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07/03/2006 | FRANCE | N°05DA00061

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 07 mars 2006, 05DA00061


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2005, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, venant aux droits du centre hospitalier d'Amiens (Poste de transfusion sanguine d'Amiens), dont le siège social est 100 avenue de Suffren à Paris (75015), représenté par son président, par Me Prouvost ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

11) de réformer le jugement n° 0301089 en date du 19 octobre 2004 en tant que le Tribunal administratif d'Amiens a confié à un expert la mission d'identifier les donneurs des produits sanguins transfusés à Mme X au centre h

ospitalier de Montdidier le 2 avril 1987 et de pratiquer sur les intére...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2005, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, venant aux droits du centre hospitalier d'Amiens (Poste de transfusion sanguine d'Amiens), dont le siège social est 100 avenue de Suffren à Paris (75015), représenté par son président, par Me Prouvost ; l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

11) de réformer le jugement n° 0301089 en date du 19 octobre 2004 en tant que le Tribunal administratif d'Amiens a confié à un expert la mission d'identifier les donneurs des produits sanguins transfusés à Mme X au centre hospitalier de Montdidier le 2 avril 1987 et de pratiquer sur les intéressés les tests de dépistage du VHC ;

2°) d'ordonner la mission d'expertise suivante :

1) Convoquer, interroger Mme X, prendre connaissance de son entier dossier médical. Dire si l'intégralité des documents médicaux ont été consultés ou préciser en cas de non disponibilité ou de non consultation des pièces, quelles en sont les raisons.

2) Reconstituer l'historique médical de Mme X en précisant les pathologies, les lieux et modalités de prise en charge médicales.

3) Dire si Mme X présente des anticorps contre le virus de l'hépatite C et préciser si celle-ci est ou a été porteuse de ce virus.

4) Dire s'il est possible de déterminer la date de contamination de Mme X par le

virus C, dire si celle-ci était de façon certaine indemne de toute contamination avant les transfusions. Préciser les critères objectifs pour apprécier cette date et notamment rappeler les évolutions naturelles de la courbe des transaminases en cas de contamination et préciser si celle de

Mme X est compatible avec une contamination durant l'épisode transfusionnel concerné

et/ou antérieure et/ou postérieure à celui-ci.

5) Obtenir, dans la mesure du possible, la détermination du génotype du virus de l'hépatite C par biologie moléculaire ou, à défaut, les résultats du sérotypage et les résultats portant sur la charge virale de Mme X.

6) Préciser par quels moyens et à quelle date, le ou les diagnostic(s) d'hépatite virale C a ont été établi(s), ainsi que le motif de la recherche.

7) Rappeler les différents modes de contamination et facteurs de risques reconnus actuellement pour le virus de l'hépatite C.

8) Rappeler l'évolution naturelle de l'infection virale C, les modalités thérapeutiques et l'évolution sous traitement.

9) Décrire les circonstances dans lesquelles Mme X a été hospitalisée, hospitalisations au cours desquelles les transfusions sont intervenues.

10) Rechercher si Mme X a reçu de façon certaine des transfusions de sang ou de dérivés sanguins et indiquer les moyens et pièces par lesquels les produits ont été retracés.

11) Dans l'affirmative :

- indiquer pour chacune d'entre elles, la nature exacte des produits, la (ou les) date(s) à laquelle (auxquelles) ils ont été injectés, leurs numéros d'identification, les distributeurs et les fabricants des produits sanguins transfusés ainsi que les circonstances et les raisons pour lesquelles les transfusions ont été pratiquées.

- préciser si, à la date de ces transfusions, les données de la Science pouvaient permettre de dépister la contamination éventuelle du sang ou des dérivés par le virus de l'hépatite C.

- donner des indications sur la probabilité d'infectiosité des produits sanguins selon leur nombre, leur nature et la date de fabrication.

12) Dire si l'enquête transfusionnelle démontre de façon certaine que du sang ou des dérivés transfusés étaient contaminés par le virus de l'hépatite C. Dans ce cas montrer, dans la mesure du possible, que la souche du virus C présente chez le receveur est identique du point de vue moléculaire à la souche contenue dans le(s) produits(s) sanguin(s) ou dérivé(s) du sang issu du donneur.

