Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Alternative Travail Temporaire a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer, à hauteur de la somme de 75 695 euros, le remboursement immédiat du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) obtenu par elle au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1502686 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 26 janvier 2018, la SARL Alternative Travail Temporaire, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prescrire, à hauteur de la somme de 75 695 euros, le remboursement immédiat du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi obtenu par elle au titre de l'année 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'opération de préfinancement à laquelle elle a eu recours ayant porté sur une somme de 237 708 euros, elle est recevable et fondée à demander le remboursement de sa créance à hauteur de la somme de 75 695 euros ;
- elle satisfait aux conditions posées par le règlement (CE) n°800/2008 de la commission du 6 août 2008 pour être qualifiée de petite ou moyenne entreprise communautaire, cette appréciation devant être portée au regard des données de l'entreprise agrégées avec celles de la seule société avec laquelle elle est directement liée et les travailleurs intérimaires ne devant pas être pris en compte dans ses effectifs ;
- elle pouvait ainsi prétendre au remboursement immédiat sollicité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- eu égard à ce que la SARL Alternative Travail Temporaire a déclaré un montant initial de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi s'élevant à 313 403 euros pour l'année 2014 et qu'elle a cédé sa créance, à concurrence d'une somme de 288 879 euros, à une autre société, sa demande de restitution ne saurait excéder la somme de 24 524 euros ;
- les moyens soulevés par la SARL Alternative Travail Temporaire ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 800/2008 de la commission du 6 août 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Alternative Travail Temporaire exerce une activité d'agence de travail temporaire. Par une réclamation introduite le 15 mai 2015, elle a sollicité, sur le fondement des dispositions du II de l'article 199 ter C du code général des impôts, le remboursement immédiat, à hauteur de la somme de 75 695 euros, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi obtenu par elle au titre de l'année 2014. Par une décision du 22 juin 2015, l'administration a rejeté cette réclamation, au motif qu'elle ne pouvait être regardée comme une petite ou moyenne entreprise communautaire au sens du règlement n°800/2008 de la commission européenne du 6 août 2008. La SARL Alternative Travail Temporaire relève appel du jugement du 20 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrit, à hauteur de la somme de 75 695 euros, le remboursement immédiat du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle s'estime détentrice au titre de l'année 2014.
2. Aux termes de l'article 244 quater C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les entreprises (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. (...) / II. - Le crédit d'impôt mentionné au I est assis sur les rémunérations que les entreprises versent à leurs salariés au cours de l'année civile. (...) Pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur toute l'année, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat au titre de la période où ils sont présents dans l'entreprise (...) ". Aux termes de l'article 199 ter C, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater C est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'État d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. / La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les cas et conditions prévus aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier ; elle ne peut alors faire l'objet de plusieurs cessions ou nantissements partiels auprès d'un ou de plusieurs cessionnaires ou créanciers. (...) / II. - La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : / 1° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le Marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) ; / (...) ".
3. Aux termes de l'article 2 de l'annexe I à ce règlement : " 1. La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros. / (...) ".
Sur l'effectif à prendre en compte en ce qui concerne une entreprise de travail temporaire :
4. Aux termes de l'article 5 de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la commission du 6 août 2008 : " L'effectif correspond au nombre d'unités de travail par an (UTA), c'est-à-dire au nombre de personnes ayant travaillé dans l'entreprise considérée ou pour le compte de l'entreprise considérée à temps plein pendant toute l'année considérée. Le travail des personnes n'ayant pas travaillé toute l'année ou ayant travaillé à temps partiel, quelle que soit sa durée, ou le travail saisonnier, est compté comme des fractions d'UTA. L'effectif est composé : / a) des salariés ; / b) des personnes travaillant pour cette entreprise, ayant un lien de subordination avec elle et assimilées à des salariés au regard du droit national ; / (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 1251-1 du code du travail : " Le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission. / Chaque mission donne lieu à la conclusion : / 1° D'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit " entreprise utilisatrice " ; / 2° D'un contrat de travail, dit " contrat de mission ", entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire. / (...) ".
