Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés Valerian et SOCAFL ont demandé au tribunal administratif de Lille de les décharger de l'obligation de payer la somme de 7 121,73 euros mise à sa charge par des titres de perception émis par Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU) au titre du lot n°1 " VRD, espaces verts, clôtures ", dont l'exécution avait été confié à un groupement solidaire d'entreprises dont elles étaient membres, dans le cadre d'une opération de construction d'un dépôt d'autobus à gaz sur le territoire de la commune de Wattrelos (Nord), et de condamner LMCU à leur verser la somme de 1 458 916,38 euros, augmentée des intérêts moratoires et de leur capitalisation, au titre du solde de ce marché.
Dans le cadre de cette instance, LMCU, aux droits de laquelle est venue la Métropole Européenne de Lille (MEL), a appelé en garantie l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Marc Larivière, la société à responsabilité limitée (SARL) Denu et Paradon Architectes et la société Omnium Technique Européen (OTE) Ingénierie, membres du groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre.
Par un jugement n° 1101596 du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Lille, après avoir fait partiellement droit à la demande des sociétés Valerian et SOCAFL, en condamnant la MEL à leur verser une somme de 298 564,02 euros toutes taxes comprises augmentée des intérêts et de la capitalisation de ces intérêts, a condamné l'EURL Marc Larivière, la SARL Denu et Paradon Architectes et la société OTE Ingénierie à garantir la MEL à hauteur d'une somme de 107 558,76 euros et a mis à leur charge 15% des frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 17 079,25 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2015, l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes, représentées par Me A...E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 26 mai 2015 en tant qu'il les condamne à garantir la MEL ;
2°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées à leur encontre par la MEL devant ce tribunal ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la société OTE Ingénierie à les garantir ;
4°) de mettre à la charge de la MEL la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me A...E..., représentant l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes, celles de Me G...H..., substituant Me F...C..., représentant la société OTE Ingénierie, ainsi que celles de Me I...B..., substituant Me A...D..., représentant la MEL.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat mixte d'exploitation des transports en commun de la communauté urbaine de Lille a décidé de construire un dépôt d'autobus à gaz sur le territoire de la commune de Wattrelos (Nord). L'exécution des travaux correspondant au lot n°1 " VRD, espaces verts, clôtures " a été confiée, par acte d'engagement conclu le 26 avril 2006, à un groupement solidaire dont la société Valerian était le mandataire, pour un montant de 3 901 527,67 euros toutes taxes comprises. La maîtrise d'oeuvre a, quant à elle, été confiée, par un acte d'engagement du 15 juillet 2004, à un groupement solidaire composé de la société Denu et Paradon, de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Marc Larivière et de la société Omnium Technique Européen (OTE) Ingénierie. En vertu du cahier des clauses administratives particulières applicables à ce marché, la mission de maîtrise d'oeuvre incluait les missions liées à la réalisation des études d'exécution (EXE), à la direction de l'exécution des travaux (DET) et à l'ordonnancement, au pilotage et à la coordination (OPC). Un différend étant né entre le groupement d'entreprises titulaire du lot n°1 et le maître d'ouvrage en ce qui concerne le décompte général du marché correspondant, le juge du contrat a été saisi. Au cours de cette instance engagée, après expertise, devant le tribunal administratif de Lille, la Métropole Européenne de Lille (MEL), qui est venue aux droits du syndicat mixte d'exploitation des transports en commun de la communauté urbaine de Lille, a appelé en garantie le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre. L'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes relèvent appel du jugement du 26 mai 2015 du tribunal administratif de Lille, en tant seulement qu'après avoir condamné la MEL à indemniser les sociétés Valerian et SOCALF, membres du groupement d'entreprises attributaire du lot n°1, il a condamné le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre dont elles étaient membres avec la société OTE Ingénierie à garantir la MEL, à hauteur d'une somme de 105 008,76 euros, en ce qui concerne les travaux supplémentaires commandés par ordres de service émis par la maîtrise d'oeuvre et, à concurrence d'une somme de 2 550 euros, au titre des allongements de chantier consécutifs à des retards de production de plans d'exécution et à l'absence de planning de travaux, et qu'il a mis 15% des frais d'expertise, soit la somme de 2 561,89 euros, à la charge du groupement de maîtrise d'oeuvre. En cours d'instance d'appel, la société OTE Ingénierie a présenté des conclusions tendant à l'annulation, dans la même mesure, de ce jugement.