13) Rechercher dans les antécédents de Mme X toute utilisation de produits biologiques d'origine humaine « non transfusionnels » et en particulier :

- une greffe de tissus, cellules (notamment greffons vasculaires de fistule ou autre, greffons osseux, cartilagineux, cutanés ou autres) ou organes

- ou l'utilisation de colles biologiques, de poudre d'os, du facteur de transfert, de l'interféron

- tout recours à une hémothérapie, lymphothérapie ou autre soin à base de produit d'origine humaine, placentaire ou embryonnaire.

A défaut, préciser si Mme X a eu des soins susceptibles de contenir de tels produits, notamment en cas de chirurgie (orthopédique, viscérale, cardiovasculaire, ORL, traumatologique, réparatrice, stomatologique…), préciser la date des soins et donner des indications sur l'origine et le caractère potentiellement infectieux de ces produits.

14) Faire pratiquer les enquêtes ascendantes et ou descendantes relatives à ces produits le cas échéant.

15) Rechercher si la demanderesse présentait d'autres facteurs de risques de contamination dans son histoire personnelle, médicale ou professionnelle.

16) Déterminer la cause la plus vraisemblable de sa contamination.

17) Dire quelles sont, ou ont été, les conséquences pathologiques de l'hépatite C de

Mme X ; en décrire les signes cliniques, para-cliniques, histologiques et biologiques et dire, par diagnostic différentiel, s'ils peuvent être rattachés à une autre cause ;

Décrire les éventuelles autres pathologies dont a été ou est atteinte Mme X.

Dire si Mme X présente, ou a présenté, des facteurs endogènes et/ou exogènes ayant pu avoir une incidence sur sa pathologie hépatique.

Préciser, le cas échéant, s'il existe, ou a existé, des difficultés thérapeuthiques particulières liées à d'autres pathologies dont elle aurait été atteinte.

18) Préciser les modalités de la prise en charge thérapeutique de l'hépatite C de

Mme X, ainsi que, le cas échéant, l'observance, la durée et le résultat, pendant, après et à distance des traitements.

Préciser les éléments qui ont permis d'évaluer la réponse au traitement, et le cas échéant les perspectives thérapeutiques envisagées et/ou envisageables.

19) Décrire l'ensemble des préjudices résultant strictement, pour Mme X de sa contamination par le virus de l'hépatite C, en les distinguant de ceux découlant des éventuelles autres pathologies dont elle serait atteinte ou qui pourraient être rattachés à toute autre cause :

Décrire les troubles objectivés tant sur le plan physique que sur le plan psychique, de toute nature en liaison directe et certaine avec la contamination virale C.

Dire s'il a existé une ou plusieurs incapacités totales ou partielles en rapport avec la contamination virale C.

Evaluer les souffrances morales et psychologiques liées à l'existence de la contamination virale C.

Il soutient que si c'est à bon droit que le Tribunal a, avant de statuer sur la demande de

Mme X tendant à être indemnisée des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, ordonné une expertise, c'est à tort qu'il a confié à l'expert la mission de réaliser une enquête transfusionnelle en vue d'identifier les donneurs de produits sanguins qui lui ont été transfusés et de pratiquer sur les intéressés des tests de dépistage du virus de l'hépatite C ; qu'il résulte en effet de l'article L. 1221-7 du code de la santé publique que le receveur ne peut connaître l'identité du donneur, qu'aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don de son sang et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée, et qu'il ne peut être dérogé à ce principe d'anonymat qu'en cas de nécessité thérapeutique ; que les articles 16-9 et 16-8 du code civil s'opposent également à la mission ordonnée par les premiers juges ; que le Garde des Sceaux a précisé dans une note du 6 janvier 1995 et une circulaire du 26 février 2005 que les établissements de transfusion sanguine doivent être en mesure de fournir à l'expert médical désigné par le magistrat les données non directement nominatives relatives au statut sérologique du donneur et qu'en aucun cas l'identité du donneur ne doit être indiquée ; que dans l'hypothèse où la manifestation de la vérité imposerait que les donnés nominatives soient saisies, elles devraient l'être dans le cadre d'une procédure de scellés fermés et confiés à un expert médical, soumis au secret professionnel en vue de leur exploitation, l'expert diligentant les examens appropriés mais l'identité des donneurs ne devant en aucun cas figurer dans le rapport ; que la Cour doit donc modifier les termes de la mission confiée à l'expert ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2005, présenté pour Mme Claudine Y, épouse X, demeurant ..., par la société civile professionnelle d'avocats Firmin-Régnier ; Mme X s'en rapporte à la justice en ce qui concerne la requête de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ;

