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21/02/2019 | FRANCE | N°17DA01417

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 février 2019, 17DA01417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL NORMAFI et Me A...C..., agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'établissement public départemental de Grugny à verser à la société NORMAFI, à titre principal, la somme de 40 841,15 euros au titre du solde d'un marché conclu le 25 septembre 2010 ou, à titre subsidiaire, la somme de 23 561,95 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 avril 2013 et de leur capita

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL NORMAFI et Me A...C..., agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'établissement public départemental de Grugny à verser à la société NORMAFI, à titre principal, la somme de 40 841,15 euros au titre du solde d'un marché conclu le 25 septembre 2010 ou, à titre subsidiaire, la somme de 23 561,95 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 avril 2013 et de leur capitalisation, une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de fonds de roulement à laquelle la société NORMAFI a dû faire face, ainsi qu'une somme de 1 000 euros en indemnisation du préjudice résultant de l'opposition à mainlevée de la caution, et à ce qu'il soit enjoint à l'établissement public départemental de Grugny de notifier à la SARL NORMAFI le procès-verbal de réception des travaux dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1402029 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'établissement public départemental de Grugny à verser à la SARL NORMAFI une somme de 1 263,54 euros, assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 29 mai 2013, ces intérêts portant capitalisation à compter du 29 mai 2014 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 11 janvier 2019, la SARL NORMAFI et Me A...C..., agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, représentés par Me G...D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'établissement public départemental de Grugny à verser à la société NORMAFI le solde du marché soit la somme de 40 841,15 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mai 2013, avec capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 29 mai 2014 ;

3°) de condamner l'établissement public départemental de Grugny à lui verser une indemnité de 10 000 euros pour absence de fonds de roulement assortie des intérêts moratoires à compter du 29 mai 2013, avec capitalisation annuelle de ces intérêts à compter du 29 mai 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public départemental de Grugny la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts ;

- le code monétaire et financier ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me F...E..., représentant l'établissement public départemental de Grugny, et de M. H...B..., gérant de la SARL NORMAFI.

Une note en délibéré, présentée pour la SARL NORMAFI, a été enregistrée le 8 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public départemental de Grugny a confié à la SARL NORMAFI la réalisation du lot n°11 " peinture " de l'opération de construction d'un pavillon neuf de cinquante lits d'hébergement de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer par un marché notifié le 25 septembre 2010, pour un montant de 79 607,32 euros hors taxes. La créance afférente à ce marché a été cédée le 26 septembre 2011 par la SARL NORMAFI à la BTP banque, laquelle a notifié cette cession à l'établissement public départemental de Grugny puis lui a, par la suite, donné mainlevée du solde du marché le 21 août 2013. Après avoir exécuté une partie des travaux, la société NORMAFI a cédé son fonds de commerce à la société SIPDEG Peinture Ravalement (SIPDEG), par acte du 20 décembre 2011. La société SIPDEG a exécuté le reste des travaux à compter du 1er janvier 2012 et a adressé en janvier 2012 un projet d'avenant portant transfert du marché en cause à son profit à l'établissement public départemental de Grugny, lequel a signé cet avenant et procédé à son règlement direct pour les situations produites par cette société en janvier, février et mars 2012. Les opérations préalables à la réception ont été effectuées par le maître d'ouvrage avec la société SIPDEG le 16 mars 2012 et la réception prononcée avec réserves le 4 juin 2012 avec effet au 23 mars 2012, les réserves ayant été levées le 4 juillet 2012. La SARL NORMAFI et Me C..., mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société NORMAFI, relèvent appel du jugement du 16 mai 2017, en tant que le tribunal administratif de Rouen a seulement partiellement fait droit à leur demande tendant à la condamnation du maître de l'ouvrage à verser à la société NORMAFI le solde du marché ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation de l'absence de fonds de roulement à laquelle elle a dû faire face.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

En ce qui concerne les conclusions tendant au paiement du solde du marché :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur ces conclusions :

2. En vertu des dispositions de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle. En vertu des dispositions de l'article L. 313-24 du même code, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée, même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix. Ces mêmes dispositions précisent que, sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession ou de nantissement est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement. L'article L. 313-27 précise que la cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau et que, sauf convention contraire, la remise du bordereau entraîne, de plein droit, le transfert des sûretés garantissant chaque créance.

