Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 19 août 2002 et le mémoire complémentaire, enregistré le 27 septembre 2002, présentés pour le centre hospitalier de Tourcoing, dont le siège est sis 135, rue du Président Coty à Tourcoing (59208), représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat ; le centre hospitalier de Tourcoing demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-453 en date du 13 juin 2002 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a, à la demande de B... Vinciane X, condamné à verser à celle-ci, d'une part, une somme de 20 961,75 euros en principal, en réparation des préjudices subis au cours de son hospitalisation en septembre 1995 et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, d'autre part, une somme de 57 593,45 euros en principal, en remboursement de sa créance ;
2°) de rejeter la demande de B... Vinciane X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille devant le tribunal administratif de Lille ;
Code C Classement CNIJ : 60-02-01-01-01-01-04
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges lui ont imputé un défaut d'information fautif ; qu'en effet, alors qu'il existait chez B... X une suspicion de purpura fulminans, affection gravissime susceptible à entraîner le décès dans la moitié des cas, la ponction lombaire était indispensable ; qu'il n'existait pas d'autre moyen que cette intervention pour confirmer ou infirmer le diagnostic de purpura fulminans et pour, le cas échéant, instaurer un traitement de toute urgence ; qu'à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a évalué à 50 % de l'entier préjudice la perte de chance qu'aurait subie B... X ; qu'en effet, il est infiniment probable, voire certain, que la patiente n'aurait pas renoncé à l'acte qui lui était proposé même si on lui avait fait part des risques que celui-ci présentait ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2003, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, dont le siège est ..., représentée par son directeur en exercice, par Me A..., avoué ; la caisse primaire d'assurance maladie de Lille conclut au rejet de la requête et à la condamnation du centre hospitalier de Tourcoing à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le centre hospitalier ne démontre pas que l'intervention était à ce point vitale et urgente, qu'elle dispensait ledit établissement de toute information sur les risques, tant courants qu'exceptionnels, inhérents à la ponction lombaire ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 avril 2003, présenté pour B... Vinciane X, demeurant ..., par Me X..., avocat ; B... X demande à la Cour : - d'une part, de rejeter la requête du centre hospitalier de Tourcoing ; à cette fin, elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a relevé qu'il n'était nullement établi qu'aucun autre examen n'aurait permis de détecter un purpura infectieux ; qu'au contraire, le purpura fulminans aurait pu être écarté du diagnostic sans qu'il soit nécessaire de recourir à la ponction lombaire ; qu'au surplus, cet examen, dont le caractère urgent et vital n'est aucunement établi, n'a pas été immédiatement pratiqué par l'hôpital, mais seulement plusieurs heures après l'admission ; - d'autre part, par la voie du recours incident, d'ordonner une nouvelle expertise confiée à un infectiologue ou de condamner le centre hospitalier de Tourcoing à lui payer, en premier lieu, au titre des préjudices soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie, la somme de 101 528,40 euros réserve étant faite des demandes complémentaires qui pourraient être prescrites en cas d'aggravation ou d'augmentation importante des frais médicaux futurs, et, en second lieu, au titre des préjudices non soumis au recours de la caisse, la somme de 247 272,27 euros ; - enfin, de condamner le centre hospitalier de Tourcoing à lui payer la somme de 4 573,47 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; à cette fin, elle soutient que le rapport d'expertise établi par le professeur Z... est insuffisant, en ce que son auteur, chirurgien, n'a pas de compétence particulière en infectiologie et que son rapport est incomplet sur ce sujet ; que le centre hospitalier a commis des fautes de nature à engager son entière responsabilité ; qu'ainsi, une erreur de diagnostic a, en premier lieu, entaché la décision de pratiquer une ponction lombaire, alors que le purpura, qui avait débuté depuis quatre jours, ne pouvait pas être un purpura fulminans ; que la ponction lombaire a été réalisée, en deuxième lieu, dans des circonstances particulièrement dangereuses pour la patiente, dont le taux de plaquettes sanguines avait chuté, et par quelqu'un d'insuffisamment qualifié ; qu'en troisième lieu, le défaut de fonctionnement du service est avéré, dans la mesure où l'interne de garde aurait dû pouvoir contacter un chef de service expérimenté avant de prendre une décision aussi importante ; que les préjudices subis sont très importants, tant au niveau de l'hypoesthésie que, surtout, des troubles vésico-sphinctériens ; qu'elle conserve une incapacité permanente partielle évaluée par l'expert à 33 % ; qu'elle a perdu des chances certaines d'une meilleure réussite universitaire et professionnelle, ainsi que d'une vie plus agréable et harmonieuse ; qu'elle justifie de manière chiffrée et détaillée les différents chefs de préjudice lui ouvrant droit à indemnisation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2003 où siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, M. Nowak, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de M. Gipoulon, président-rapporteur,
