Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) BCC a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par une demande enregistrée sous le n° 1700513, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Chantilly a refusé de saisir la commission de sécurité et la commission d'accessibilité afin de visiter l'immeuble situé au 33 avenue du maréchal Joffre à Chantilly, et d'enjoindre à ce maire de procéder à cette saisine.
Par une autre demande enregistrée sous le n° 1801480, la SCI BCC a demandé au même tribunal d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de saisir les commissions de sécurité et d'accessibilité, et de lui enjoindre de procéder à cette saisine et d'user de ses pouvoirs de police pour faire respecter les règles d'accessibilité de l'immeuble.
Par un jugement nos 1700513,1801480 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 28 janvier 2020, la SCI BCC, représentée par Me D... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de Chantilly, d'une part, le préfet de l'Oise, d'autre part, ont refusé de saisir la commission de sécurité et la commission d'accessibilité pour une visite de l'immeuble dont elle est propriétaire au 33 avenue du maréchal Joffre à Chantilly ;
3°) d'enjoindre au maire de Chantilly et au préfet de l'Oise de saisir ces commissions et de faire usage de leurs pouvoirs de police afin que les sociétés New Tokyo et Indiana Pub respectent les règles de sécurité et d'accessibilité et ce, dans le délai d'un mois après la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner in solidum la commune de Chantilly et l'Etat aux dépens de l'instance et au paiement à son bénéfice d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... C..., première conseillère,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me D... A..., représentant la société BCC.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière BCC est propriétaire à Chantilly d'un immeuble recevant du public de 5ème catégorie, qui comprend sur plusieurs niveaux, outre des places de stationnement et des bureaux, deux locaux à usage commercial. L'un est loué à la SARL New Tokyo qui y exploite un restaurant appelé le Tamaya, l'autre est loué à la SARL Indiana Pub qui y exploite un débit de boissons en ayant obtenu du maire de Chantilly depuis 2007 l'autorisation d'installer sur le trottoir, au droit de l'établissement, une terrasse de 23 m².
2. Estimant que ces deux locataires ne respectaient ni les règles de sécurité, ni les règles d'accessibilité prévues pour les personnes à mobilité réduite, la société civile immobilière BCC a demandé au maire de Chantilly, par un courrier notifié le 24 novembre 2016, de saisir les commissions de sécurité et d'accessibilité compétentes. Elle a ensuite, par un courrier notifié le 24 janvier 2018, demandé au préfet de l'Oise soit le passage des commissions de sécurité et accessibilité, soit d'exercer directement ses pouvoirs de police pour faire respecter les normes de sécurité incendie et les règles d'accessibilité de l'immeuble. Elle relève appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a refusé d'annuler les décisions implicites par lesquelles ces deux autorités ont rejeté ses demandes.
Sur les fins de non-recevoir opposées aux demandes de première instance :
En ce qui concerne le caractère confirmatif des décisions attaquées :
3. Il résulte de l'instruction qu'antérieurement aux décisions en litige, la société BCC s'était déjà vu opposer des refus explicites à des demandes analogues à celles en litige, tendant à la saisine de la commission de sécurité et d'accessibilité compétente.
4. Toutefois, d'une part, le refus explicite du maire de Chantilly manifesté par une lettre en date du 15 septembre 2016, qui a déclenché le délai de recours contentieux ouvert contre des décisions implicites précédentes, ne mentionnait pas les voies et délais de recours et n'était donc pas devenu définitif lorsque la société BCC a adressé à la commune de Chantilly la demande aux mêmes fins, notifiée le 24 novembre 2016, qui a fait naître le refus implicite en litige. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune et tirée du caractère confirmatif du refus implicite en litige doit être écartée.
5. D'autre part, le refus explicite du préfet, manifesté par un courrier signé du sous-préfet de Senlis en date du 20 octobre 2016, ne mentionnait pas les voies et délais de recours. De plus, sa notification effective ne résulte d'aucune pièce du dossier. De même, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la date à compter de laquelle la société BCC pourrait être regardée comme ayant eu connaissance de ce refus. Dans ces conditions, et alors au surplus que la demande ayant fait naître la décision attaquée dans la présente instance était en partie différente, la fin de non-recevoir opposée par l'Etat et tirée du caractère confirmatif du refus implicite en litige doit être écartée.
