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02/07/2020 | FRANCE | N°19DA01584

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 19DA01584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour.


Par un jugement n° 1900377 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1900377 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2019, Mme A... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 octobre 2018 du préfet de l'Eure ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 7 août 1966, est entrée en France, selon ses déclarations, le 17 septembre 2013 à l'âge de quarante-sept ans. Elle a alors formé une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 29 mai 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 8 janvier 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Ayant rencontré entre-temps des difficultés de santé, elle a obtenu, le 13 juin 2016, la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 12 juin 2017 afin de recevoir des soins en France. Par un arrêté du 22 octobre 2018, le préfet de l'Eure a refusé de lui accorder le renouvellement de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Mme A... C... relève appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Eure de lui délivrer le titre sollicité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Si Mme A... C... soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter l'ensemble des signatures requises par ces dispositions, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, transmise à la cour par le greffe du tribunal administratif de Rouen et communiquée aux parties, que ce moyen manque en fait. Par suite, Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité à ce titre.

Sur la décision de refus de séjour :

4. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci, qui ne se bornent pas à reproduire des formules préétablies, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de l'Eure, dans le respect du secret médical, pour refuser d'accorder à Mme A... C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons de santé. Ces motifs, qui révèlent que l'autorité préfectorale a notamment examiné la situation médicale, familiale et personnelle de Mme A... C..., ainsi que son niveau d'intégration dans la société française, ont, par suite, mis l'intéressée à même de comprendre les raisons pour lesquelles ce refus lui était opposé et de les contester utilement. Ils constituent une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par ailleurs, la circonstance que ces motifs comporteraient des erreurs concernant l'intensité de son intégration dans la société française et la nature des attaches familiales qu'elle a conservées dans son pays d'origine demeurent sans incidence sur le caractère suffisant de cette motivation.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes des deux demandes de titre de séjour que Mme A... C... a successivement présentées au préfet de l'Eure, en 2016 et en 2017, que l'intéressée a elle-même précisé avoir laissé deux enfants en République démocratique du Congo. Par suite, alors même que ceux-ci ne seraient pas, en réalité, ses enfants biologiques mais qu'ils lui auraient été confiés par des proches, le préfet de l'Eure, en retenant que l'intéressée avait conservé des attaches familiales dans son pays d'origine, où demeuraient ses deux enfants, tandis qu'elle ne justifiait pas, en France, de liens personnels et familiaux tels qu'un refus de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive, ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A... C... a suivi, entre le 18 octobre 2018 et le 24 mai 2019, une formation préparatoire à un contrat d'accès à la qualification, dispensée par une association d'insertion, les seules pièces qu'elle verse au dossier, à savoir une attestation de présence émise le 20 novembre 2018, un contrat non signé et un relevé de parcours incomplet, ne suffisent pas à établir qu'elle aurait effectivement suivi l'intégralité de cette formation à hauteur des 994 heures proposées. Par suite et alors que Mme A... C... n'allègue pas qu'elle aurait fait état d'autres éléments concernant notamment les liens amicaux et sociaux qu'elle aurait pu tisser sur le territoire français, le préfet de l'Eure, en indiquant que l'intéressée ne justifiait pas d'une insertion significative dans la société française, n'a pas davantage entaché sa décision d'inexactitude matérielle.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Eure, pour refuser d'accorder à Mme A... C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons médicales, s'est notamment fondé sur un avis émis le 2 juillet 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il ressort des mentions de cet avis, versé au dossier par le préfet de l'Eure, que le collège de médecins a estimé que, si l'état de santé de Mme A... C... continuait de rendre nécessaire une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait désormais pas entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