- les observations de Me Y..., avocat, pour le centre hospitalier de Tourcoing, et
Me Bernard C..., avocat, pour B... X,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que B... Vinciane X, hospitalisée le 5 septembre 1995 au centre hospitalier Dron de Tourcoing, pour un purpura associé à une hyperthermie, a subi une ponction lombaire à des fins diagnostiques ; qu'il résulte des rapports des experts désignés par la voie du référé administratif, les docteurs Z... et Kuher, que cet examen a entraîné un hématome épidural comprimant le cône terminal de la moëlle épinière et, en particulier, de la zone dite de queue-de-cheval ; qu'il en est résulté des troubles sensitivo-moteurs et sphinctériens à raison desquels Melle X a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Tourcoing ; qu'à l'appui de son appel incident dirigé contre le jugement susvisé en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions, B... X soutient notamment que, d'une part, le type de purpura dont elle était atteinte lors de son hospitalisation ne pouvait pas être de ceux permettant de suspecter une méningoccocémie, ce qui, dès lors, rendait inutile une ponction lombaire, que, d'autre part, ce geste s'avérait trop dangereux dans le contexte de l'espèce, et notamment du fait du bilan sanguin qu'elle présentait à l'admission, puis au cours des premiers soins hospitaliers, et qu'enfin, cette intervention a été décidée et pratiquée dans des conditions défectueuses au regard des règles de fonctionnement du service public hospitalier ;
Considérant que l'état du dossier ne permet pas de répondre en toute connaissance de cause à ces moyens ; qu'il y a lieu, en conséquence, avant dire droit sur les appels du centre hospitalier de Tourcoing et de B... X, d'ordonner une expertise complémentaire à l'effet de déterminer si, compte tenu de l'état de Melle X à son arrivée à l'hôpital et du tableau, notamment sanguin, qu'elle présentait, les lésions purpuriques dont elle était atteinte rendaient légitime la réalisation d'une ponction lombaire et si celle-ci a été décidée puis pratiquée selon les règles de l'art et dans des conditions satisfaisantes de fonctionnement du service hospitalier ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions présentées par le centre hospitalier et par B... Vinciane X, procédé à une expertise médicale. L'expert aura pour mission :
1°) de prendre connaissance de l'entier dossier médical de B... Vinciane X et d'examiner l'intéressée ;
2°) de donner son avis sur le type de purpura dont était atteinte B... Vinciane X le 5 septembre 1995 en indiquant si, compte tenu de l'état de la patiente, de sa maladie immédiatement antérieure à son hospitalisation et des résultats des analyses et examens effectués lors de son admission, il était permis de penser qu'elle pouvait présenter une infection méningée débutante ou développer un purpura fulminans ;
3°) de donner son avis sur l'indication de choc d'incompatibilité survenu lors de la transfusion de concentrés plaquettaires, en précisant si cet épisode peut être mis en relation avec le type d'affection dont était atteinte B... Vinciane X ou s'il était susceptible de participer au diagnostic ;
4°) d'indiquer s'il était possible de procéder à d'autres examens que la ponction lombaire, en vue de diagnostic, à la place de ladite ponction ou, le cas échéant, préalablement à celle-ci ; d'en décrire les avantages et inconvénients composés ;
5°) de dire si la décision de recourir à la ponction lombaire a été, en l'espèce, prise en conformité avec les règles d'organisation et de fonctionnement du service public hospitalier et si sa réalisation a été effectuée selon les règles de l'art ;
6°) de donner son avis sur les éléments permettant d'apprécier les préjudices de toute nature subis par B... Vinciane X du fait des séquelles de ladite ponction lombaire ; d'une manière générale, fournir toute indication de nature à éclairer la Cour, entendre tout intéressé et formuler toute observation utile.
Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Tourcoing, à B... Vinciane X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lille et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Copie sera transmise au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais, préfet du Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 16 septembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 30 septembre 2003.
L'assesseur le plus ancien
Signé : E. Nowak Le président-rapporteur
Signé : J.F. GipoulonLe greffier
Signé : G. D...
La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
Guillaume D...
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N°02DA00762 2