Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé par la société Ortec Industrie contre la décision du 6 décembre 2013 de l'inspecteur du travail de la section 3 de l'unité territoriale Nord-Lille refusant l'autorisation de le licencier pour faute, a annulé la décision précitée et a accordé l'autorisation de le licencier.
Par un jugement n° 1408336 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 août 2016, M.C..., représenté par Me A...F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1408336 du 15 juin 2016 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 juillet 2014 du ministre chargé du travail ;
3°) de mettre à la charge de la société Ortec Industrie une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruébo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me E...B..., représentant la SAS Ortec Industrie.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...C...est depuis 3 juillet 2006, salarié sous contrat à durée indéterminée, employé par la société par action simplifiée (SAS) Ortec Industrie, spécialisée dans la collecte des déchets dangereux. Il travaille dans son agence Grande-Synthe (Nord) comme de chauffeur poids-lourd-monteur. Il détenait, jusqu'en 2013 le mandat de membre du comité d'établissement suppléant 1er collège et aussi, depuis le 23 mai 2014, celui de délégué du personnel titulaire. M. C...relève appel du jugement n° 1408336 du 15 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2014 par laquelle le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé par la société Ortec Industrie contre la décision du 6 décembre 2013 de l'inspecteur du travail de la section 3 de l'unité territoriale Nord-Lille refusant l'autorisation de le licencier pour faute, a annulé la décision précitée et a accordé l'autorisation de le licencier.
2. Aux termes de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) "
3. Si, en excluant les décisions prises sur demande de l'intéressé du champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le législateur a entendu dispenser l'administration de recueillir les observations de l'auteur d'un recours gracieux ou hiérarchique, il n'a pas entendu pour autant la dispenser de recueillir les observations du tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits. Il suit de là, qu'il ne peut être statué sur un tel recours qu'après que le bénéficiaire de la décision créatrice de droits a été mis à même de présenter ses observations, notamment par la communication du recours.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 8 juillet 2014, le ministre chargé du travail a demandé à M. C...de lui fournir ses observations, dans un délai de dix jours à compter de la réception du courrier, à propos du retrait envisagé de la décision implicite de rejet née le 7 juin 2014, du recours hiérarchique introduit par la société Ortec Industrie contre la décision du 6 décembre 2013 de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de le licencier.
5. M.C..., au bénéfice duquel la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société Ortec Industrie avait créé des droits, a bénéficié d'un délai suffisant pour présenter utilement ses observations sur le retrait envisagé de ladite décision. Le texte du recours hiérarchique de son employeur, joint au courrier du ministre, lui a permis de préparer utilement sa défense, sans qu'il puisse sérieusement soutenir que l'ensemble des pièces mentionnées dans le texte du recours hiérarchique aurait du lui être communiquées, que son niveau d'études ne lui permettait pas de répliquer longuement et de façon écrite et qu'il ne pouvait pas non plus faire l'avance de frais d'avocat. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
6. Pour opérer les contrôles auxquels elle est tenue de procéder lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation de licenciement, l'autorité administrative doit prendre en compte chacune des fonctions représentatives du salarié. Lorsque l'administration a eue connaissance de chacun des mandats détenus par l'intéressé, la circonstance que la demande d'autorisation de licenciement ou la décision autorisant le licenciement ne fasse pas mention de l'un de ces mandats ne suffit pas, à elle seule, à établir que l'administration n'a pas, comme elle le doit, exercé son contrôle en tenant compte de chacun des mandats détenus par le salarié protégé.
7. Il ressort des pièces du dossier que la société Ortec Industrie a communiqué le 17 juin 2014 à l'administration les résultats de l'élection des représentants du personnel, faisant état de l'élection le 23 mai 2014 de M.C..., en tant que délégué du personnel titulaire. Bien que la décision contestée du 25 juillet 2014 ne mentionne que le seul mandat de M. C...en tant que membre du comité d'établissement, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le ministre se serait prononcé sans tenir compte de l'ensemble des mandats détenus par l'intéressé ou qu'il n'aurait examiné l'absence de lien avec le mandat qu'au regard du seul mandat mentionné dans la décision contestée.
8. Afin d'établir la réalité du harcèlement moral dont il affirme avoir été victime de la part de son employeur, M. C...ne peut utilement se prévaloir des termes de la décision du 6 décembre 2013 de l'inspecteur du travail refusant de délivrer l'autorisation de le licencier, dès lors que celle-ci a été annulée par la décision du ministre du travail du 25 juillet 2014 dans le cadre de l'exercice de son pouvoir hiérarchique. De même, le requérant, qui n'a produit aucune observation sur le fond du dossier dans le cadre de la procédure contradictoire relative au retrait de la décision implicite de rejet évoquée aux points 4 et 5, ne peut soutenir que la demande d'autorisation de licenciement serait liée à l'exercice de son mandat en se prévalant seulement de la procédure qu'il a entamée devant le conseil de prud'hommes de Dunkerque au titre d'une allégation de harcèlement moral.
9. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi
10. Il ressort, des pièces du dossier, tout d'abord, que le 1er juillet 2013, M. C...a laissé en stationnement pendant plusieurs jours, derrière la base vie de la raffinerie des Flandres à Dunkerque exploitée par la société Total, un camion dont la citerne contenant, ainsi qu'il le reconnaît, trois mètres cubes de carburant. Il n'a pas procédé à sa vidange, en contravention avec les règles impératives de sécurité en vigueur sur ce site pétrolier sur lequel un très grave accident s'était, au demeurant, produit le 29 janvier 2009, lors d'une opération de pompage, entrainant la mort d'un salarié de la société Ortec Industrie et de graves brûlures pour cinq autres. Le requérant n'ignorait pas ces règles de sécurité et a, pourtant, quitté son travail sans informer la société Total ou ses collègues encore présents. Il n'a, de surcroît, produit aucun bon de dépotage, document à présenter avant tout nouveau pompage de carburant, conformément aux mesures de prévention en vigueur sur le site. La société Total a d'ailleurs sanctionné M. C...en lui interdisant pendant trois jours l'accès à cette raffinerie. Ainsi, en raison de ces circonstances, et particulièrement du risque très important d'explosivité d'une citerne contenant seulement quelques mètres cubes d'essence, la faute reprochée à M. C...était d'une gravité de nature à justifier son licenciement.
11. En outre, lors d'un audit de sécurité effectué le 11 juillet 2013, M. C...n'avait pas installé la balise de sécurité obligatoire avant de commencer l'opération de pompage, en contravention avec les règles de sécurité. Il ne peut sérieusement soutenir que l'installation de la balise incombait à son chef d'équipe alors qu'en tant que chauffeur du camion, il était responsable de l'opération de pompage.
12. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fautes reprochées à M. C..., qui au demeurant avait fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre et sanctions depuis 2010, notamment pour des manquements aux règles de sécurité, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre du travail a pu estimer que ces deux fautes commises sur un site classé " Seveso seuil haut " étaient d'une gravité de nature à fonder l'autorisation de licenciement de M.C....
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Ortec Industrie présentées sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Ortec Industrie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à la ministre du travail et à la SAS Ortec Industrie.
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N°16DA01492
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