Sur l'appel principal :
2. La circonstance que le maître d'ouvrage n'a pas inscrit au décompte général du marché de maîtrise d'oeuvre les sommes sur lesquelles portent les conclusions d'appel en garantie qu'il présente ensuite à l'encontre du groupement de maîtrise d'oeuvre dans le cadre d'un litige l'opposant au groupement titulaire d'un marché de travaux est sans incidence sur la recevabilité de ces conclusions. Il en va ainsi alors même que ce décompte général serait entre-temps devenu définitif. Par suite, l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait, pour les condamner à garantir la MEL, fait droit à des conclusions irrecevables.
3. Les stipulations de l'article 21 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché confié au groupement de maîtrise d'oeuvre énoncent que : " Dans le cadre de l'élément de mission DET (Direction de l'exécution des travaux), le maître d'oeuvre est chargé d'émettre tous les ordres de service à destination de l'entrepreneur. / Les ordres de services doivent être écrits, signés, datés et numérotés, adressés à l'entreprise dans les conditions précisées à l'article 2.5 du CCAG applicable aux marchés de travaux. / Cependant, en aucun cas, le maître d'oeuvre ne peut notifier des ordres de services relatifs : - à la notification de la date de commencement des travaux ; - au passage à l'exécution d'une tranche conditionnelle ; - à la notification de prix nouveaux aux entrepreneurs pour des ouvrages ou travaux non prévus ; - à la prolongation des délais ; sans avoir recueilli au préalable l'accord du maître d'ouvrage. / Les ordres de service dont copie doit être remise au maître d'ouvrage sont répertoriés dans un registre tenue par le maître d'oeuvre. ".
4. Il résulte de ces stipulations que la maîtrise d'oeuvre ne peut, sauf à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage, délivrer, sans avoir recueilli l'accord préalable de ce dernier, un ordre de service prescrivant à une entreprise l'exécution de travaux non prévus par le marché dont celle-ci est titulaire. Si ces stipulations ne prévoient pas un formalisme particulier pour matérialiser cet accord préalable, il appartient au groupement de maîtrise d'oeuvre d'adopter toute modalité qu'il estime appropriée afin d'être à même de pouvoir justifier, en cas de différend afférent à la délivrance d'un ordre de service portant sur l'un des objets pour lesquels le cahier des clauses administratives particulières impose l'accord préalable du maître d'ouvrage, du respect de cette règle contractuelle.
5. Si l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes soutiennent que le maître d'ouvrage était systématiquement représenté à toutes les réunions de chantier au cours desquelles l'exécution de travaux supplémentaires a été envisagée, aucune des mentions des comptes-rendus de ces réunions, versés au dossier de première instance, ne permet de révéler l'existence d'un accord exprès de la maîtrise d'ouvrage quant à la réalisation de ces travaux, avant que le groupement de maîtrise d'oeuvre ne délivre les ordres de services prescrivant leur réalisation.
6. Les appelantes soutiennent toutefois que les travaux correspondant aux ordres de service nos 3, 13, 15, 17, 18 et 19 en cause auraient été, a posteriori, acceptés par le maître d'ouvrage, qui en aurait inclus le montant dans deux projets d'avenants proposés aux entreprises concernées. Il résulte cependant de l'examen de ces ordres de service que ceux-ci avaient respectivement pour objet la consolidation par un empierrement des chemins d'accès au chantier, le raccordement de chambres électriques ainsi que la pose de clapets anti-retour dans le cadre de la mise en place d'un système de vidéosurveillance, de nouveaux raccordements d'armoires électriques, la réalisation d'une tranchée afin d'assurer la protection du site contre l'intrusion, la mise en oeuvre de deux manches à air, enfin, d'autres travaux de raccordement de chambres électriques. Si, comme le soutiennent les sociétés appelantes, il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a communiqué pour approbation, le 6 mars 2008, au groupement d'entreprises chargé du lot n°1 deux projets d'avenants destinés à modifier le montant du marché pour tenir compte de travaux supplémentaires, ces deux documents, versés au dossier de première instance, révèlent qu'ils avaient respectivement pour objet d'inclure parmi les prestations prévues par le contrat, d'une part, la réalisation de travaux d'aménagement paysager au niveau du merlon Ouest, incluant, après grattage et désherbage, la mise en place d'un engazonnement fleuri et la plantation d'arbres en pied de butte, d'autre part, l'exécution par le groupement d'entreprises de divers travaux destinés à remédier à des difficultés imprévues apparues au niveau du sol et des extérieurs, ainsi qu'à adapter les installations afférentes au processus de compression et de distribution du gaz et à réaliser divers aménagements des abords des installations, par la suppression et le remplacement de caniveaux, la modification de murs anti-bruit, l'aménagement des îlots, l'aplanissement de l'aire de lavage, le piquage des bâtiments, le raccordement du