Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Astradec a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1408042 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juin 2018 et le 23 novembre 2018, la SAS Astradec, représentée par la société d'avocats Ernst et Young, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, à concurrence des sommes respectives de 47 213 euros, au titre de la période couvrant l'année 2009, et de 111 424 euros, au titre de la période couvrant l'année 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants ;
3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés consécutives à la remise en cause de la déductibilité en tant que charges de l'exercice clos en 2010 des sommes payées par elle sur la base des factures émises à l'en-tête de RMP2 Développement, ainsi que des majorations et intérêts de retard correspondants et des conséquences en matière de revenus distribués ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SAS Astradec.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Astradec, dont le siège est situé à Arques (Pas-de-Calais), exerce une activité de collecte de déchets non dangereux. Elle a fait l'objet, au cours de l'année 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que la SAS Astradec, d'une part, avait, sur ses déclarations de chiffres d'affaires, minoré la taxe sur la valeur ajoutée collectée au cours de la période vérifiée, d'autre part, avait déduit de ses bénéfices imposables des dépenses dont la nature de charge déductible devait être remise en cause, notamment s'agissant de sommes déduites au vu de factures regardées comme fictives. Les rectifications envisagées par l'administration ont été portées à la connaissance de la SAS Astradec par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 14 décembre 2012. Celles-ci ont été maintenues malgré les observations émises par la société. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en résultant ont été mis en recouvrement le 11 mars 2012 pour les montants respectifs, en droits et pénalités, de 407 958 euros et de 195 052 euros. La SAS Astradec relève appel du jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Elle limite, en cause d'appel, l'objet de ses conclusions à une réduction, en droits et pénalités, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, pour tenir compte d'un crédit de taxe dont elle aurait omis de demander la déduction, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, en contestant avoir porté en déduction des dépenses sur la base de factures fictives.
Sur la charge de la preuve :
2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ".
3. Il est constant que la SAS Astradec, qui a reçu le 18 décembre 2012 la proposition de rectification qui lui avait été adressée le 14 décembre 2012, n'a présenté des observations sur celle-ci que le 13 février 2012, soit après l'expiration du délai d'un mois qui lui avait été imparti pour ce faire, et qu'elle n'a pas demande de prolongation de ce délai. Elle supporte ainsi, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions qu'elle conteste.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / (...) / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". En outre, le I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, pris pour l'application du IV de l'article 271 de ce code, dispose que : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. (...) ".
5. Si les dispositions du I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts, citées au point précédent, prévoient que la taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction a été omise sur la déclaration afférente à la période concernée puisse valablement être portée sur une déclaration ultérieure, elles subordonnent toutefois cette faculté à la condition que cette déclaration différée soit déposée avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission, qui, selon les dispositions précitées du 2 du I de l'article 271 du code général des impôts, est aussi celle à laquelle la taxe déductible devient exigible auprès du redevable. En vertu du a) du 1 de l'article 269 de ce code, le fait générateur de la taxe se produit au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. En outre, selon le a) du 2 du même article 269, la taxe devient exigible, en ce qui concerne les livraisons et les achats de biens, lors de la réalisation du fait générateur et, selon le c) de ce même 2, la taxe devient exigible, en ce qui concerne les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. Enfin, un contribuable ne peut demander la compensation entre la taxe qui lui a été assignée et un crédit de taxe déductible dont il se prévaut, dès lors que cette taxe déductible omise n'a pas figuré dans les déclarations ultérieures déposées dans le délai prévu par les dispositions du I de l'article 208 de l'annexe II du code général des impôts, citées au point précédent, c'est-à-dire avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission, qui est celle au cours de laquelle la taxe sur la valeur ajoutée est devenue exigible chez le fournisseur ou le prestataire.
6. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SAS Astradec a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait pratiqué d'importantes minorations de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au cours de la période vérifiée, allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. La SAS Astradec, qui admet cette situation, soutient qu'elle résulte de la mise en oeuvre d'une pratique comptable erronée, mise en évidence à l'occasion d'un audit, et qui consistait à n'enregistrer la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion des ventes de biens qu'au moment de l'encaissement des paiements correspondants. Elle ajoute cependant que cette pratique l'a aussi conduite à ne déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les achats de biens qu'au moment du règlement des factures y afférentes, ce qui l'a privée de la déduction de sommes importantes, dont l'administration aurait ainsi omis de tenir compte.