3. Ainsi que l'a jugé à bon droit, sur ce point, le tribunal administratif de Rouen, la SARL NORMAFI justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir en recouvrement de la partie de la créance d'un montant de 5 989,25 euros, correspondant au versement attendu à cette date et non effectué par l'établissement public départemental de Grugny, compte tenu du prélèvement de cette somme sur son compte par la BTP banque le 24 février 2012, ce que la banque pouvait faire dès lors que la SARL NORMAFI s'était, en application de l'article L. 313-24 du code monétaire et financier, portée garante solidaire de ce paiement. Il est en outre constant qu'en application des dispositions mentionnées au point 2, la SARL NORMAFI a, le 26 septembre 2011, cédé à la BTP banque la créance correspondant au montant du marché en litige dont elle était attributaire, à hauteur de 95 210,36 euros. Si en principe seule la BTP banque était alors recevable à agir aux fins d'obtenir le versement des sommes dues en exécution du marché en cause par l'effet de cette cession, il résulte toutefois de l'instruction que, le 21 août 2013, la BTP banque a notifié à l'établissement public départemental de Grugny la mainlevée de cette cession de créance pour le solde du marché. Dès lors, cette mainlevée, qui signifie que la BTP banque a renoncé à la partie de la créance cédée correspondant au solde du marché, a nécessairement eu pour effet de permettre à la cédante de cette créance, la SARL NORMAFI, de retrouver ses droits sur cette partie de la créance, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rouen. Par suite, les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a partiellement accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public départemental de Grugny tirée de ce que la créance correspondant au montant du marché en cause a été cédée, en cession dite " Dailly ", par la société requérante à l'établissement bancaire BTP banque le 26 septembre 2011 et qu'ainsi cette société ne justifiait pas d'un intérêt à réclamer en justice le solde non payé de ce marché, au-delà de la somme de 5 989,25 euros. Il suit de là que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a jugé que les conclusions de la société NORMAFI et de Me C...tendant au paiement du solde du marché sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme de 5 989,25 euros, et doit ainsi être annulé en tant qu'il a statué sur ces conclusions.

4. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur ces conclusions tendant au paiement du solde du marché, ainsi que sur les conclusions accessoires s'y rapportant, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête d'appel tendant à la réparation du préjudice financier pour absence de fonds de roulement.

S'agissant de la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public départemental de Grugny aux conclusions tendant au paiement du solde du marché :

5. Pour les motifs exposés aux points 2 et 3, la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public départemental de Grugny aux conclusions tendant au paiement du solde du marché présentées par la SARL NORMAFI et Me C..., tirée de ce que la créance correspondant au montant du marché en cause a été cédée, en cession dite " Dailly ", par la société NORMAFI à l'établissement bancaire BTP banque et qu'ainsi cette société ne justifiait pas d'un intérêt à réclamer en justice le solde non payé de ce marché, doit être écartée.

S'agissant de la faute et du lien de causalité :

6. Il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 19 juin 2014, la cour d'appel de Rouen a jugé que la cession du fonds de commerce de la société NORMAFI à la société SIPDEG par l'acte de cession du 20 décembre 2011 n'emporte pas, de plein droit, la transmission de l'ensemble des contrats conclus, que seuls les contrats énumérés dans la liste constituant l'annexe n°1 à cet acte de cession doivent être regardés comme lui ayant été cédés et que les contrats et marchés en cours non mentionnés dans cette liste ne lui ont pas été cédés. Il est, en outre, constant que le contrat en litige, en cours d'exécution à la date de la cession, n'était pas mentionné dans cette liste. Dès lors, ce contrat ne peut être regardé comme ayant été cédé à la société SIPDEG et, par suite, la SARL NORMAFI en est demeurée le titulaire, contractuellement liée à l'établissement public départemental de Grugny, malgré son exécution partielle par la société SIPDEG à compter du 1er janvier 2012.