8. Mme A... C... soutient qu'elle souffre d'une lombalgie, de sciatalgies bilatérales, ainsi que d'un syndrome rachidien important, pour la prise en charge desquels elle bénéficie en France d'un suivi médical régulier, ce qu'ont attesté, notamment le 29 novembre 2018 son médecin traitant, puis, le 30 novembre 2018, le rhumatologue qui la suit. Il ressort, en outre, d'une attestation médicale émise le 22 février 2019 par un neuropsychiatre de Kinshasa que Mme A... C... présente aussi un état de stress post-traumatique dont la prise en charge médicale avait débuté en République démocratique du Congo. Toutefois, ni ces attestations, qui ne se prononcent aucunement sur ce point, ni aucune des autres pièces médicales versées au dossier, ne suffisent à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de l'Eure, au vu de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon laquelle, si l'état de santé de Mme A... C... continue de rendre nécessaire une prise en charge médicale, un défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, pour refuser à Mme A... C... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de l'Eure, qui n'avait pas, compte-tenu du motif qu'il a retenu, à apprécier si l'intéressée pourrait effectivement accéder à un traitement approprié en cas de retour en République démocratique du Congo, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne s'est pas davantage mépris dans l'appréciation de sa situation au regard de ces dispositions.

9. Les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à l'autorité préfectorale de délivrer, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " prévue à l'article L. 31311 de ce code ou la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue à l'article L. 313-10 du même code à des ressortissants étrangers qui ne satisfont pas aux conditions requises pour prétendre de plein droit à ce titre. Toutefois, cette faculté est subordonnée à la condition que l'admission au séjour du demandeur réponde à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir.

10. Mme A... C..., entrée sur le territoire français le 17 septembre 2013 selon ses déclarations, soutient qu'elle pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté contesté, d'un séjour habituel d'une durée d'un peu plus de cinq années en France et fait état de la présence auprès d'elle de sa soeur, titulaire d'une carte de résident en cours de validité et qui l'héberge, ainsi que de la fille adoptive de celle-ci. Elle se prévaut, en outre, de la formation préparatoire à un contrat d'accès à la qualification qu'elle a initiée à la fin de l'année 2018. Elle ajoute que, même si sa demande d'asile a été rejetée, la situation d'instabilité politique qui prévaut en République démocratique du Congo lui fait craindre la perspective d'un retour dans ce pays, renforce sa volonté de s'intégrer en France et justifie qu'elle y soit admise à titre exceptionnel au séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... C... est célibataire et qu'elle n'a fait état, outre la présence de sa soeur et de sa nièce, d'aucun lien social ou amical qu'elle aurait tissé depuis son arrivée et France, tandis qu'elle n'établit, ni d'ailleurs n'allègue, être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident, selon ses propres déclarations, ses deux enfants. Enfin, le seul fait pour Mme A... C... de s'être inscrite à une formation de remise à niveau en vue d'une insertion professionnelle, dont, ainsi qu'il a été dit au point 5, elle n'établit d'ailleurs pas avoir suivi l'intégralité, ne peut suffire, même ajouté à l'ancienneté relative de son séjour, à la volonté d'intégration qui serait la sienne et à la présence de sa soeur et de sa nièce, à constituer des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier qu'elle soit admise, à titre exceptionnel, au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en ne la faisant pas bénéficier de cette admission au séjour, le préfet de l'Eure n'a pas méconnu ces dispositions, ni n'a commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la décision obligeant un étranger à quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a pas à faire l'objet, lorsqu'elle est adossée à une décision de refus de séjour, d'une motivation distincte de celle de ce refus. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la décision de refus de séjour prononcée par l'arrêté contesté est suffisamment motivée. Par suite, la décision, contenue dans le même arrêté, faisant obligation à Mme A... C... de quitter le territoire français est, elle-même, suffisamment motivée au regard de l'exigence posée tant par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, il n'est pas établi que la décision faisant obligation à Mme A... C... de quitter le territoire français serait fondée sur des faits matériellement inexacts.

13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, il n'est pas établi que Mme A... C... aurait figuré, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, parmi les ressortissants étrangers visés au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle se serait trouvée, au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en situation de pouvoir prétendre, pour raisons médicales, à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Dès lors, il n'est pas davantage établi qu'elle se serait, en conséquence, trouvée dans une situation faisant légalement obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire français soit prononcée à son encontre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Eure.

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N°19DA01584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01584
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-02;19da01584 ?
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