7. Toutefois, il est constant que la SAS Astradec n'a pas porté la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle allègue avoir omis de déduire, sur des déclarations souscrites dans le délai prévu par les dispositions du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, citées au point 4, c'est-à-dire avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission, définie au point 5. Elle ne peut, dès lors, obtenir une compensation entre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle conteste et le crédit de taxe dont elle soutient pouvoir se prévaloir pour avoir omis de déduire la taxe ayant grevé des achats de biens effectués au cours de la période vérifiée. Il suit de là qu'à supposer même que les extraits de sa comptabilité qu'elle verse à l'instruction soient suffisants à établir la réalité du crédit de taxe qu'elle revendique, il ne peut être fait droit à ses prétentions sur ce point. La SAS Astradec ne peut, à cet égard, soutenir qu'elle aurait disposé, en raison de la procédure d'imposition mise en oeuvre à son égard, d'un délai supplémentaire pour obtenir la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle entend voir admise en déduction, ni invoquer, sur ce point, les dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, qui impartissent au contribuable faisant l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses réclamations, mais qui ne sauraient être interprétées comme l'autorisant à introduire, après l'expiration du délai imparti par le I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, une réclamation tendant à la restitution de la taxe dont la déduction a été omise au cours de l'année faisant l'objet d'une reprise ou d'une rectification. La SAS Astradec ne peut davantage invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions énoncées aux paragraphes n°1 et n°10 de la doctrine administrative publiée le 2 septembre 2015 au bulletin officiel des finances publiques, sous la référence BOI-CF-PGR-30-50, qui rappellent seulement que, lorsque l'administration constate une insuffisance d'imposition dans le même temps qu'une surtaxe commise au préjudice du contribuable, elle peut prononcer un dégrèvement ou une restitution d'office et qui ne comportent ainsi, et en tout état de cause, aucune interprétation formelle de la loi fiscale au sens de ces dispositions.
8. Enfin, le seul fait que l'administration n'a pas admis en déduction, d'ailleurs à bon droit ainsi qu'il vient d'être dit, le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont se prévaut la SAS Astradec n'est pas de nature à révéler qu'elle aurait manqué, à l'occasion de la vérification de la comptabilité dont cette société a fait l'objet, à son devoir d'objectivité en ne conduisant ce contrôle " qu'à charge ", ce que le montant important des droits rappelés ne peut davantage suffire à établir. Il suit de là que ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été à bon droit mis à la charge de la SAS Astradec.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige :
10. En vertu du 1. de l'article 39 du code général des impôts, dont les dispositions, relatives à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux, sont applicables à l'impôt sur les sociétés en application du I. de l'article 209 de ce code, le bénéfice net d'une entreprise est établi, notamment, sous déduction des charges de toute nature qu'elle a exposées pour les besoins de son activité.
11. Dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur ou d'un prestataire, il incombe, indépendamment de la procédure d'imposition, à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée, c'est-à-dire que la facture au vu de laquelle la charge a été portée en déduction présente un caractère fictif.
12. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SAS Astradec a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait inscrit en déduction de son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2010, dans un compte de charges n°6226000, comme correspondant à des honoraires versés, trois dépenses d'un montant de 5 000 euros chacune. Pour justifier, tant dans leur principe que dans leur montant, du bien-fondé de cette inscription comptable, la SAS Astradec a présenté au vérificateur trois factures émises, respectivement, le 25 mai 2010, le 30 juin 2010 et le 31 juillet 2010 par une entreprise RMP2 Développement et qui précisaient toutes qu'elles se rapportaient à des " honoraires de création et de suivi de dossier subventions au développement ". L'administration a produit, devant les premiers juges, ces trois factures, qui comportaient toutes une mention invitant leur destinataire, la SAS Astradec, à libeller ses règlements à l'ordre personnel du responsable de l'entreprise, nommément désigné. L'administration, estimant que ces factures présentaient un caractère fictif, a remis en cause la déductibilité, en tant que charges de l'exercice clos en 2010, des sommes mentionnées sur lesdites factures.
13. Pour établir, ainsi qu'il lui incombe, ce caractère fictif, l'administration s'est fondée sur un faisceau d'indices tirés des constatations effectuées par le vérificateur. Au nombre de ces indices figure d'abord le constat qu'aucun élément de nature à justifier d'une réalisation effective des prestations ainsi facturées n'a été fourni par la SAS Astradec au vérificateur, qui a constaté, par ailleurs, que la société RMP2 Développement n'avait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 25 mai 2011, c'est-à-dire à une date postérieure à celles auxquelles ces factures ont été émises, dont aucune ne comporte au demeurant la mention d'un numéro SIREN. En outre, le vérificateur a relevé que deux des factures ainsi produites, à savoir celles établies le 25 mai 2010 et le 31 juillet 2010, comportaient le même numéro d'ordre, bien qu'ayant été émises, à des dates successives, par la même entreprise.