En ce qui concerne la motivation de la demande dirigée contre le refus du préfet :
6. La demande de la société BCC contenait l'exposé de faits et de moyens, y compris de droit avec l'invocation des dispositions de l'article R. 123-28 du code de la construction et de l'habitation, qui la rendaient recevable au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
Sur la légalité des refus en litige :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
7. Aux termes de l'article R. 111-19-1 du code de la construction et de l'habitation : " Les établissements recevant du public définis à l'article R. 123-2 et les installations ouvertes au public doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap. / L'obligation d'accessibilité porte sur les parties extérieures et intérieures des établissements et installations et concerne les circulations, une partie des places de stationnement automobile, les ascenseurs, les locaux et leurs équipements ".
8. Aux termes de l'article R. 123-14 du code de la construction et de l'habitation : " Les établissements dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'établissement sont assujettis à des dispositions particulières déterminées dans le règlement de sécurité. / Le maire, après consultation de la commission de sécurité compétente, peut faire procéder à des visites de contrôle dans les conditions fixées aux articles R. 123-45 et R. 123-48 à R. 123-50 afin de vérifier si les règles de sécurité sont respectées. (...) ".
9. Aux termes de l'article R. 123-28 de ce code : " Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles, ainsi que dans tous les cas où il n'y est pas pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives à la sécurité dans les établissements recevant du public. / Ce droit n'est exercé à l'égard des établissements d'une seule commune ou à l'égard d'un seul établissement qu'après qu'une mise en demeure adressée au maire est restée sans résultat. ".
10. Aux termes de l'article R. 123-48 du même code : " Ces établissements doivent faire l'objet, dans les conditions fixées au règlement de sécurité, de visites périodiques de contrôle et de visites inopinées effectuées par la commission de sécurité compétente. / Ces visites ont pour but notamment : / - de vérifier si les prescriptions du présent chapitre ou les arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou du maire pris en vue de son application sont observés et, notamment, si tous les appareils de secours contre l'incendie ainsi que les appareils d'éclairage de sécurité fonctionnent normalement ; / - de vérifier l'application des dispositions permettant l'évacuation des personnes en situation de handicap ; / - de s'assurer que les vérifications prévues à l'article R. 123-43 ont été effectuées ; / - de suggérer les améliorations ou modifications qu'il y a lieu d'apporter aux dispositions et à l'aménagement desdits établissements dans le cadre de la présente réglementation ; / - d'étudier dans chaque cas d'espèce les mesures d'adaptation qu'il y a lieu d'apporter éventuellement aux établissements existants. ".
En ce qui concerne les demandes de la société BCC :
11. Il résulte de l'instruction que la société BCC, invoquant les dispositions précitées des articles R. 123-14 et R. 123-48 du code de la construction et de l'habitation applicables à l'immeuble recevant du public de 5ème catégorie dont elle est propriétaire, a demandé au maire de Chantilly d'une part et au préfet de l'Oise d'autre part la saisine de la commission de sécurité compétente afin que celle-ci vérifie, par une visite, si les conditions dans lesquelles deux de ses locataires exploitaient chacun leur commerce respectaient les obligations de sécurité applicables dans l'immeuble, de sorte que, le cas échéant, ces autorités mettent en oeuvre leurs pouvoirs de police afin de faire cesser les manquements constatés.
12. A cette fin, elle a soumis à l'appréciation de ces autorités divers éléments relatifs, pour les uns, aux difficultés et problèmes rencontrés par les personnes à mobilité réduite pour accéder ou sortir de l'immeuble, pour les autres, à la non-conformité à la réglementation relative à la protection contre les incendies, d'une part, du dispositif d'évacuation des fumées liées au restaurant exploité par la société New Tokyo, d'autre part, du dispositif de ventilation mis en place pour le débit de boissons exploité par la société Indiana Pub.
