Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter du jugement à intervenir, sous la même astreinte.
Par un jugement n° 1901434 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 novembre 2019 et le 9 janvier 2021, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SELARL Eden Avocats sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, subsidiairement, à lui-même sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant péruvien, né le 18 novembre 1980, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français en 2013. Il a été admis à séjourner en France sous couvert d'un titre de séjour qui lui a été délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et dont il a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 17 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... D... relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté attaqué que ceux-ci, qui ne se limitent pas à reprendre des formules préétablies, énoncent de manière détaillée les considérations de fait tenant à la situation personnelle de M. A... D..., sur lesquelles la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé. Par suite, et alors que l'autorité préfectorale n'était pas tenue d'exposer les considérations qui la conduisaient à estimer, conformément à l'avis émis le 10 décembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'intéressé pouvait bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement approprié à son état de santé, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, en fait, de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'avis émis le 10 décembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont la copie a été versée au dossier, est revêtu de la signature de chacun des trois médecins ayant délibéré et ne peut être regardé, à défaut de tout élément probant sur ce point, comme comportant des signatures électroniques. Cet avis vise, notamment, les dispositions des articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016, posant le principe d'une délibération collégiale, et porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant : (...) ", laquelle fait foi du caractère collégial de la délibération, jusqu'à preuve du contraire, dès lors que cet avis est régulièrement signé. En outre, alors qu'il résulte des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 que l'avis est émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue d'une délibération pouvant prendre la forme soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, la circonstance que les signatures figurant sur un avis émis à l'issue d'une telle délibération y auraient été apposées par numérisation ne suffit pas, en tout état de cause, à remettre en cause la mention relative au caractère collégial de cet avis. Par suite, M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
4. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de la Seine-Maritime, avant de se prononcer sur la demande de M. A... D... tendant au renouvellement de son titre de séjour, n'aurait pas procédé à l'examen complet de la situation personnelle de l'intéressé, au vu de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance. En particulier, la circonstance que l'arrêté préfectoral, en date du 23 octobre 2015, portant refus de délivrance d'un premier titre de séjour à l'intéressé ait été annulé, n'est pas de nature à établir, par elle-même, un défaut d'examen de la situation de M. A... D..., alors, au contraire, que la préfète de la Seine-Maritime, pour se prononcer sur la demande de l'intéressé tendant au renouvellement de son titre de séjour, s'est fondée notamment sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration portant sur l'état de santé de l'intéressé en 2018.
5. En quatrième lieu, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit à l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque l'étranger lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire.
6. Pour refuser de renouveler la carte de séjour temporaire qu'elle avait délivrée à M. A... D..., la préfète de la Seine Maritime s'est fondée sur l'avis, émis le 10 décembre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il résulte que si, l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester la pertinence de cet avis, le requérant fait valoir que les soins qu'il reçoit à la date de l'arrêté contesté, qui consistent en la prise du médicament antirétroviral commercialisé sous l'appellation stribild ne pourraient être poursuivis au Pérou, où ce médicament n'est pas disponible, qu'une trithérapie sous forme d'autres prescriptions incluant l'administration de darunavir potentialisé par ritonavir ne pourrait y être substituée, compte tenu de ses antécédents médicaux qui présentent des risques cardiovasculaires majorés, et que le sevrage brutal de stribild compromet l'efficacité de la reprise ultérieure de traitements par trithérapie. Au soutien de ses affirmations, il indique que le stribild comporte dans ses principes actifs l'elvitégravir, qui est un inhibiteur de l'intégrase du VIH dont l'effet est potentialisé par le cobicistat, tandis que le darunavir, potentialisé par ritonavir, est un inhibiteur de protéase de ce virus, et que plusieurs autorités sanitaires, dont la Haute autorité de santé, ainsi que la littérature médicale, préconisent les