14. La SAS Astradec conteste toutefois la pertinence de ces indices et soutient qu'à la suite d'erreurs purement matérielles commises par l'émetteur de ces factures, celui-ci a omis d'y préciser qu'il exerçait alors en tant qu'entrepreneur individuel, sous le statut d'auto-entreprise. Elle ajoute que le nom " RMP2 Développement " ne correspondait, aux dates auxquelles ces factures ont été émises, qu'à une dénomination commerciale et que cet entrepreneur n'a décidé qu'ensuite, compte-tenu du développement de son activité, de créer une société portant cette dénomination sociale. Elle précise que l'intéressé a cependant corrigé l'erreur matérielle affectant les factures en cause, dont elle estime ne pouvoir être tenue pour responsable, et qu'il lui a adressé un nouvel exemplaire de celles-ci comportant la mention omise et celle selon laquelle les honoraires perçus par l'entreprise n'étaient pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, elle se réfère à une attestation, établie le 14 décembre 2016, par cet entrepreneur, par laquelle il confirme l'erreur commise par lui en ce qui concerne les premières factures adressées à la SAS Astradec et ajoute avoir effectué les prestations correspondantes, dont le coût réel excède largement, à ses yeux, les montants facturés. Enfin, la SAS Astradec indique que ce prestataire a réalisé un dossier qui lui a permis d'obtenir, le 1er février 2011, un financement participatif, d'un montant de 500 000 euros, qui a rendu possible la mise en oeuvre d'un projet de développement relatif à la gestion des déchets ménagers au Mali, et se réfère, à cet égard, au contrat de développement participatif conclu avec la société Oseo et à une note de présentation du projet. Elle tire de ces éléments que les factures dont la déductibilité a été remise en cause correspondent à des prestations réelles, que les dépenses y afférentes ont été exposées par elle dans l'intérêt de son exploitation, qu'elles se traduisent par une diminution de son actif net et qu'elles ont été régulièrement enregistrées au moyen d'écritures comptables appuyées par des justifications suffisantes.
15. Toutefois, ni l'attestation ainsi produite, laquelle a été établie près de six années après la clôture de l'exercice en cause, ni les mentions du contrat conclu par la SAS Astradec avec la société Oseo, qui ont seulement trait aux questions techniques et financières se rapportant à l'octroi du prêt sollicité, mais qui ne comportent aucune précision en ce qui concerne le projet que ce prêt aurait pour objet de financer, ni même le dossier de présentation de ce projet ou encore un tableau de bord précisant au demeurant que ce dernier est en " stand by ", ne suffisent à justifier de la réalisation effective dudit projet, ni, à supposer même que tel soit le cas, d'une contribution effective de l'entreprise RMP2 Développement à son élaboration ou à sa mise en oeuvre, alors, en particulier, que ni la convention conclue avec la société Oseo, ni le dossier de présentation du projet ne comporte une quelconque mention du nom de cette entreprise ou de son responsable. Au demeurant, le ministre fait valoir, sans être contredit, que les représentants de la SAS Astradec ont indiqué, au cours de la vérification de comptabilité, que les prestations facturées par l'entreprise RMP2 Développement ont fait l'objet d'un avoir établi au 31 décembre 2011 avant de donner lieu à une nouvelle facturation en 2012. Eu égard à ce que, dans ces conditions, la SAS Astradec ne peut être regardée comme opposant une contestation sérieuse au faisceau d'indices sur lequel l'administration s'est fondée pour estimer que les factures qui lui ont été adressées par l'entreprise RMP2 Développement présentaient un caractère fictif, c'est à bon droit que leur déductibilité, en tant que charges de l'exercice clos en 2010, a été remise en cause par l'administration.
