font tout d'abord valoir que les matériaux dont la suppression est demandée par le préfet étaient présents sur le site avant même que M. C... prenne à bail le terrain et qu'il ne peut donc être concerné par l'arrêté ordonnant leur suppression. Il résulte toutefois de l'instruction que, lors des deux visites d'inspection réalisées les 9 septembre 2019 et 2 juin 2020, l'inspection des installations classées a constaté la présence de déchets relevant des rubriques 2760-3 et 2760-1 sur le site qui était alors exploité par M. C.... Ce dernier a par ailleurs été mis en demeure de régulariser la situation administrative de ces installations. Dans ces conditions, la circonstance que les déchets auraient été présents sur le site antérieurement à son exploitation par M. C... est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

7. Une opération peut être qualifiée de valorisation de déchets au sens de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement lorsque ces déchets remplissent une fonction utile, en se substituant à l'usage d'autres matériaux qui auraient dû être utilisés pour remplir cette fonction.

8. Les requérants soutiennent ensuite que les déchets présents sur le site ne constituent pas des déchets relevant des rubriques 2760-3 et 2760-1 compte tenu de leur utilité pour l'exploitation du site et de leur absence de dangerosité. Il ressort de l'arrêté de mise en demeure que la régularisation administrative des installations litigieuses pouvait consister en la justification que l'aménagement réalisé correspondait à une valorisation de déchets au titre de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement. L'inspection des installations classées a toutefois relevé, lors de son contrôle du 2 juin 2020, que les exploitants n'avaient, à cette date, transmis aucun élément ni au préfet, ni à l'inspection des installations classées permettant de satisfaire à cette exigence. Dans le cadre du présent litige, les requérants produisent un courrier adressé au préfet de La Réunion le 14 septembre 2020, aux termes duquel ils indiquent que les matériaux que les services de la DEAL considèrent comme un dépôt de ferraille constituent des éléments nécessaires à la conception des prochains bassins de production de spiruline. Toutefois, ce seul courrier ne suffit pas à démontrer la valorisation de ces déchets stockés alors que l'arrêté de mise en demeure précise que, pour démontrer la valorisation des déchets au titre de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement, les exploitants doivent transmettre la démonstration de l'utilité de l'aménagement réalisé à partir de déchets, la caractérisation des déchets stockés sur le site par la réalisation de prélèvement et d'analyses des déchets effectués par un organisme accrédité, un dossier d'aménagement agricole répondant à la réglementation relative à l'urbanisme et les éléments démontrant la mise en place d'une signalisation du danger.

9. Si les requérants font enfin valoir qu'aucun critère de dangerosité n'est sérieusement justifié par l'administration, ils n'apportent pas la preuve de l'absence de dangerosité des déchets stockés alors qu'il ressort des rapports d'inspection que les exploitants ignorent les caractéristiques techniques et environnementales de ces déchets. Il est par ailleurs constant que lors du contrôle du 9 septembre 2019, l'inspection des installations classées a relevé la présence de croûtes d'enrobés ainsi que du béton ferraillé, respectivement inscrits sur la liste des déchets prévue par l'article R. 541-7 du code de l'environnement sous les rubriques " 17 03 03 Goudron et produits goudronnés " et " 17 01 01 béton ". Dans ces conditions, les requérants ne peuvent être regardés comme apportant les éléments permettant d'établir qu'ils ont satisfait aux exigences de l'arrêté de mise en demeure à la date du présent arrêt.

10. Il résulte de ce qui précède que, d'une part M. C... et la SCEA Ter D Ba ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté les demandes de M. C... et que, d'autre part, le préfet de La Réunion pouvait considérer que des installations de stockage de déchets inertes et de stockage de déchets dangereux sont irrégulièrement exploitées sur la parcelle n° 0553 section CX et, après mise en demeure restée infructueuse, ordonner, par l'arrêté attaqué, la suppression de ces installations. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées par M. C... et par la SCEA Ter D Ba au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... et de la SCEA Ter D Ba est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la SCEA Ter D Ba et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23BX02256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02256
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : LOMARI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23bx02256 ?
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