Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R. 5, R. 7 et R. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai la requête présentée pour Mme Laurence X, demeurant ..., par Me Christian Carton, avocat ;
Vu la requête, enregistrée le 18 mars 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle Mme X demande à la Cour :
1') d'annuler le jugement n° 94-464 du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1991 ;
2°) de prononcer la réduction demandée ;
Code D
Elle soutient qu'il ressort d'une jurisprudence constante que l'exonération d'impôt sur la plus-value immobilière doit recevoir application dès lors que l'associé de la SCI occupe l'immeuble cédé à titre de résidence principale, sans égard au caractère transparent ou non de la société ; que le motif de rejet du jugement est tiré de l'existence d'un bail commercial à la SARL Diana pour l'ensemble de l'immeuble à compter du 1er avril 1982 ; que, cependant, suivant acte sous seing privé en date du 23 mars 1988 la SCI X a consenti à la SARL Diana un nouveau bail commercial se substituant au précédent, qui a fait l'objet ultérieurement d'un avenant le 1er mars 1990 en vue de la révision du loyer ; qu'il résulte de l'acte de cession du 22 février 1991 que les locaux à usage d'habitation étaient occupés par Mme X ; qu'ainsi, l'occupation des locaux d'habitation par celle-ci résultait d'une mise à disposition gratuite par la SCI X ; que la requérante bénéficiait donc de plein droit de l'exonération de plus-value à concurrence de la somme de 600 000 francs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 1999, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'enjeu du litige ne saurait être supérieur en base brute à la différence entre le prix de vente (600 000 francs) et le prix d'achat (400 000 francs) ; que la totalité du bien étant louée à la SARL Diana, l'occupation de la partie habitation ne pouvait procéder d'une mise à disposition gratuite des lieux par la SCI X ; que les actes du 23 mars 1988 et du 1er mars 1990 qui n'ont pas été soumis à la formalité de l'enregistrement seraient dépourvus de date certaine ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 septembre 1999, présenté pour Mme X qui, par les mêmes moyens, reprend les conclusions de la requête ; elle soutient en outre que le bail de 1988 a été régulièrement exécuté ; que pour déterminer la plus-value afférente aux locaux commerciaux il y avait lieu de ne prendre en considération que le prix de cession de 2 400 000 francs ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2000, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 février 2000, présenté pour Mme X, qui, observant que les pièces qu'elle a produites ont été communiquées à l'administration, maintient les conclusions de sa requête ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui, par les mêmes moyens, persiste dans ses précédentes conclusions ; il soutient, en outre, que dès lors que la partie de l'immeuble concernée a fait l'objet jusqu'en 1988 d'une occupation en vertu d'un bail commercial, la requérante ne peut pas valablement prétendre qu'elle remplit la condition selon laquelle l'immeuble doit constituer la résidence habituelle du propriétaire durant une période minimale de cinq ans ;
Vu le nouveau mémoire en réplique, enregistré le 25 avril 2000, présenté pour Mme X, qui, par les mêmes moyens, reprend les conclusions de la requête ; elle soutient en outre que, si elle ne peut justifier de motifs tirés d'impératif d'ordre familial ou d'un changement de lieu de résidence, l'occupation de sa résidence principale n'a pas revêtu de caractère fictif et a été effective pendant trois ans, ce qui est conforme à l'instruction du 30 décembre 1976, 8M-1-76 n° 114 et à la doctrine administrative 8M-1522 n° 10, 1er décembre 1995 ; que la vente de l'immeuble fut motivée par les nouvelles orientations professionnelles de Mme X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2003 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et Mme Brenne, premier conseiller :
- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Evrard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société civile immobilière (SCI) X dont Mme Laurence X détenait 70 % des parts a acquis par acte en date du 9 février 1988 un immeuble à usage commercial et d'habitation et l'a vendu par acte du 22 février 1991 ; que Mme X après avoir souscrit la déclaration de la plus-value réalisée lors de cette cession, qui a été soumise à l'impôt sur le revenu de l'année 1991 a, par une réclamation du 9 octobre 1992, demandé à bénéficier de l'exonération prévue par l'article 150C I du code général des impôts pour la fraction de la plus-value afférente aux locaux d'habitation ; que l'administration fiscale a rejeté cette réclamation ; que Mme X fait appel du jugement du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant à la réduction de l'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1991 ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 150 C du code général des impôts : I. Toute plus-value réalisée lors de la cession d'une résidence principale est exonérée. Sont considérées comme résidences principales : a) Les immeubles ou partie d'immeubles constituant la résidence habituelle du propriétaire depuis l'acquisition ou l'achèvement ou pendant au moins cinq ans ; aucune condition de durée n'est requise lorsque la cession est motivée par des impératifs d'ordre familial ou un changement de résidence ; qu'il résulte des dispositions de cet article que l'associé d'une société de personnes, telle qu'une société civile visée au 1er du second alinéa de l'article 8 du même code, qui occupait, à titre de résidence principale, un immeuble ou une partie d'immeuble appartenant à cette société et que celle-ci mettait, en droit ou en fait, gratuitement à sa disposition, bénéficie, en cas de cession à titre onéreux de cet immeuble ou de cette partie d'immeuble, de la même manière que s'il en avait été lui-même propriétaire, de l'exonération prévue par le I de l'article 150 C de ce code, dans les conditions prévues par ce texte ;
Considérant que, si par l'effet de l'acte sous seing privé du 23 mars 1988 par lequel la SCI X a consenti à une société tierce un nouveau bail commercial à compter du 9 février 1988 qui ne porte que sur les locaux commerciaux de l'ensemble immobilier dont s'agit, la partie de l'immeuble appartenant à ladite SCI constituée des locaux d'habitation occupés à titre de résidence principale par la requérante doit être regardée comme ayant été mise gratuitement à la disposition de cette dernière par la SCI X , il résulte cependant de l'instruction que la cession de l'immeuble étant intervenue le 22 février 1991 Mme X, ainsi que le fait valoir l'administration, n'a pas occupé les lieux où elle résidait pendant une durée de cinq ans ; que la requérante n'allègue aucun motif tiré soit d'impératifs d'ordre familial soit d'un changement de résidence au sens des dispositions précitées de l'article 150 C du code général des impôts ; qu'elle ne saurait par suite, sur le terrain de la loi fiscale, prétendre à l'exonération qu'elle revendique ;
Sur le terrain de la doctrine :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration et qu'aux termes du second alinéa de cet article : Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ;
Considérant que Mme X se prévaut du paragraphe 114 de l'instruction administrative du 30 décembre 1976 publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts (8 M-1-76), dont les prévisions ont été reprises au n° 10 de la documentation de base 8M-1522 du 1er décembre 1995, pour soutenir qu'il a été admis, sauf cas exceptionnels, de ne pas taxer les plus-values de cession de résidences principales pour lesquelles la condition de durée de détention n'est pas remplie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part que la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle Mme X a été assujettie au titre de l'année 1991 correspondant à la plus-value qu'elle a réalisée ne procède pas d'un redressement, d'autre part que dans la déclaration spéciale qu'elle a souscrite le 2 mars 1992 à raison de cette plus-value, la requérante n'a pas entendu faire application de l'interprétation administrative résultant de l'instruction susrappelée du 30 décembre 1976 ; que, par suite, Mme X n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales et ne peut se prévaloir de ladite instruction ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions susrappelées de l'instruction du 30 décembre 1976 et de celle de la documentation de base 8M-1522 du 1er décembre 1995 ne sauraient être invoquées sur le fondement de l'article 1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 dès lors qu'elles sont contraires à la loi et au règlement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Laurence X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Laurence X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Est.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 26 mars 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 9 avril 2003.
Le rapporteur
Signé : D. Brin
Le président de chambre
Signé : M. de Segonzac
Le greffier
Signé : P. Lequien
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Philippe Lequien
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N°99DA00641