Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours et, à titre subsidiaire, d'annuler l'article 4 de cet arrêté en tant qu'il fixe une demande d'autorisation préfectorale pour sortir de la ville de Parthenay.
Par un jugement n° 2403271 du 16 décembre 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2025, M. A..., représenté par Me Robin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 décembre 2024 ;
2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'assignation à résidence n'est pas fondée en l'absence de perspective raisonnable de l'exécution de la mesure d'éloignement compte tenu du risque d'excision de ses filles en cas de retour dans son pays d'origine ; sa plus jeune enfant bénéficie d'ailleurs du statut de réfugié depuis le 27 décembre 2024 ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa vie privée et familiale ;
- les modalités de la mesure sont contraignantes et manifestement excessives ;
- l'interdiction de quitter le périmètre de la ville de Thouars est insuffisamment motivée ;
- l'assignation à résidence est fondée sur une mesure d'éloignement elle-même illégale ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2025, le préfet des Deux-Sèvres conclut au non lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de son arrêté portant assignation à résidence et au rejet des conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance.
Il fait valoir que :
- la décision d'assignation à résidence est arrivée à son terme ;
- compte tenu de l'obtention du statut de réfugié par la fille de M. A..., M. A... a été invité à déposer une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant réfugié qui est actuellement en cours d'instruction.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle n° 2025/000262 du 13 février 2025, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 10 janvier 1992 à Conakry (Guinée), déclare être entré en France le 18 septembre 2017. Le 23 mars 2020, il a sollicité l'asile qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 août 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 juin 2022. Par un arrêté du 27 juin 2022, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 2201715 du tribunal administratif de Poitiers du 24 août 2022 devenu définitif, la préfète des Deux-Sèvres l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le 4 octobre 2022, M. A... a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er février 2023, confirmé par un jugement n° 2300721 du tribunal administratif de Poitiers du 7 mars 2024, la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. A la suite d'un contrôle d'identité, M. A... a fait l'objet d'un arrêté du 28 novembre 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours sur le territoire de la commune de Parthenay. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 16 décembre 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 733-1 de ce même code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / (...) ". Enfin, l'article R. 733-1 dudit code précise : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la fille de M. A..., née le 25 avril 2023, a obtenu le statut de réfugié par une décision de l'OFPRA du 19 décembre 2024. Bien que postérieure à l'arrêté contesté, cette décision doit être prise en compte pour apprécier la légalité de l'arrêté en litige dès lors qu'elle révèle des faits antérieurs à ce dernier. Dans ces conditions, compte tenu de l'impossibilité pour la fille de M. A... de retourner dans son pays d'origine, il n'existait aucune perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de ce dernier. Il suit de là que l'arrêté par lequel la préfète des Deux-Sèvres a assigné M. A... à résidence doit être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Robin, avocat de M. A..., de la somme de 1 200 euros, sous réserve que Me Robin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2403271 du tribunal administratif de Poitiers du 16 décembre 2024 et l'arrêté du 28 novembre 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a assigné M. A... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Robin, avocat de M. A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Robin, et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 25BX00198