Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par requêtes distinctes, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 3 novembre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prolongé son congé de longue durée pour une période de six mois à compter du 5 août 2015 et, d'autre part, l'arrêté du 3 mai 2016 du même préfet prolongeant son congé de longue durée pour une nouvelle période de six mois à compter du 5 février 2016 et d'enjoindre audit préfet de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement conjoint n° 1600846, 1604999 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2019, la ministre des solidarités et de la santé demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., praticien hospitalier en pneumologie exerçant ses fonctions depuis janvier 2012 au centre hospitalier de Boulogne-sur-Mer, a été placée d'office en congé de longue durée pour une durée de six mois, par un arrêté du 5 février 2015 du préfet du Pas-de-Calais, modifié par un arrêté du 26 février 2015. Ce congé a été prolongé à deux reprises par périodes de six mois à compter du 5 août 2015, par deux arrêtés du même préfet du 3 novembre 2015 et du 3 mai 2016. La ministre des solidarités et de la santé relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé ces deux derniers arrêtés.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des premiers alinéas des articles R. 6152-36 et R. 6152-39 du code de la santé publique : " un comité médical, placé auprès de chaque préfet, est chargé de donner un avis sur l'aptitude physique et mentale des praticiens [hospitaliers à temps plein] à exercer leurs fonctions (...) " et " un praticien reconnu atteint de tuberculose, de maladie mentale, d'affection cancéreuse, de poliomyélite ou de déficit immunitaire grave et acquis par le comité médical et empêché d'exercer ses fonctions est de droit mis en congé de longue durée par décision du préfet du département ".
3. Il ressort des rapports médicaux des 22 septembre 2015 et 14 mars 2016 rédigés par le comité médical qu'après un entretien avec Mme A..., ce comité, réuni pour vérifier l'aptitude physique et mentale de l'intéressée à exercer ses fonctions, a relevé principalement " un certain déni des problèmes, une non-remise en question du sujet " et " une répétition des mêmes problèmes relationnels ". Ce comité a déclaré au sujet de Mme A... " parler de personnalité pathologique " " vu les comportements inadaptés, répétitifs et impossible à remettre en question " et recommandé à l'intéressée de poursuivre son suivi psychiatrique " dans l'optique d'essayer d'assouplir ses points de vue concernant la vie en société et les relations interpersonnelles ". Après avoir abordé l'hypothèse d'un changement de type d'activité professionnelle, plus en consultation, puis la question de la reprise d'une activité, hors du service de pneumologie de Boulogne-sur-Mer, à mi-temps thérapeutique, il a conclu à l'inaptitude médicale du docteur A... à exercer ses fonctions de praticien hospitalier à temps plein et préconisé la prolongation du congé longue durée pour deux périodes de six mois dans la perspective d'une reprise d'activité en mi-temps thérapeutique.
4. D'une part, alors qu'il ressort de ces rapports médicaux que les entretiens avec Mme A... ont duré au moins une heure, la circonstance que le comité médical a pu reprendre des faits mentionnés dans un rapport de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais en date du 26 novembre 2014, rédigé de manière contradictoire et en tenant compte de l'ensemble des services où l'intéressée a été fonction, dans le cadre d'une mission d'inspection sur la manière de servir de Mme A... diligentée par le directeur du centre national de gestion au mois de décembre 2013, ne permet pas d'établir que le comité se serait fondé exclusivement sur ce rapport pour diagnostiquer le trouble de la personnalité affectant Mme A.... Par ailleurs, il ne ressort pas des rapports médicaux précités que les médecins composant le comité auraient posé à l'intéressée des questions sur sa vie privée mais se sont attachés à examiner l'ensemble de sa personnalité.
5. D'autre part, il ressort de ce qui a été dit au point 3 que le comité médical a relevé l'existence d'un trouble suffisamment prononcé au regard des nécessités d'un travail serein au sein du service public hospitalier, évoquant notamment une " personnalité pathologique vu les comportements inadaptés, répétitifs et impossible à remettre en question " et la nécessité de poursuivre le suivi psychiatrique, pour que ce trouble soit regardé comme constitutif d'une " maladie mentale " au sens des dispositions précitées. Or, Mme A... ne verse au dossier aucun élément médical susceptible d'établir une erreur dans le diagnostic porté par le comité sur son aptitude mentale à la date des arrêtés contestés. Il suit de là qu'en prolongeant le placement de Mme A... en congé de longue durée à compter du 5 août 2015, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait une inexacte appréciation de l'état de santé de l'intéressée. La ministre des solidarités et de la santé est, par conséquent, fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, les arrêtés des 3 novembre 2015 et 3 mai 2016.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A..., tant en première instance qu'en appel.
Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :
7. En premier lieu, il ressort des arrêtés préfectoraux des 3 novembre 2015 et 3 mai 2016 en litige que les membres du comité médical chargé d'examiner Mme A... ont été régulièrement désignés parmi les membres du personnel enseignant et hospitalier titulaires et les praticiens hospitaliers, comme l'exige le dernier alinéa de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique aux termes duquel " le comité comprend trois membres désignés, lors de l'examen de chaque dossier, par arrêté du préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé, parmi des membres du personnel enseignant et hospitalier titulaires et les praticiens hospitaliers régis par la présente section. " Le moyen tiré de la composition irrégulière du comité médical, dont l'attitude partiale n'est établie par aucune pièce du dossier, doit donc être écarté.
8. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration, avant la convocation qui est adressée au praticien hospitalier de se présenter devant le comité médical désigné en vertu de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique, de l'informer de la procédure dont il est l'objet ou de lui permettre de prendre connaissance de son dossier administratif. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'avis émis par ce comité médical aurait dû être précédé d'un rapport du médecin du travail ou d'un médecin agréé spécialiste doit être écarté.
9. Enfin, si des éléments du rapport définitif établi par l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais sur la manière de servir de Mme A..., rapport dont elle a eu connaissance par une lettre du 11 décembre 2014 avec la totalité des pièces analysées dans le cadre de cette procédure, ont pu être à l'origine de la décision préfectorale de désigner le comité médical prévu à l'article R. 6152-36 du code de la santé publique, cette circonstance est sans incidence sur la légalité des décisions en litige, compte tenu, d'une part, de l'indépendance de ces deux procédures, et d'autre part, du fait, déjà relevé au point 3 du présent arrêt, que le comité médical, pour émettre son avis, ne s'est pas fondé exclusivement sur ce rapport mais, également et à titre principal, sur les entretiens qu'il a menés avec l'intéressée et ainsi sur ses propres constatations médicales. Par suite, les moyens tirés du détournement de procédure, du détournement de pouvoir et de ce que les arrêtés en litige constituent une sanction disciplinaire déguisée doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la solidarité et de la santé est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés des 3 novembre 2015 et 3 mai 2016 du préfet du Pas-de-Calais prolongeant le congé de longue durée de Mme A.... En conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille ainsi que celles présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600846, 1604999 du tribunal administratif de Lille du 31 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des solidarités et de la santé et à Mme B... A....
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
N°19DA02486 2