Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1804677 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2018 du préfet de l'Eure ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 8 février 1966, est entré en France le 27 juillet 2007, selon ses déclarations. Après le rejet, par une décision du 26 septembre 2007, de sa demande d'asile par l'Office français de protection des apatrides et réfugiés (OFPRA), confirmé le 26 février 2008 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le préfet de l'Eure, par un arrêté du 22 janvier 2009, lui a refusé l'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par un jugement du 12 mai 2009 du tribunal administratif de Rouen. Par la suite, M. C... a bénéficié d'un titre de séjour, en raison de son état de santé, régulièrement renouvelé pendant six ans. Dans le même temps, il a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile que l'OFPRA a, par une décision du 28 septembre 2016, rejetée pour irrecevabilité, cette décision ayant été confirmée par une décision de la CNDA en date du 12 janvier 2017. Le 1er août 2017, M. C... a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré pour motif médical. Par un arrêté du 2 juillet 2018, le préfet de l'Eure lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. C... relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes de l'arrêté attaqué que ceux-ci énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision refusant le renouvellement du titre de séjour de M. C.... Le préfet de l'Eure, qui n'avait pas à faire mention de toutes les circonstances de fait caractérisant la situation de l'intéressé, a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. A cet égard, les motifs de l'arrêté font mention des conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressé, et de sa situation familiale et privée. Par suite, et alors même qu'ils ne détaillent pas l'ensemble des éléments relatifs à l'état de santé du requérant ni ceux tenant à sa situation professionnelle, ces motifs, dont les mentions, alors même que certaines seraient erronées, permettent à son destinataire de comprendre, à leur seule lecture, les raisons pour lesquelles la décision de refus de séjour a été prise et de les contester utilement, doivent être regardés comme constituant une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par les dispositions, antérieurement énoncées aux articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, reprises, à la date de la décision contestée, aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. En deuxième lieu, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 14 janvier 2018, au vu duquel l'autorité préfectorale a refusé de procéder au renouvellement du titre de séjour de M. C..., vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables ainsi que celles de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016, ces textes posant le principe d'une délibération collégiale. En outre, cet avis comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège de médecins de l'OFII émet l'avis suivant : (...) " et est signé par les trois médecins qui l'ont composé. Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Or, M. C..., en se bornant à faire observer que chacun des trois médecins signataires de cet avis exerce dans une région éloignée du lieu d'exercice professionnel des autres médecins, membres du collège, n'apporte pas cette preuve contraire. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie de procédure tenant au caractère collégial de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait, sur ce point, entachée d'un vice de procédure doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
5. S'il est constant que M. C... a demandé le renouvellement de son titre de séjour sur le seul fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de l'Eure a examiné, d'office, si l'intéressé pouvait bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, s'il n'est pas contesté, comme il a été dit au point 1, que M. C... est entré en France le 27 juillet 2007 et s'il verse au dossier plusieurs documents au soutien de ses déclarations selon lesquelles il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, il n'a toutefois fourni aucune pièce afférente aux années 2008 et 2011, tandis que les mentions portées sur son passeport révèlent qu'il est retourné à plusieurs reprises dans son pays d'origine, notamment en 2014 et en 2017. Dans ces conditions, il n'est pas établi que M. C... résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date à laquelle l'arrêté du 2 juillet 2018 a été pris. Par suite et en tout état de cause, le fait que le préfet de l'Eure n'a pas soumis son cas à la commission départementale du titre de séjour avant de lui refuser, par l'arrêté contesté, la délivrance d'un titre de séjour, n'entache pas d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle cette décision a été prise.
6. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder à M. C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui lui avait été délivrée pour motif médical, le préfet de l'Eure s'est notamment fondé sur l'avis, mentionné au point 3, émis le 14 janvier 2018 par le collège de médecins de l'OFII. Il ressort des termes mêmes de cet avis que le collège de médecins a estimé que si l'état de santé de M. C... continue de rendre nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé existant en République démocratique du Congo, pays vers lequel il peut voyager sans risque, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
8. D'une part, M. C... fait valoir qu'il souffre d'un syndrome post-traumatique qui nécessite qu'il fasse l'objet d'un suivi médical régulier. A ce titre, il déclare suivre un traitement ainsi qu'une thérapie qui ne pourraient être interrompus sans risque grave pour sa santé, ni poursuivis dans son pays d'origine, eu égard aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Pour justifier de son état de santé, M. C... produit au dossier deux bulletins attestant son hospitalisation pendant plus de trois mois en 2007 et un peu plus d'un mois en 2009, un certificat médical daté du 6 juillet 2018 émis par un psychiatre précisant que l'intéressé doit bénéficier d'un suivi psychiatrique ambulatoire, ainsi qu'un certificat médical daté du 9 septembre 2018 précisant que celui-ci bénéficie d'un traitement médicamenteux pour des troubles psychiatriques. Par ailleurs, pour justifier de l'impossibilité de poursuivre son traitement en République démocratique du Congo, le requérant produit des rapports d'organisations non-gouvernementales datés de 2012 et 2013 et un article, daté du 18 février 2018, émanant du site internet d'une fondation congolaise. Toutefois, ces documents, pour la plupart anciens, sont peu circonstanciés et, s'ils rapportent les difficultés de prise en charge des pathologies psychiatriques en République démocratique du Congo, ne suffisent à démontrer que M. C... ne pourrait poursuivre son traitement dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le requérant, qui ne précise pas, au demeurant, la nature de son traitement médicamenteux, ni même la nature exacte des troubles induits par la pathologie dont il est atteint, n'établit pas qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'une prise en charge médicale appropriée en République démocratique du Congo.
9. D'autre part, M. C... soutient que sa pathologie est liée à des événements vécus en République démocratique du Congo, alors qu'il servait dans l'armée, et qu'ainsi, un retour dans son pays d'origine aurait pour conséquence de le rapprocher des lieux où sont nés ses traumatismes et de raviver ceux-ci. Toutefois, M. C... se borne, sur ce point, à produire au dossier la copie du brevet militaire de parachutisme dont il est le détenteur, ainsi qu'une photographie, dépourvue de toute précision contextuelle, le montrant en tenue militaire. Dans ces conditions, et alors, au demeurant, que les demandes d'asile qu'il a successivement formées ont été rejetées par des décisions devenues définitives, le requérant ne peut être regardé comme établissant l'existence d'un lien, entre la pathologie dont il est atteint et les activités militaires qu'il a exercées, susceptible de faire obstacle à son retour dans son pays d'origine et à la mise en oeuvre d'un traitement efficace de sa pathologie.
10. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 9, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure, en refusant de renouveler son titre de séjour, aurait méconnu les dispositions, citées au point 6, du 11° de l'article L. 313-11 du code des étrangers et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie (...), dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
12. M. C... se prévaut de la durée de son séjour en France, de la création sur le territoire français de liens familiaux et privés, notamment par la naissance d'un enfant en 2012, et de son insertion sociale et professionnelle. Toutefois, comme il a été dit au point 5, il n'est pas établi que l'intéressé aurait vécu habituellement en France depuis son entrée sur le territoire, en septembre 2007, alors d'ailleurs que les mentions apposées sur son passeport permettent d'établir qu'il est retourné dans son pays d'origine, notamment en 2014 et en 2017. En outre, s'il ressort des pièces du dossier que M. C... a reconnu, d'ailleurs seulement le 27 novembre 2013, la paternité d'un enfant né le 11 octobre 2012 en France, le requérant n'apporte aucun élément de nature à lui permettre de justifier d'une contribution à l'éducation et à l'entretien de cet enfant, avec lequel il ne vit pas, ni même de liens réguliers avec celui-ci. De surcroît, si M. C... déclare ne plus avoir de contact avec sa famille présente en République démocratique du Congo, les mentions portées sur son passeport permettent d'établir qu'il a effectué, ainsi qu'il vient d'être dit, plusieurs séjours dans ce pays, où résident notamment l'une de ses deux filles et l'un de ses frères et où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un an, tandis que deux de ses trois fils vivent en Angola. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé a exercé une activité professionnelle entre 2012 et 2018, le préfet de l'Eure, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 12 que la décision de refus de titre de séjour prononcée à l'encontre de M. C... n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.
14. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Eure a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en vertu duquel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12.
15. Il résulte de tout ce qui précède que, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA01422