Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de révision de sa situation administrative transmise le 11 janvier 2017, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réviser sa situation administrative en lui accordant une ancienneté acquise supplémentaire de cinq mois au titre de sa nomination au grade de major de police intervenue le 2 décembre 2015 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1703509 du 23 octobre 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2019, Mme C... B..., représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de révision de sa situation administrative transmise le 11 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la révision de sa situation administrative aux fins de reconstitution de sa carrière à compter du 2 décembre 2015, avec toutes les conséquences en matière indiciaire, de rappel de traitement et de droits à pension que cette reconstitution implique ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le décret n° 2015-1374 du 29 octobre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée comme élève sous brigadier/gardien de la paix au sein de la police nationale le 3 octobre 1988, Mme C... B... a été titularisée dans ce grade le 1er juin 1990. Elle a accédé au grade de gardien de la paix le 1er septembre 1995, puis au grade de brigadier le 1er juin 1999 avant d'accéder au grade de brigadier-chef le 2 octobre 2004. Mme B... a été reclassée au 6ème échelon du grade de brigadier-chef le 1er juillet 2011 à l'indice majoré 520 sans conserver d'ancienneté acquise. Depuis le 1er septembre 2010, Mme B... exerce ses fonctions au sein de la circonscription de sécurité publique de Douai. Elle a été promue, par arrêté du ministre de l'intérieur du 22 juillet 2015, au grade de major de police à compter du 2 décembre 2015 et reclassée dans ce grade au 2ème échelon à l'indice majoré 520 avec une ancienneté de douze mois conservée au 2 décembre 2015 par arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord du 20 janvier 2016. Elle a saisi le préfet délégué pour la défense et la sécurité du Nord, par courrier du 19 décembre 2016, d'une demande de révision de sa situation administrative au regard du déroulement de sa carrière au grade de major de police afin d'obtenir une majoration d'ancienneté correspondant à l'ancienneté acquise dans son échelon terminal de brigadier-chef ainsi que la réparation d'un préjudice financier causé par l'inversion d'ordre d'ancienneté de carrière qu'elle estime subir. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par un jugement du 23 octobre 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de la décision en question, d'injonction au ministère de l'intérieur de réviser sa situation administrative en lui accordant une ancienneté acquise supplémentaire de cinq mois au titre de sa nomination au grade de major de police intervenue le 2 décembre 2015. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à Mme B... le 26 octobre 2019. La requête, enregistrée le 26 décembre 2019, soit dans le délai d'appel, n'est pas tardive. La fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur ne peut, dès lors qu'être écartée.
Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal :
4. S'agissant de la requête de première instance, Mme B... ne demandait ni l'annulation de l'arrêté ministériel du 22 juillet 2015, ni l'annulation de l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité du Nord du 20 janvier 2016 mais l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de révision de sa situation administrative transmise le 11 janvier 2017. Sa demande n'était donc pas tardive et irrecevable et cette fin de non-recevoir doit également être écartée.
Sur les conclusions en annulation :
5. Aux termes de l'article 19 du décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, dans sa rédaction applicable au 2 décembre 2015, date de promotion de Mme B... au grade de major de police : " Les fonctionnaires promus au grade de brigadier-major de police sont classés à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient en dernier lieu dans leur précédent grade. / Ils conservent le cas échéant leur ancienneté d'échelon dans les conditions et les limites fixées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 8. ". Aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 8 du même décret : " Les gardiens de la paix titularisés alors qu'ils avaient atteint l'échelon le plus élevé de leur précédent grade conservent leur ancienneté dans l'échelon dans les mêmes conditions et dans les mêmes limites lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle que leur avait procurée leur nomination audit échelon. / Dans la limite de l'ancienneté exigée à l'article 10 ci-après pour une promotion à l'échelon supérieur, ils conservent l'ancienneté d'échelon qu'ils avaient acquise dans leur précédent grade lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle que leur aurait procurée un avancement d'échelon dans leur précédent grade. ".
6. Mme B..., brigadier-chef au 6ème échelon à l'indice majoré 520 depuis le 1er juillet 2011 a été nommée au 2 décembre 2015 au 2ème échelon à l'indice majoré 520 du grade de major de police avec une ancienneté de douze mois conservée. Or, au titre de l'année 2016, compte tenu de la modification introduite par l'article 3 du décret n° 2015-1374 du 29 octobre 2015 modifiant le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 précité, les brigadiers-chefs de police au 6ème échelon promus au grade de major de police, sont reclassés à compter du 1er juillet 2016 dans ce grade au 2ème échelon avec une ancienneté acquise dans la limite de deux ans. Mme B... a donc vu son déroulement de carrière ainsi retardé par rapport aux brigadiers-chefs nommés en juillet 2016 au titre de l'année 2016.
7. L'instauration d'une discrimination entre agents ne peut être fondée que sur des circonstances exceptionnelles de nature à justifier légalement une différence de traitement. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances exceptionnelles puissent justifier, dans l'intérêt du service, des dispositions statutaires qui opèrent une différence de traitement entre les agents selon la date de leur nomination au grade de major et qui sont susceptibles de porter atteinte à l'évolution de la situation professionnelle des majors nommés dans ce grade au titre de 2015, sans, par ailleurs, que cette différence de traitement puisse être en rapport avec l'objet des normes qui l'établissent. Ces dispositions ont eu pour effet de créer une discrimination contraire au principe d'égalité entre les agents d'un même corps. Mme B... est dès lors fondée à demander l'annulation du jugement du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Lille et de la décision implicite du ministre de l'intérieur refusant de réviser sa situation administrative.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant la demande de révision de la situation administrative de Mme B... transmise le 11 janvier 2017 implique nécessairement, eu égard au motif la fondant, que le ministre de l'intérieur procède à la révision demandée en accordant à Mme B... une ancienneté acquise supplémentaire de cinq mois au titre de sa nomination au grade de major de police intervenue le 2 décembre 2015.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens dans la présente l'instance les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703509 du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Lille et la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant la demande de révision de la situation administrative transmise le 11 janvier 2017 de Mme B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la révision de la situation administrative de Mme B... transmise le 11 janvier 2017 en accordant à l'intéressée une ancienneté acquise supplémentaire de cinq mois au titre de sa nomination au grade de major de police intervenue le 2 décembre 2015.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
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N° 19DA02809