En ce qui concerne l'accessibilité de l'immeuble aux personnes handicapées :
13. Si la société BCC expose que les sociétés New Tokyo et Indiana Pub ne respectent pas les prescriptions de l'article R. 111-19-1 du code de la construction et de l'habitation, ainsi qu'il résulte notamment de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 17 mai 2018 qui a enjoint à la société Indiana Pub de libérer de ses tables, chaises et paravents l'espace situé dans la galerie couverte devant les locaux loués, ni cet article R. 111-19-1 ni aucun autre texte invoqué par la société requérante n'imposait au maire ou au préfet de saisir la commission d'accessibilité en vue de constater la réalité d'encombrements ou d'obstacles, d'ailleurs ponctuels, compromettant des cheminements conçus et construits pour les personnes handicapées à mobilité réduite.
En ce qui concerne la protection contre les incendies :
14. S'agissant des non-conformités à la réglementation relative à la protection contre les incendies, la société BCC a versé au dossier deux rapports, en date du 29 septembre 2016 en ce qui concerne le conduit d'évacuation des fumées de la société New Tokyo et du 10 octobre 2016 en ce qui concerne le dispositif de ventilation mis en place par la société Indiana Pub, établis par la société " Bureau Véritas ", spécialisée dans l'étude de la conformité aux normes notamment dans la construction. Alors que d'autres pièces produites, notamment des rapports de vérifications périodiques opérées par la société Dekra, n'ont pas porté sur les points soulevés dans les rapports du Bureau Veritas, ces derniers, qui faisaient état de non-conformités à la réglementation, suffisaient à justifier la saisine de la commission de sécurité compétente, afin qu'elle procède à une visite de contrôle visant à vérifier le respect des règles de sécurité.
15. Dans ces conditions, le maire ne pouvait pas, sans commettre une erreur de droit au regard des articles R. 123-14 et R. 123-48 du code de la construction et de l'habitation, refuser de saisir la commission de sécurité compétente pour lui demander de procéder à une telle visite de contrôle. Dans le cadre du pouvoir de substitution que lui reconnaît l'article R. 123-28 du même code, le préfet ne pouvait pas davantage rester inactif et s'abstenir de mettre en demeure le maire de saisir ladite commission, avant, le cas échéant, de procéder lui-même à la saisine de cette instance.
16. Par voie de conséquence, les décisions du maire et du préfet, en tant qu'elles ont refusé de saisir la commission de sécurité compétente sur les manquements présumés à la réglementation sur la sécurité relative à la protection contre les incendies tenant aux installations des sociétés New Tokyo et Indiana Pub, doivent être annulées.
17. Il résulte de ce qui précède que la société BCC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des refus implicites du maire de Chantilly et du préfet de l'Oise de saisir la commission de sécurité compétente en vue d'une visite de contrôle des établissements exploités par les sociétés New Tokyo et Indiana Pub.
Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :
18. L'exécution du présent arrêt, qui annule le refus du maire de Chantilly de saisir la commission de sécurité compétente pour procéder à une visite de contrôle des établissements exploités par les sociétés New Tokyo et Indiana Pub, implique nécessairement qu'il soit enjoint audit maire de procéder à cette saisine, et ce dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
19. En revanche les conclusions de la société requérante à fin qu'il soit enjoint au préfet de procéder à cette même saisine ou de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que, comme il a été dit, le préfet n'agit en l'espèce qu'en cas d'abstention du maire.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
20. Sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la seule commune de Chantilly le versement d'une somme de 1 000 euros à verser à l'appelante.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions implicites attaquées du maire de Chantilly d'une part et du préfet de l'Oise d'autre part sont annulées en tant qu'elles ont refusé la saisine de la commission de sécurité compétente en vue d'une visite de contrôle des établissements exploités par les sociétés New Tokyo et Indiana Pub.
Article 2 : Le jugement du 16 juillet 2019 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er du présent dispositif.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Chantilly de procéder à la saisine de la commission de sécurité compétente en vue d'une visite de contrôle des établissements exploités par les sociétés New Tokyo et Indiana Pub dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Chantilly versera à la société BCC une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... A... pour la société BCC, à la commune de Chantilly et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.
N°19DA02209 2