6. Il résulte des dispositions précitées du code du travail que les personnes mises à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire sont liées à cette dernière par un contrat de travail, ont ainsi la qualité de salarié de cette entreprise de travail temporaire au sens du a) de l'article 5 de l'annexe I au règlement du 6 août 2008 et doivent, par suite, être prises en compte pour la détermination de l'effectif de cette entreprise pour l'appréciation de la qualification de micro, petite et moyenne entreprise en application du 1 de l'article 2 de cette même annexe, de même qu'elles sont prises en compte dans l'assiette du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi mentionnée par les dispositions précitées du II de l'article 244 quater C du code général des impôts. Il suit de là que le moyen tiré par la SARL Alternative Travail Temporaire de ce que seuls les salariés employés pour les besoins de ses propres activités auraient dû être pris en compte, à l'exclusion des travailleurs intérimaires, doit être écarté.
Sur la prise en compte des entreprises liées :
7. Aux termes de l'article 3 de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la commission du 6 août 2008 : " (...) / 3. Sont des "entreprises liées" les entreprises qui entretiennent entre elles l'une ou l'autre des relations suivantes : / a) une entreprise a la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d'une autre entreprise ; / b) une entreprise a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; / c) une entreprise a le droit d'exercer une influence dominante sur une autre entreprise en vertu d'un contrat conclu avec celle-ci ou en vertu d'une clause contenue dans les statuts de celle-ci ; / d) une entreprise actionnaire ou associée d'une autre entreprise contrôle seule, en vertu d'un accord conclu avec d'autres actionnaires ou associés de cette autre entreprise, la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés de celle-ci. / (...) / Les entreprises qui entretiennent l'une ou l'autre des relations visées au premier alinéa à travers une ou plusieurs autres entreprises (...) sont également considérées comme liées. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de la même annexe : " (...) / 2. Les données, y compris l'effectif, d'une entreprise ayant des entreprises (...) liées, sont déterminées sur la base des comptes et autres données de l'entreprise, ou - s'ils existent - des comptes consolidés de l'entreprise, ou des comptes consolidés dans lesquels l'entreprise est reprise par consolidation. / (...) / Aux données visées aux premier (...) alinéas sont ajoutées 100 % des données des éventuelles entreprises directement ou indirectement liées à l'entreprise considérée et qui n'ont pas déjà été reprises dans les comptes par consolidation. / (...) ".
8. Il est constant que la SARL Alternative Travail Temporaire est liée, au sens des dispositions, citées au point précédent, de l'article 3 de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la commission du 6 août 2008, à la SARL Alternative Invest, qui détient 85 % de ses parts sociales. Il résulte cependant de l'instruction, notamment des documents produits par le ministre, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que la SARL Alternative Invest détient elle-même 50 % au moins des parts sociales des sociétés Alternative Travail Temporaire Evreux, Alternative Travail Temporaire Incarville, Alternative Travail Temporaire Deauville, Alternative Travail Temporaire Saumur, Ramasoft, A Votre Service et Alternative Conseil. La SARL Alternative Travail Temporaire doit ainsi être regardée, au sens de ces mêmes dispositions, comme liée à ces dernières sociétés à travers la SARL Alternative Invest. Par suite, afin d'apprécier le respect des conditions posées par les dispositions, citées au point 3, de l'article 2 de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la commission du 6 août 2008, pour qu'une entreprise puisse être qualifiée de petite ou moyenne entreprise au sens du droit de l'Union européenne, il convient que l'administration fiscale, ainsi d'ailleurs qu'elle l'a fait, prenne en compte les données comptables agrégées et les effectifs cumulés de l'ensemble de ces sociétés. Dès lors, le moyen tiré par la SARL Alternative Travail Temporaire de ce que l'administration aurait dû seulement prendre en compte ses propres données agrégées à celles de la SARL Alternative Invest, doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin pour la cour de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée par le ministre de l'action et des comptes publics du montant maximal auquel la SARL Alternative Travail Temporaire aurait pu prétendre, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Alternative Travail Temporaire est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alternative Travail Temporaire et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre ;
- Mme B... A..., première conseillère ;
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : C. HEULa greffière,
Signé : N. ROMERO La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°17DA01857