Vu la requête, enregistrée le 27 septembre 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de Calais, dont le siège est situé 35, rue Descartes à Calais (62100), représentée par son directeur en exercice, par Maître Etienne Wable, avocat, membre de la société d'avocats Wable - Trunecek ;
La caisse primaire d'assurance maladie de Calais demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9803126 du 26 juin 2002 du tribunal administratif de Lille en tant, d'une part, qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que le tribunal déclare la société Y responsable du préjudice causé par l'accident de la circulation dont M. X a été victime le 30 novembre 1991 et condamne en conséquence ladite société à lui payer la somme de 7 566,37 euros avec intérêts au taux judiciaire, d'autre part, qu'il l'a condamnée à verser à la société Y et au département du Pas-de-Calais, chacun, une somme de 600 euros et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, une somme de 400 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
2°) de déclarer la société Y responsable de l'intégralité des conséquences dommageables de l'accident survenu à M. X ;
Code D Classement CNIJ : 67-03-01-01-035
3°) de condamner en conséquence ladite société à lui verser la somme de 7 566,37 euros en remboursement des débours exposés pour M. X, son assuré ;
4°) de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à M. X et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ;
5°) de condamner la société Y à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens ;
Elle soutient, après avoir rappelé les faits et la procédure, qu'aucun panneau visible ne signalait la réfection de la portion de voie sur laquelle s'est produit l'accident et que le feu tricolore ne fonctionnait pas ; que l'accident de M. X est donc dû à un défaut de signalisation des travaux dont la responsabilité incombe au maître de l'ouvrage et à l'entreprise chargée d'effectuer lesdits travaux publics ; qu'aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que M. X aurait commis une faute d'imprudence ; qu'il n'existe aucun cas de force majeure ; qu'en première instance, la société Y et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ont toujours conclu par des mémoires communs de sorte que la condamnation prononcée à leur profit au titre des frais irrépétibles est particulièrement sévère ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2002, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; il conclut à la mise hors de cause de l'Etat dans cette affaire ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 février 2003, présenté pour la société en nom collectif Y, dont le siège social est situé 132, boulevard de la Liane à Boulogne-sur-Mer (62), et pour la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, dont le siège social est situé 23, rue Pierre Brossolette à Marcq-en-Baroeul (59), par Maître Pierre Sanders, avocat, membre de la société d'avocats Sanders et Verley ; elles concluent, à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions et au rejet des demandes, fins et conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Calais et de toute autre partie, à titre subsidiaire, à la condamnation de M. X, de l'Etat et du département du Pas-de-Calais à les garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre, à ce que la caisse primaire d'assurance maladie de Calais soit déboutée de sa demande de remboursement des intérêts au taux judiciaire à compter du jour des versements, à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de Calais à leur verser une somme de 1 500 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens ; elles soutiennent, après avoir rappelé les faits et la procédure, qu'il ressort du procès-verbal de gendarmerie que la signalisation sur le chantier litigieux était conforme et visible pour toute personne normalement vigilante dans les deux sens de circulation ; que seuls les feux tricolores étaient défaillants ; qu'il est toutefois de jurisprudence constante que la responsabilité de l'entreprise ne peut être engagée si elle n'a pas eu le temps matériel d'intervenir sur des panneaux de signalisation détruits ; qu'en tout état de cause, l'accident n'est pas en relation directe avec cette défaillance, les travaux étant parfaitement visibles et M. X ne pouvant donc aujourd'hui affirmer qu'il n'en avait pas connaissance ; que la société Y, qui avait en charge la seule réalisation des purges sur la route, avait, sur cette portion, terminé ses travaux au moment de l'accident ; que la société Y n'a fait que se conformer aux prescriptions de son marché ; que l'organisation du chantier était de la seule compétence de la direction départementale de l'équipement, maître d'oeuvre ; que, dans ces conditions, aucune faute n'est susceptible d'être reprochée à la société Y ; qu'en revanche la connaissance qu'avait M. X des lieux de l'accident, sa vitesse excessive au regard de l'état de la chaussée constituent, comme l'a retenu le tribunal, une faute exonératoire de l'éventuelle responsabilité de la société Y ; que les exposantes ne pourront être tenues pour responsables de la négligence dont a fait preuve la caisse primaire d'assurance maladie de Calais pour faire valoir ses droits ;