drainage, la mise en oeuvre de grave traitée, l'installation d'une chambre de tirage et d'une clôture sur le bassin de génie civil, ainsi que par l'ajustement de diverses parties de l'ouvrage, notamment de réseaux, par rapport aux métrés. Ainsi, les deux projets d'avenant qu'invoquent l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes portaient sur des prestations différentes de celles prescrites par les ordres de service nos 3, 13, 15, 17, 18 et 19. Enfin, si, par une lettre datée du 26 octobre 2009, le maître d'ouvrage a proposé au groupement d'entreprise dont la société Valerian était le mandataire, une indemnisation à hauteur d'une somme de 474 659,77 euros hors taxes à titre de travaux supplémentaires, cette offre ne peut regardée comme ayant eu pour objet, ni pour effet, de valider après leur exécution les travaux et montants figurant sur les ordres de services nos 3, 13, 15, 17, 18 et 19. Dans ces conditions, l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait retenu à tort que la MEL devait être garantie par les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, à hauteur de 105 008,76 euros, au titre des travaux supplémentaires prescrits par ces ordres de service.
7. L'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes ne formulent aucune contestation à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Lille en tant qu'il juge que les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre garantiront, en outre, la MEL des condamnations prononcées à son encontre du fait des retards de chantier, soit de la somme de 2 550 euros.
8. Enfin, si l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes ont entendu appeler en garantie la société OTE Ingénierie, en soutenant que cette dernière aurait eu exclusivement en charge l'émission des ordres de service, cette allégation n'est pas corroborée par les pièces versées à l'instruction, qui révèlent, d'une part, que les ordres de service mis en cause par la MEL pour n'avoir pas été préalablement approuvés par elle ont été délivrés, pour certains, par la société OTE Ingénierie et, pour d'autres, par l'EURL Marc Larivière, d'autre part, que ni l'acte d'engagement afférent au marché de maîtrise d'oeuvre, ni le cahier des clauses administratives particulières qui y est joint ne prévoient de répartition des prestations entre les membres du groupement. Il suit de là que l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes ne sont pas fondées à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait rejeté à tort les conclusions d'appel en garantie qu'elles dirigeaient contre leur cotraitant, la société OTE Ingénierie.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la MEL, l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 mai 2015, le tribunal administratif de Lille a condamné le groupement de maîtrise d'oeuvre dont elles était membres à garantir la MEL, à concurrence d'une somme de 107 558,76 euros, des condamnations prononcées à son encontre par le même jugement, ainsi qu'à supporter, compte tenu de ce que les membres du groupement étaient parties perdantes dans cette mesure, 15% des frais d'expertise.
Sur les conclusions de la société OTE Ingénierie :
10. Les conclusions de la société OTE Ingénierie, qui tendent à l'annulation du même jugement la condamnant solidairement avec l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes à garantir la MEL, ont été présentées par elle après l'expiration du délai qui lui était imparti pour présenter une requête d'appel. En outre, dirigées non contre les appelants principaux, codébiteurs de la garantie, mais contre un autre intimé, la MEL, le créancier de la garantie, ces conclusions ont la nature d'un appel provoqué. Or, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que l'appel principal présenté par l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes doit être rejeté. Ce rejet implique que la situation qui était celle de la société OTE Ingénierie à la date du jugement du tribunal administratif de Lille du 26 mai 2015 n'est pas aggravée en cause d'appel. Dès lors, les conclusions d'appel provoqué que cette société a présentées sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les conclusions que l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes présentent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence de ce qui a été dit au point 9, être rejetées. Ces dispositions font, en outre, obstacle à ce que la société OTE Ingénierie, partie perdante pour l'essentiel, bénéficie du versement par les autres parties au litige d'appel d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la MEL et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société OTE Ingénierie sont rejetées.
Article 3 : L'EURL Marc Larivière et la SARL Denu et Paradon Architectes verseront à la MEL la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Marc Larivière, à la société à responsabilité limitée Denu et Paradon Architectes, à la société anonyme Omnium Technique Européen Ingénierie et à la Métropole Européenne de Lille.
Copie en sera adressée, pour information, aux sociétés Valerian et SOCAFL.
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N°15DA01232