Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ..., par la SCP Poncet, Deboeuf, Deslandes ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0501472 du 25 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la Communauté d'agglomération d'Evreux à réparer leur entier préjudice à la suite de l'accident de la circulation dont Mme X a été victime le 6 décembre 2003, à ce qu'une expertise soit ordonnée pour évaluer les dommages corporels subis, à ce que le jugement à intervenir soit déclaré opposable à la SMACL, assureur de la Communauté d'agglomération d'Evreux et commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, enfin à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de ladite communauté d'agglomération au titre de L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de faire droit à la demande présentée en première instance ;
Les époux X soutiennent que l'accident a été causé par une bouche d'égout non fermée qui faisait saillie d'au moins 20 centimètres par rapport au niveau de la voie ; que si cet obstacle était principalement situé sur le bas-côté, une partie de celui-ci se situait sur la chaussée même ; que la responsabilité de la Communauté d'agglomération d'Evreux est engagée pour défaut d'entretien normal de la voie publique, aucune signalisation de l'ouvrage en travaux n'ayant été mise en place comme l'atteste Mme Y, témoin direct de l'accident ; que ce sont les pompiers qui, à la suite de l'accident, ont placé balises et rubans de sécurité ; que la comparaison entre les photos prises par M. X juste après l'accident et celles prises au lendemain de l'accident montre le caractère inadapté de la signalisation provisoire ; or c'est bien une signalisation de cette nature qui a été réalisée après un premier accident survenu le 4 novembre 2003 ; qu'aucune faute imputable à Mme X n'est démontrée ; qu'elle a été blessée à la main gauche avec pertes de substances des 3ème, 4ème et 5ème doigts et a subi un préjudice corporel attesté par une incapacité temporaire totale de 9 jours et une obligation de soins pendant 15 jours ; qu'un an après l'accident, persiste une gêne fonctionnelle correspondant à une incapacité permanente partielle dont le taux doit être déterminé par une expertise ; qu'elle a subi en outre un préjudice d'agrément ; qu'en effet, cet accident est survenu la veille de son départ en vacances ; qu'elle a dû subir, durant tout son séjour à Saint-Martin, des soins quotidiens et n'a pu se baigner du fait de la cicatrisation de ses blessures ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 2 000 euros ; que s'agissant du préjudice automobile, M. X a obtenu le remboursement de la valeur de son véhicule de sorte qu'est restée à sa charge la franchise contractuelle de 609 euros dont il demande le remboursement ; que s'agissant du préjudice vestimentaire, Mme X est fondée à solliciter le remboursement des frais de pressing et de cordonnerie, ses vêtements ayant été tachés de sang lors de l'accident et ses chaussures ayant été endommagées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du 15 janvier 2008 portant clôture de l'instruction au 15 juillet 2008 à 16 heures 30 ;
Vu la mise en demeure adressée le 11 avril 2008 à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu la mise en demeure adressée le 28 avril 2008 à la SCP Bonutto, Becavin et Robert, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2008, présenté pour la Communauté d'agglomération d'Evreux, dont le siège est 12 boulevard Jules Janin, BP 423 à Evreux cedex (27004), et la Société d'assurance mutuelle des collectivités locales, dont le siège est 141 avenue Salvador Allende à Niort cedex 9 (79031), par la SCP Bonutto, Becavin et Robert ; elles concluent, à titre principal, au rejet des prétentions des époux X, à titre subsidiaire, à un partage des responsabilités, à la minoration des différents préjudices et à la condamnation des requérants au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elles soutiennent que la cour administrative d'appel n'est pas compétente pour statuer sur les demandes présentées par M. et Mme X à l'encontre de la SMACL, société d'assurances à cotisations fixes, régie par le code des assurances, qui est une personne de droit privé ; que le lien de causalité entre l'accident et l'ouvrage public n'est pas établi par les éléments versés au dossier ; que la production de l'attestation insuffisamment précise, en contradiction avec les déclarations de Mme X et n'ayant pas été établie immédiatement après l'accident, ne peut être retenue ; qu'aucune indication n'est fournie sur les conditions dans lesquelles les photographies versées aux débats ont été prises ; qu'enfin, Mme X n'a fait aucune déclaration spontanée des circonstances de l'accident ; qu'en tout état de cause, ces déclarations sont en contradiction avec le témoin et ne permettent pas d'établir le lien de causalité entre l'accident et la bouche d'égout ; que la Communauté d'agglomération d'Evreux apporte la preuve qu'elle avait pris les dispositions suffisantes pour prévenir le danger ; que Mme X a commis une faute en circulant à une vitesse excessive ; que la bouche d'égout se situait sur le talus ; qu'à aucun moment, l'intéressée ne prouve qu'elle ait été dans l'obligation de circuler sur le bas-côté de la chaussée ; que la demande en réparation du préjudice vestimentaire supporté par Mme X n'est pas justifiée ; que, s'agissant du préjudice corporel, les blessures sont peu importantes puisque les époux X sont partis en vacances à Saint-Martin quelques heures plus tard, ce qui permet de s'interroger sur la nécessité d'une expertise médicale ; que le préjudice d'agrément subi pendant ses vacances résultant, selon l'intéressée, de l'impossibilité de se baigner et de l'importance des soins quotidiens prodigués est excessif ;