Vu le mémoire additionnel, enregistré le 21 février 2003, présenté pour la société Y et la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ; elles concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2003, présenté par M. Guy X, demeurant à Turcin, en Croatie ; il ne présente pas de conclusions propres mais souhaite compléter l'argumentaire de la caisse primaire d'assurance maladie de Calais en présentant des observations ; il soutient que la signalisation des travaux était insuffisante, les panneaux étant en place dans le sens opposé de celui où il circulait et les feux tricolores défaillants ; qu'il n'est pas sérieusement démontré que sa vitesse aurait été excessive ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'avait pas une bonne connaissance des lieux ; que la configuration des lieux aurait justifié la présence d'au moins un panneau supplémentaire ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2003, présenté pour le département du Pas-de-Calais, représenté par son président en exercice dûment habilité, par Maître Jacques Dutat, avocat, membre de la société d'avocats Dutat - Lefèvre et associés ; il conclut au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par la société Y, ainsi qu'à la condamnation de ladite société à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ; il soutient que la société Y se borne à prétendre que les travaux auraient dû être mieux ou différemment coordonnés ; que cet argument est inopérant puisqu'elle ne démontre ni même n'allègue que ses propres travaux avaient été réceptionnés avant la survenance de l'accident ; qu'il résulte des dispositions de l'arrêté du président du Conseil Général en date du 12 novembre 1991 que la signalisation devait être mise en oeuvre par les soins et aux frais de la société Y pendant le cours de la période de deux mois durant laquelle les restrictions liées à l'exécution des travaux étaient effectives ; qu'il résulte des documents contractuels régissant le marché le liant avec la société Y que cette dernière a vocation à la relever de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2003 où siégeaient
M. Daël, président de la Cour, Mme Fraysse, président de chambre, Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur, M. Nowak et M. Quinette, premiers-conseillers :
- le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
- les observations de Maître Verley, avocat, membre de la SCP Sanders et Verley, pour la société Y et pour la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, et de Maître Lefebvre, avocat, membre de la SCP Lefèvre et associés, pour le département du Pas-de-Calais,
- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen forme appel du jugement susvisé en date du 26 juin 2002 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que la société Y soit déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont M. X, son assuré, a été victime le 30 novembre 1991 et condamnée en conséquence à lui rembourser les débours exposés en relation avec ledit accident ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, le matin du 30 novembre 1991, M. Guy X, alors qu'il traversait une zone de travaux située sur le chemin départemental 127 sur le territoire de la commune de Réty, a perdu le contrôle de son véhicule, lequel a terminé sa course contre le mur d'une habitation ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de gendarmerie produit par la requérante que, dans le sens de circulation emprunté par la victime, était disposé, 500 mètres en amont de la zone de travaux, un panneau travaux , puis, placés régulièrement tous les
50 mètres par rapport à ce premier panneau, un panneau de limitation de vitesse à 80 km/h, un panneau interdit de doubler , un panneau feux tricolores , enfin, un feu tricolore accompagné d'un panneau de limitation de vitesse à 60 km/h et d'un panneau chaussée rétrécie ; que, dans ces conditions, et alors que le non fonctionnement du feu tricolore n'a eu aucune incidence sur la survenance de l'accident, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé ladite signalisation suffisante et l'entretien normal de l'ouvrage établi ; qu'en outre, et compte tenu des mentions de ce même procès-verbal, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en estimant que M. X n'a pas fait preuve de vigilance ni adopté une vitesse appropriées aux conditions de circulation sur une chaussée en travaux et rendue particulièrement glissante en raison de la purge de son enrobé ; que, par suite, les conclusions de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Calais tendant à ce que la société Y soit déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. X, son assuré, et condamnée à lui rembourser les prestations servies à ce titre à ce dernier ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de Calais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la société Y et de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics tendant à la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de Calais à leur verser des dommages et intérêts pour procédure abusive :
Considérant que la requête n'étant pas abusive, lesdites conclusions, au demeurant non motivées, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'en allouant les sommes de 600 euros à la société Y et de 400 euros à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions précitées.
Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que la société Y, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser en cause d'appel à la caisse primaire d'assurance maladie de Calais et au département du Pas-de-Calais la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen à verser à la société Y et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, chacune, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la caisse primaire d'assurance maladie de Calais est rejetée.
Article 2 : La caisse primaire d'assurance maladie de Calais versera à la société Y et à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, chacune, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 3 : Les conclusions du département du Pas-de-Calais tendant à l'application de l'article L. 761-1 et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de Calais, à la société Y, à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, au département du Pas-de-Calais, à M. Guy X, ainsi qu'au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord - Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 17 juin 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 1er juillet 2003.
Le rapporteur
Signé :
P. Lemoyne de Forges
Le président de la Cour
Signé : S. Daël
Le greffier
Signé : M.T. Lévèque
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Marie-Thérèse Lévèque
N°02DA00872 2