Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'ordonner un supplément d'instruction concernant les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour considérer que son état de santé pouvait être pris en charge dans son pays d'origine et d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné à défaut de se conformer à cette mesure.
Par un jugement n° 2300007 du 20 juin 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2024, M. C..., représenté par Me Marciguey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 20 juin 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il serait susceptible d'être éloigné d'office ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Guyane, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'irrégularité du jugement :
- le jugement attaqué a méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur des arrêtés qui n'ont pas été versés au débat et qui ne lui ont pas été communiqués.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il a été signé par une autorité incompétente en l'absence de délégation de signature régulièrement accordée par le préfet de Guyane à Mme B... ; l'arrêté qui n'était pas versé au dossier et sur lequel se sont fondés les premiers juges ne conférait pas à Mme B... délégation pour signer un refus de titre de séjour ;
- il n'est pas établi qu'il a été réellement signé par Mme B... ;
- il méconnaît l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de communication de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; l'absence de communication de cet avis ne permet pas de s'assurer de la compétence de ses auteurs et de la régularité de la procédure ;
- il méconnaît L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de raisons médicales sérieuses nécessitant son maintien sur le territoire français, que le préfet n'établit pas que l'amélioration du système de santé brésilien permettrait la prise en charge de son état de santé et qu'il n'aura pas un accès effectif aux soins au Brésil ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entaché le refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle a été signée par une autorité incompétente en l'absence de délégation de signature régulièrement accordée par le préfet de la Guyane à Mme B... ;
- elle méconnaît l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits des l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête de M. C... a été communiquée au préfet de la Guyane qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 7 février 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 7 avril 2025 à 12h00.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2024/002467 du 26 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant brésilien né le 28 janvier 1966 à Macapa (Brésil), déclare être entré en France en 2002. Il a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable du 12 août 2019 au 11 août 2020. Le 18 mai 2021, M. C... a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 mars 2022, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 20 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-2 du même code : " Sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes suivants : / 1° Les décisions administratives qui sont notifiées au public par l'intermédiaire d'un téléservice conforme à l'article L. 112-9 et aux articles 9 à 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ainsi que les actes préparatoires à ces décisions ; / 2° Les décisions administratives relatives à la gestion de leurs agents produites par les administrations sous forme électronique dans le cadre de systèmes d'information relatifs à la gestion ou à la dématérialisation de processus de gestion des ressources humaines conforme aux articles 9, 11 et 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 précitée, quelles que soient les modalités de notification aux intéressés, y compris par l'intermédiaire d'un téléservice mentionné au 1° ; / 3° Quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés, les saisies administratives à tiers détenteur, adressées tant au tiers saisi qu'au redevable, les lettres de relance relatives à l'assiette ou au recouvrement, les avis de mise en recouvrement, les mises en demeure de souscrire une déclaration ou d'effectuer un paiement, les décisions d'admission totale ou partielle d'une réclamation et les demandes de documents et de renseignements pouvant être obtenus par la mise en œuvre du droit de communication prévu au chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales ; / 4° Les visas délivrés aux étrangers ". Aux termes de l'article L. 212-3 de ce code : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".
3. A l'appui du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, M. C... soutient pour la première fois devant la cour que la signature de Mme B... a été apposée sur l'arrêté en litige à l'aide d'un tampon encreur ou par reproduction numérique. Il produit au soutien de cette affirmation d'autres arrêtés signés par Mme B... datant de 2021 et 2022, dont la signature est strictement identique à celle de l'arrêté en cause et d'autres encore pour lesquels les signatures, bien que similaires, présentent de subtiles différences inhérentes à leur caractère manuel. Dans ces conditions, et alors que le préfet de la Guyane, qui n'a pas produit de mémoire en défense devant la cour, n'a apporté aucun élément d'explication, M. C... établit que l'arrêté du 7 mars 2022 n'a pas été signé de la main de Mme B... mais par l'apposition de sa signature soit par un tampon encreur soit par reproduction numérique. Un tel procédé ne permet pas de garantir le lien entre la signature et la décision à laquelle elle s'attache. Dès lors que l'arrêté en litige n'entre pas dans le champ des décisions dispensées de signature de leur auteur énoncées à l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration et que le procédé du tampon encreur ne peut être regardé comme une signature électronique sécurisée au sens de l'article L. 212-3 du même code, la décision contestée méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'incompétence.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2022. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu et en l'absence d'autres moyens susceptibles d'entraîner l'annulation de la décision attaquée, l'exécution du présent arrêt implique seulement un réexamen de la situation de M. C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Guyane de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois suivant ladite notification. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, l'avocat du requérant peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Marciguey, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2300007 du tribunal administratif de la Guyane du 20 juin 2024 et l'arrêté du préfet de la Guyane du 7 mars 2022 portant refus de renouvellement de titre de séjour sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à M. C... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois suivant ladite notification.
Article 3 : L'Etat versera à Me Marciguey, avocat de M. C..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Marciguey, et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Guyane
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02773