Sur le bien-fondé des pénalités :
16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les rehaussements d'impôt sur les sociétés correspondants :
17. Pour justifier l'application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, ainsi qu'au rehaussement d'impôt sur les sociétés portant sur leur incidence financière et sur le passif injustifié y afférent, de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu que la SAS Astradec avait minoré, de façon répétée, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée portée sur les déclarations de chiffre d'affaires qu'elle avait souscrites au cours de la période vérifiée et que cette pratique s'est avérée récurrente, puisque des rappels de taxe sur la valeur ajoutée avaient déjà été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005. L'administration a fait valoir, en outre, que la SAS Astradec avait délibérément laissé subsister au passif de son bilan une dette de taxe sur la valeur ajoutée de 66 360 euros et omis de constater à ce titre un produit exceptionnel, ainsi que de comptabiliser le profit sur le Trésor en résultant, ce qui a conduit à minorer son bénéfice imposable. Le ministre, qui reprend ces éléments, ajoute que, eu égard au caractère récurrent de ces agissements, la SAS Astradec ne peut sérieusement invoquer une erreur comptable commise de bonne foi, alors que, déjà informée du caractère inapproprié des modalités de comptabilisation de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ses opérations, il lui appartenait d'y remédier. Les éléments ainsi avancés par le ministre sont de nature à établir l'intention, qui a été celle de la SAS Astradec, d'éluder l'impôt, et, par suite, à justifier l'application, à ces chefs de rectification, de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la déduction de dépenses sur la base de factures fictives et de charges non justifiées :
18. Il ressort des mentions de la proposition de rectification adressée le 14 décembre 2012 à la SAS Astradec que l'administration envisageait alors d'assortir de la majoration de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses par les dispositions précitées du c. de l'article 1729 du code général des impôts le supplément d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de la déduction de dépenses opérée par la société, au cours de l'exercice clos en 2010, sur la base de factures fictives. Il résulte toutefois de l'instruction que cette majoration n'a finalement pas été appliquée à ce chef de rehaussement, l'administration lui ayant finalement substitué la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. du même article 1729. Il s'ensuit que le moyen tiré par la SAS Astradec de ce que la majoration pour manoeuvres frauduleuses ne serait pas fondée ne peut qu'être écarté comme inopérant, faute de mise en oeuvre par l'administration de cette pénalité sur ce chef de redressement.
19. Pour justifier l'application à ce chef de rectification de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu que la SAS Astradec avait, à trois reprises, porté en déduction des dépenses, au vu de factures dont le caractère fictif a été démontré. Ainsi qu'il a été dit aux points 13 et 15, le faisceau d'indices avancé à bon droit par l'administration pour justifier que les factures en cause soient regardées comme présentant un caractère fictif, suffit à démontrer le bien-fondé de cette qualification. La déduction de dépenses au vu de factures fictives constitue un agissement qui, par lui-même, révèle l'intention de son auteur de soustraire les sommes correspondantes à l'impôt, quand bien même la société contribuable, qui se voit infliger une majoration à ce titre, n'est pas l'auteur des factures en cause. D'ailleurs, en l'espèce, la SAS Astradec, qui a opéré de telles déductions à trois reprises au cours de l'exercice clos en 2010, et qui a, au surplus, réitéré ces agissements au cours d'une période postérieure, alors qu'elle savait ne pas être en mesure de justifier d'une exécution effective des prestations facturées, ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne pourrait supporter les conséquences d'agissements qui seraient exclusivement le fait de l'entreprise émettrice de ces factures. Ainsi, c'est à bon droit, par les motifs qu'elle avance, que l'administration a fait application, à ce chef de rehaussement, de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
20. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable déclaré par la SAS Astradec au titre des exercices clos en 2009 et 2010 des sommes portées en charges mais qui ont été regardées comme non justifiées ou comme n'ayant pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Pour justifier l'application, à ces chefs de rehaussement, dont le bien-fondé n'est au demeurant pas contesté par l'entreprise, de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, le ministre fait valoir le caractère récurrent de telles déductions injustifiées, qui avaient déjà fait l'objet de rectifications, à l'issue d'un précédent contrôle portant sur la période allant du 1er janvier 2004 au 31 mars 2007, résultant de la remise en cause de la déductibilité de dépenses non justifiées dans leur réalité ou dont l'engagement dans l'intérêt de l'entreprise n'était pas établi. Par ces éléments, qui ne sont d'ailleurs pas contestés, le ministre établit l'intention d'éluder l'impôt qui a été celle de la SAS Astradec en pratiquant ces déductions et, par suite, le bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux chefs de rehaussement en cause.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Astradec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande, tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge. Ses conclusions tendant à ce que la cour tire des conséquences de son arrêt en ce qui concerne les rehaussements notifiés aux bénéficiaires de revenus distribués doivent, par voie de conséquence et en tout état de cause, être rejetées. Il en est de même des conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Astradec est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Astradec et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
1
2
N°"Numéro"