7. Dans ces conditions, en concluant un avenant au contrat passé avec la SARL NORMAFI en vue de transférer le bénéfice de ce contrat à la société SIPDEG, et en ne s'opposant pas à l'intervention de cette société alors qu'il n'avait pas l'assurance de la cession du marché et sans avoir mis en demeure la SARL NORMAFI, titulaire du contrat, d'exécuter les prestations qui lui incombaient, l'établissement public départemental de Grugny a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle. Cette faute présente un lien direct et certain avec les préjudices subis par la SARL NORMAFI.

S'agissant du préjudice au principal :

8. Il résulte de l'instruction que la SARL NORMAFI n'a plus réalisé aucune prestation en exécution du contrat en cause à compter du 1er janvier 2012, les travaux restants ayant été exécutés par la société SIPDEG. Par suite, elle ne peut obtenir le paiement de l'intégralité du solde du marché en application de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales comme elle le réclame, mais a seulement droit à l'indemnisation de l'un de ses éléments constitutifs, à savoir le manque à gagner qui doit être calculé sur la base de la marge nette qu'elle escomptait de la réalisation des travaux restants.

9. Il résulte de l'instruction que le montant total du marché en litige s'élève à la somme de 79 607,32 euros hors taxes, et que, compte tenu du projet de décompte général daté du 1er mars 2013 adressé par la SARL NORMAFI à l'établissement public départemental de Grugny, le solde du marché à la date de la cession s'établit à la somme de 32 606,04 euros hors taxes. Si les requérants font valoir que la société SIPDEG aurait profité du stock de la société NORMAFI qu'ils évaluent à 25 % de ce montant, ils ne l'établissent pas, et s'ils soutiennent que la marge bénéficiaire doit en tout état de cause être fixée à 25 % du même montant, ils n'apportent aucune justification utile à l'appui de cette allégation. S'ils soutiennent également que la somme de 5 989,25 euros, prélevée sur le compte de la société NORMAFI par la BTP banque le 24 février 2012 et correspondant au versement attendu à cette date et non effectué par l'établissement public départemental de Grugny ainsi qu'il a été dit au point 3, doit leur être remboursée par cet établissement, ils n'établissent ni que cette somme correspondrait à des prestations effectuées par la SARL NORMAFI avant la cession du fonds de commerce au 1er janvier 2012, ni, en tout état de cause, que cette somme ne serait pas incluse dans le solde du marché tel que calculé par le projet de décompte général précité. De même, il ne résulte pas de l'instruction que la somme de 7 924,18 euros qu'ils réclament, qui correspondrait au solde du marché déterminé après examen des comptabilités des sociétés SIPDEG et NORMAFI et qui n'aurait été versée ni à l'une ni l'autre de ces sociétés par l'établissement public départemental de Grugny, ne serait pas incluse dans le solde du marché tel que calculé par le projet de décompte général précité. Dès lors, il sera fait une juste appréciation de la valeur de la marge bénéficiaire nette attendue en la fixant à 10 % du montant hors taxes du solde du marché. Il suit de là que la SARL NORMAFI et Me C...sont seulement fondés à demander la condamnation de l'établissement public départemental de Grugny à verser à la SARL NORMAFI la somme de 3 260,60 euros au titre de la marge bénéficiaire nette qu'elle escomptait de l'exécution du solde du marché en litige.

10. Il résulte toutefois de l'instruction que ni le personnel de la société NORMAFI, ni son gérant ne se sont présentés sur le chantier une fois la cession du fonds de commerce effectuée et qu'en outre, la société NORMAFI n'a pas, avant le 12 juin 2012, alerté le maître de l'ouvrage qu'elle restait le titulaire du marché en cause postérieurement au 1er janvier 2012. Si la société NORMAFI fait valoir qu'elle a été empêchée de continuer le suivi du chantier dès lors que la société SIPDEG s'est illégalement emparée des dossiers afférents à des marchés qui n'avaient pas été cédés avec le fonds de commerce, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'elle alerte le maître de l'ouvrage, par tout moyen, des difficultés qui l'opposaient à la société SIPDEG et, notamment, de l'absence de cession du marché en cause à la société SIPDEG. Ainsi, la société NORMAFI a commis elle-même une faute de nature à exonérer partiellement l'établissement public départemental de Grugny de sa responsabilité. Il sera fait une juste appréciation de cette exonération en la fixant à 50 %. Par suite, l'établissement public départemental de Grugny doit être condamné à verser à la société NORMAFI la somme de 1 630,30 euros.