Vu la demande préalable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2009 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Marianne Terrasse, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :
- le rapport de Mme Marianne Terrasse, président-assesseur ;
- les observations de Me Deboeuf, pour M. et Mme X ;
- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le 6 décembre 2003 vers 16 heures 30, le véhicule automobile de type Renault Safrane conduit par Mme X empruntait la rue d'Argence à Gravigny, qui faisait alors l'objet de travaux d'élargissement et de réfection du revêtement de la chaussée ; que le véhicule a fait un demi tonneau et s'est immobilisé sur le toit ; que M. et Mme X qui imputent cet accident à la présence, non signalée, d'une bouche d'égout non refermée faisant saillie de plus de 20 cm sur la chaussée, ont recherché la responsabilité de la Communauté d'agglomération d'Evreux en vue d'obtenir la réparation des préjudices résultant de cet accident ; que, par un jugement du 25 octobre 2007, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande au motif que la collectivité apportait la preuve de l'entretien normal de la voie par la mise en place d'une signalisation appropriée ; que les requérants font appel dudit jugement ;
Sur la compétence du juge administratif pour statuer sur la demande présentée par M. et Mme X à l'encontre de la Société d'assurance mutuelle des collectivités locales (SMACL) :
Considérant que l'action ouverte à la victime d'un dommage contre l'assureur de l'auteur responsable de ce dommage est distincte de son action en responsabilité contre ce dernier ; que, si ces deux actions sont fondées l'une et l'autre sur le droit de la victime à la réparation du préjudice qu'elle a subi, l'action directe ne poursuit que l'exécution de l'obligation de l'assureur à cette réparation, laquelle est une obligation de droit privé ; qu'il s'ensuit qu'elle relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, que ceux-ci soient compétents pour statuer sur l'action en responsabilité de la victime contre l'auteur du dommage ou que la compétence à l'égard de cette dernière action appartienne, comme en l'espèce, aux tribunaux de l'ordre administratif ; que, par suite, les intimées sont fondées à soutenir que le juge administratif est incompétent pour statuer sur la demande présentée par M. et Mme X contre la SMACL ;
Sur la responsabilité de la Communauté d'agglomération d'Evreux :
Considérant que Mme X soutient que son véhicule a été déséquilibré et s'est retourné après avoir heurté la bordure d'une bouche d'égout laissée ouverte, faisant une importante saillie et située sur la chaussée, constituant un obstacle anormal et non signalé ; que, pour établir, comme il leur appartient de le faire, le lien de causalité entre cet ouvrage public et le dommage dont ils demandent réparation, les requérants produisent une attestation présentée comme émanant de la conductrice qui suivait Mme X, mais établie plusieurs mois plus tard, qui est peu circonstanciée et comporte des indications qui sont contradictoires avec les propres déclarations de la requérante tant en ce qui concerne le déroulement de l'accident que les caractéristiques de l'ouvrage litigieux présenté comme faisant une saillie d'au moins 20 centimètres ; qu'il résulte au contraire de l'instruction, et notamment des photos produites par les requérants, d'une part que la bouche d'égout se situe presqu'exclusivement sur l'accotement de la voie et n'empiète que très peu sur la bande de roulement et, d'autre part qu'elle ne constitue qu'une saillie limitée par rapport au niveau de la voie qui est à cet endroit, droite, bordée d'un talus la surplombant, et sur laquelle la vitesse est limitée à 50 kilomètres/heure ; qu'en l'absence de tout élément probant et notamment de rapport des services de secours, qui sont intervenus pour apporter des soins à Mme X, ou de police, dont la requérante soutient sans l'établir qu'ils se seraient refusé à le rédiger, l'existence du lien de causalité ne saurait être regardé comme établi ; que les requérants ne sont par suite pas fondés à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Communauté d'agglomération d'Evreux, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à M. et Mme X la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la Communauté d'agglomération d'Evreux et la Société d'assurance mutuelle des collectivités locales ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Bernard X, à la Communauté d'agglomération d'Evreux, à la Société d'assurance mutuelle des collectivités locales et à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.
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N°07DA01995