Elle soutient qu'afin de ne pas retarder l'évolution de l'affaire, elle demande à la Cour de maintenir l'expertise telle qu'elle a été fixée par le tribunal administratif, tout en supprimant les dispositions qui seraient contraires à la loi ; que la mission en dix-neuf points définie par le requérant est extravagante ; qu'elle a souffert d'une hépatite aigue début juillet 1987, soit deux mois après la transfusion ; qu'une prise de sang, dont les résultats doivent se trouver dans les archives du centre hospitalier d'Amiens, a du être effectuée le jour de l'accident ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur ;

- les observations de Me Foutry, pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ;

- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens, saisi par

Mme X d'une demande tendant à la condamnation de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à l'indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C qu'elle impute aux transfusions de produits sanguins qu'elle a reçues en avril 1987 lors de son hospitalisation, d'une part, au centre hospitalier de Montdidier, d'autre part, au centre hospitalier d'Amiens, a, avant de statuer sur ladite demande, ordonné une expertise aux fins de rechercher les causes possibles de la contamination de l'intéressée et, notamment, de se livrer à une enquête transfusionnelle ascendante ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG conteste les termes de la mission confiée à l'expert et en demande la réformation ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 1221-7 du code de la santé publique et 16-8 du code civil qu'aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée ; qu'il y a lieu, dès lors, de modifier les termes de la mission confiée par le jugement attaqué à l'expert en ce qu'elle prescrit notamment à celui-ci d'identifier les donneurs des produits sanguins qui ont été transfusés à Mme X aux fins de pratiquer sur les intéressés des tests de dépistage du virus de l'hépatite C, et de prescrire audit expert de recenser les produits sanguins administrés à Mme X, en précisant la nature, les numéros, l'identité du distributeur et l'identité du fabricant et de préciser si une enquête transfusionnelle ascendante a été possible et d'en indiquer le cas échéant les résultats ;

DÉCIDE :

Article 1er : La mission de l'expert désigné par les premiers juges est modifiée comme suit : l'expert aura pour mission :

1) d'examiner Mme Claudine Y, épouse X, et de reconstituer son histoire médicale en détaillant l'ensemble des pathologies présentées, les dates, les lieux et les modalités de leur prise en charge médicale,

2) de préciser par quels moyens, à quelle date et dans quelles circonstances le diagnostic de son infection par le virus de l'hépatite C a été établi ; de dire si sa contamination peut être datée ; de recenser les produits sanguins administrés à Mme Claudine X en précisant la nature, les numéros, l'identité du distributeur et l'identité du fabricant ainsi que la date, le lieu et les circonstances des transfusions ; de dire si la matérialité des transfusions est établie et de préciser si une enquête transfusionnelle ascendante a été possible et d'en indiquer le cas échéant les résultats ; de déterminer le degré d'imputabilité transfusionnelle de la contamination de Mme Claudine X par le virus de l'hépatite C et de préciser les autres facteurs de risque de contamination par le virus de l'hépatite C auxquels Mme Claudine X a été exposée au cours de son histoire personnelle, médicale et professionnelle,

3) de décrire les conséquences pathologiques passées et actuelles de la contamination de Mme Claudine X par le virus de l'hépatite C ; de préciser la nature et l'étendue des préjudices de toute nature résultant pour Mme Claudine X de sa contamination en les distinguant le cas échéant de ceux découlant des autres pathologies dont elle est atteinte et de les évaluer ; de préciser les perspectives d'évolution de son hépatite C.

Article 2 : L'article 3 du jugement du Tribunal administratif d'Amiens du 19 octobre 2004 est annulé.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, à Mme Claudine X, à la mutuelle générale de l'éducation nationale d'Amiens et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie sera transmise au professeur Z, ès qualité d'expert.

2

N°05DA00061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05DA00061
Date de la décision : 07/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS EY LAW

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-03-07;05da00061 ?
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