S'agissant de la révision des prix :

11. La clause de révision des prix a pour objet de prendre en compte les modifications des conditions économiques entre le prix du marché à la date de remise de l'offre de l'entreprise et le prix du marché à la date d'exécution effective des prestations. L'indemnité allouée par le présent arrêt étant évaluée, non à la date de remise de l'offre, mais à la date à laquelle la SARL NORMAFI aurait effectivement dû exécuter les travaux restants, ladite indemnité n'est pas susceptible de se voir appliquer une formule de révision du prix. Par suite, il n'y a pas lieu d'appliquer la révision des prix à la marge bénéficiaire comprise dans le solde de son marché dont la SARL NORMAFI est seulement fondée à demander réparation ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 10.

S'agissant des intérêts moratoires et de leur capitalisation :

12. En vertu des dispositions de l'article 98 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au présent marché, le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. En vertu des dispositions de l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics dans sa rédaction alors applicable, le défaut de paiement dans les délais prévus par l'article 98 du code des marchés publics fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement.

13. Aux termes de l'article 13.42 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci après : / quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final / - trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde ". Aux termes de l'article 11.7 du CCAG, l'entrepreneur a droit à des intérêts moratoires, dans les conditions réglementaires, en cas de retard dans les mandatements dans le solde du marché qui intervient, selon l'article 13.431 du CCAG, dans le délai courant à compter de la notification du décompte général, ce délai ne pouvant être supérieur à soixante jours si la durée contractuelle d'exécution du marché est, comme en l'espèce, supérieure à six mois. Aux termes de l'article 178 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser quarante-cinq jours (...) ; / II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I. ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire et du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au 15ème jour inclus suivant la date de mandatement du principal ". Ainsi, le défaut de mandatement du solde d'un marché dans les délais prévus par ces dispositions fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires. La circonstance que le solde du marché ne puisse être établi par les parties elles-mêmes est sans incidence sur le point de départ de ces intérêts qui doit être fixé à la date à laquelle ce solde aurait dû être établi. Il n'en va autrement, sans préjudice des stipulations du marché, que lorsque le retard dans l'établissement du solde est imputable au titulaire du marché, le point de départ de ces intérêts étant alors fixé à la date à laquelle le juge est saisi en vue du règlement du litige.

14. En vertu des stipulations de l'article 3.4.4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige, le délai global de paiement est de trente jours à compter de la date de réception des factures ou des demande de paiement équivalentes et le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé a courir, augmenté de deux points.

15. La réception par le maître d'oeuvre, le 15 mars 2013, du projet de décompte final soumis par la société NORMAFI a fait courir un délai de quarante-cinq jours pour l'établissement du décompte général, expirant le 29 avril 2013. L'établissement public départemental de Grugny était donc tenu de notifier à l'entreprise le décompte général au plus tard à cette dernière date. L'établissement public départemental de Grugny disposait alors d'un délai de trente jours à compter de cette dernière date, pour procéder au mandatement de toute somme relevant du solde du marché, soit au plus tard le 29 mai 2013. Il ne résulte pas de l'instruction que le retard dans l'établissement du solde du marché soit imputable à la SARL NORMAFI. Il résulte de ce qui précède que les intérêts moratoires au taux fixé au point 13 étaient dus à compter du 29 mai 2013 sur la somme de 1 630,30 euros mentionnée au point 10.

16. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par la société NORMAFI dans sa requête enregistrée devant le tribunal administratif de Rouen le 16 juin 2014. A cette date, il était dû une année d'intérêts, et il y a donc lieu de faire droit à cette demande à compter du 16 juin 2014 sur la somme de 1 630,30 euros mentionnée au point 10, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

17. Le versement qu'une partie à un contrat opère au profit de son cocontractant, qui ne résulte pas des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l'équilibre économique du contrat, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation de services individualisable mais a pour objet de réparer le préjudice subi par le bénéficiaire du versement du fait de la faute de l'autre cocontractant. Il n'est dès lors pas au nombre des opérations que le I de l'article 256 du code général des impôts soumet à la taxe sur la valeur ajoutée. De même, l'indemnité versée par le débiteur à son créancier du fait du retard apporté au paiement de la somme due au titre de l'exécution d'un marché n'est pas la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée mais constitue la réparation d'un préjudice qui est dissociable de la prestation fournie par l'entreprise bénéficiaire du versement. Par suite, il n'y a lieu ni de retenir le montant toutes taxes comprises du solde du marché pour l'assiette du calcul de la marge nette, ni d'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée à la marge bénéficiaire dont la SARL NORMAFI est seulement fondée à demander réparation ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 10, ni d'ajouter cette même taxe aux intérêts moratoires et à leur capitalisation calculés comme indiqué aux points 12 à 16.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la réparation du préjudice financier résultant de l'absence de fonds de roulement :

18. La société NORMAFI soutient à nouveau en cause d'appel que l'absence de paiement, par l'établissement public départemental de Grugny du solde du marché pendant plusieurs années a eu pour effet de la priver de fonds de roulement, et d'entraîner, par voie de conséquence, sa mise en redressement judiciaire, prononcée par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 18 décembre 2012. Toutefois, le maître de l'ouvrage n'avait pas à payer le solde du marché en cause avant la date de cessation des paiements fixée au 31 juillet 2012 par ce jugement. Il résulte en effet de l'instruction que les réserves formulées à la réception n'ont été levées que le 4 juillet 2012, de sorte que ce n'est qu'à partir de cette date que la société NORMAFI aurait pu adresser son projet de décompte final au maître d'oeuvre, à la suite de quoi le maître d'ouvrage disposait d'un délai de quarante-cinq jours pour notifier son décompte général, l'établissement public départemental de Grugny disposant encore, ensuite, d'un délai de trente jours, pour procéder au règlement du solde. Ainsi, la date limite de mandatement du solde du marché étant nécessairement postérieure à celle de la cessation des paiements, le lien de causalité entre la cessation des paiements de la société NORMAFI et le paiement avec retard du solde du marché passé avec l'établissement public départemental de Grugny n'est pas établi. Dès lors, les conclusions des appelants tendant à la condamnation de l'établissement public départemental de Grugny à leur verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice financier résultant de l'absence de fonds de roulement doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que cette somme soit assortie d'intérêts moratoires capitalisés.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL NORMAFI et Me C...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a jugé que leurs conclusions tendant au paiement du solde du marché sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme de 5 989,25 euros. Il y a lieu d'annuler le jugement dans cette mesure, et de condamner l'établissement public départemental de Grugny à verser à la SARL NORMAFI une somme de 1 630,30 euros, assortie des intérêts moratoires au taux légal augmenté de deux points à compter du 29 mai 2013, les intérêts échus à la date du 16 juin 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts. En revanche, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs conclusions tendant à la réparation du préjudice financier résultant de l'absence de fonds de roulement.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL NORMAFI et de MeC..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par l'établissement public départemental de Grugny, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public départemental de Grugny la somme demandée par la SARL NORMAFI et Me C...au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 mai 2017 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la SARL NORMAFI et de MeC..., tendant au paiement du solde du marché.

Article 2 : L'établissement public départemental de Grugny est condamné à verser à la SARL NORMAFI une somme de 1 630,30 euros, assortie des intérêts moratoires au taux légal augmenté de deux points dus à compter du 29 mai 2013. Ces intérêts porteront capitalisation à compter du 16 juin 2014, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SARL NORMAFI et de Me C...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de l'établissement public départemental de Grugny présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL NORMAFI, à Me A...C..., agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL NORMAFI, et à l'établissement public départemental de Grugny.

N°17DA01417 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA01417
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : Mme Petit
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BARRABE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-21;17da01417 ?
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