traitements par inhibiteurs d'intégrase, ce qui est le cas du stribild, plutôt que par inhibiteur de protéase, compte tenu de leur moindre toxicité. Il ajoute que la prescription d'atripla, traitement disponible au Pérou que le préfet mentionne dans ses écritures, est déconseillée en cas de charge virale élevée ainsi, d'une manière générale, que l'alternance de traitements reposant sur des médicaments de classe thérapeutique différentes compte tenu des effets secondaires encourus. Il produit en outre, en cause d'appel, un certificat établi le 12 septembre 2019 par le praticien hospitalier qui le suit au centre hospitalier de Rouen, précisant que deux des principes actifs du stribild, à savoir le tenofovir et l'emtricibatine, sont disponibles au Pérou mais que le darunavir potentialisé par ritonavir n'appartient pas à la même classe thérapeutique que le troisième principe actif du stribild, l'elvitégravir, dont l'effet est potentialisé par le cobicistat, qui, de surcroît, est lui-même d'une moindre toxicité que le ritonavir. Le praticien indique également, dans le même certificat, que le changement de classe thérapeutique induirait un risque cardiovasculaire majoré, un sur risque de dyslipédémie et d'ostéoporose, sans, toutefois, ni réfuter l'efficacité d'une telle substitution, y compris après une interruption temporaire du traitement par stribild, ni se prononcer sur la gravité des risques auquel cette substitution exposerait le patient et sur la probabilité de leur réalisation. Dans ces conditions, les éléments médicaux que fait valoir M. A... D... ne suffisent pas à établir que le traitement médical dont il pourrait bénéficier au Pérou serait sensiblement moins efficace que celui qu'il reçoit à la date de l'arrêté attaqué, qu'il l'exposerait à un risque significatif de subir des effets secondaires ou indésirables gravement préjudiciables ou encore qu'il serait d'une observance extrêmement difficile, de sorte qu'il ne pourrait être regardé comme approprié à son état de santé. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance par la préfète de la Seine Maritime des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En cinquième lieu, si M. A... D..., qui est célibataire et sans enfant, déclare être entré en France, irrégulièrement, au début de l'année 2013, il ne justifie pas de l'antériorité de son séjour avant la présentation de sa première demande de titre de séjour en juin 2014. Il ne se prévaut d'aucune attache familiale en France et n'y justifie pas d'attaches privées d'une particulière intensité. Il ne justifie pas davantage, ainsi qu'il a été dit au point précédent, de l'impossibilité de recevoir, dans son pays d'origine, un traitement médical de long cours approprié à sa situation. Dans ces conditions, la décision contestée portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Par suite, la décision de refus de titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 2, suffisamment motivée, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à M. A... D... de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, qui n'est pas établie.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés, respectivement, aux points 3 à 7 du présent arrêt, doivent être écartés les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fait obligation à M. A... D... de quitter le territoire français, serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière faute de délibération collégiale du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, n'aurait pas été précédé d'un examen complet et sérieux de la situation personnelle du requérant, méconnaîtrait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, enfin, serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci mentionnent la nationalité de M. A... D... et précisent, en se fondant sur l'ensemble des éléments portés à la connaissance de l'autorité préfectorale, que l'intéressé n'établit pas qu'il serait exposé à des peines ou à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi rédigés, ces motifs comportent l'énoncé suffisant des motifs de droit et des considérations de fait sur lesquels la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée pour déterminer le pays à destination duquel le requérant pourra être reconduit d'office. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. A... D... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, qui n'est pas établie.
13. En troisième lieu, M. A... D..., par les documents d'ordre général relatifs aux discriminations et menaces sur leur intégrité physique auxquelles les personnes transgenres ou atteintes du VIH sont confrontées au Pérou, n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient personnellement menacées en cas d'éloignement dans son pays d'origine ou qu'il serait exposé au risque d'y subir des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
14. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant notamment le Pérou, pays dont l'intéressé est ressortissant et où, ainsi qu'il a été dit au point 6, il n'est pas établi qu'il ne pourrait y bénéficier des soins appropriés à son état de santé, comme pays de renvoi.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées au titre des frais non compris dans les dépens, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°19DA02468