Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 25 février 2019, 8 mai 2019 et 12 juin 2020, l'association de défense de l'environnement de Ferrières-Royaucourt-Welles-Pérennes, représentée par Me C... E..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la décision du préfet de l'Oise du 12 mars 2019, remplaçant une décision implicite née le 22 décembre 2018, qui a refusé de fixer par arrêté le montant des garanties financières à constituer par la société d'exploitation du parc éolien du Champ Feuillant ;
2°) de fixer ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Oise de fixer par arrêté, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le montant des garanties financières nécessaires au démantèlement total des installations, à la remise en état complète du site et à la gestion des déchets générés ;
3°) de suspendre ou, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Oise de suspendre, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, l'exploitation du parc éolien de Champs Feuillant jusqu'à la constitution des garanties financières nécessaires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2011-984 du 23 août 2011 ;
- l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative, notamment le 20° de son article R. 311-5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Busidan, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me C... E..., représentant l'association de défense de l'environnement de Ferrières-Royaucourt-Welles-Pérennes, et de Me C... D..., représentant les sociétés Soc Exploitation Parc Eolien Sachin, Enercon Ferme Eolienne Nord et Ferme Eolienne Est.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Par un arrêté du 29 mars 2011, le préfet de l'Oise a délivré à la société Enercon le permis de construire quatorze éoliennes sur le site du Champ Feuillant. A cette date, ce parc éolien n'était pas subordonné à une autorisation d'exploitation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.
2. Après son classement en vertu du décret du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, le parc s'est vu reconnaître, par une décision du préfet du 17 septembre 2012, le bénéfice du droit d'antériorité prévu par l'article L. 553-1 du code de l'environnement, permettant la mise en service et l'exploitation des éoliennes dans le respect des prescriptions applicables antérieurement à la date de leur classement au titre de l'article L. 511-2 du même code.
3. Par quatorze arrêtés du 25 septembre 2013, le permis de construire du 29 mars 2011 a été transféré pour cinq éoliennes à la société Soc Exploitation Parc Eolien Sachin, pour cinq éoliennes à la société Enercon Ferme Eolienne Nord et pour quatre éoliennes à la société Ferme Eolienne Est.
4. Par courrier parvenu en préfecture le 22 octobre 2018, l'association de défense de l'environnement de Ferrières-Royaucourt-Welles-Pérennes (Ferowel) a demandé au préfet de lui communiquer la justification des garanties financières constituées par les sociétés exploitantes en vue du démantèlement des éoliennes, de fixer par arrêté complémentaire l'exigence de constituer des garanties financières permettant le démantèlement total des éoliennes et de suspendre la mise en service du parc tant que de telles garanties n'auraient pas été constituées.
5. La décision implicite de rejet de ces demandes, née le 22 décembre 2018 du silence de l'administration, a été remplacée par une décision explicite datée du 12 mars 2019 par laquelle le préfet de l'Oise, d'une part, a transmis à l'association une copie des garanties financières constituées par chacune des trois sociétés par actes de cautionnement solidaire datés du 27 décembre 2018 et prenant effet du 17 décembre 2018 au 16 décembre 2023, d'autre part, a rejeté les autres demandes.
6. Dans le dernier état de ses écritures, l'association de défense de l'environnement de Ferrières-Royaucourt-Welles-Pérennes demande à la cour, en premier lieu, d'annuler la décision du 12 mars 2019 en tant que le préfet a refusé de fixer par arrêté le montant des garanties financières à constituer par les sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant, en deuxième lieu, de fixer, ou subsidiairement d'enjoindre au préfet de fixer, le montant des garanties financières au niveau nécessaire au démantèlement total des exploitations, à la remise en état complète du site et à la gestion des déchets générés, enfin de suspendre, ou subsidiairement d'enjoindre au préfet de suspendre, l'exploitation de ce parc jusqu'à la constitution de ces garanties.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les trois sociétés exploitant le parc éolien :
7. Aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association de défense de l'environnement de Ferrières-Royaucourt-Welles-Pérennes s'est notamment fixée pour but de " protéger l'environnement de Ferrières, Royaucourt, Welles-Pérennes et des communes environnantes ", de " préserver les espaces naturels et les paysages du Plateau Picard " et de " lutter contre les atteintes qui pourraient être portées à cet environnement et notamment chaque fois qu'elles toucheront aux espaces naturels et aux paysages, aux équilibres biologiques auxquels participent les espèces ".
8. D'une part, il est constant que les éoliennes en litige se trouvent sur le territoire des communes dont l'association requérante veut protéger l'environnement.
9. D'autre part, l'obligation de constituer des garanties financières vise à prévenir, durant la totalité de temps d'exploitation des éoliennes et non pas seulement pendant la partie de ce temps couverte par les garanties financières actuellement constituées par les sociétés exploitant le parc du Champ Feuillant, les atteintes à l'environnement susceptibles d'être occasionnées au terme de cette exploitation. Or ces atteintes sont, en vertu de son objet statutaire, au nombre de celles contre lesquelles l'association veut lutter.
10. Dans ces conditions, l'association requérante justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du refus du préfet de fixer par arrêté les garanties financières à constituer par les sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant et, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de l'association requérante doit être écartée.
Sur la légalité de la décision attaquée :
11. En premier lieu, l'article R. 515-101 du code de l'environnement applicable depuis le 1er mars 2017 dispose : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. (...) ".
12. Les opérations prévues à l'article R. 515-106 du code de l'environnement concernent les opérations de démantèlement et de remise en état d'un site dont l'article L. 515-46 du même code rend responsable l'exploitant, ou à défaut sa société mère, dès qu'il est mis fin à l'exploitation, et en vue desquelles ce même article oblige l'exploitant ou la société propriétaire à constituer les garanties financières nécessaires dès le début de la production, puis au titre des exercices comptables suivants.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 515-103 du même code applicable depuis le 1er mars 2017 : " Les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent existantes à la date d'entrée en vigueur du décret n° 2011-984 du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, pour y introduire les installations mentionnées à l'article L. 515-44, sont mises en conformité avec les obligations de garanties financières prévues à l'article L. 515-46, dans un délai de quatre ans à compter de la date de publication dudit décret ", laquelle est intervenue le 25 août 2011.
14. En troisième lieu, il résulte du troisième alinéa de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement que constituent des installations existantes, auxquelles cet arrêté s'applique, les installations classées au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées qui ont obtenu un permis de construire avant le 13 juillet 2011.
15. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que le parc éolien du Champ Feuillant, autorisé par le permis de construire du 29 mars 2011, constitue une installation existante classée au titre de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées, d'autre part, que cette installation existante devait être mise en conformité avec les obligations de garanties financières prévues aux articles L. 515-46 et R. 515-106 du code de l'environnement, enfin, que le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant devaient être fixés par un arrêté, complémentaire aux permis de construire délivrés et transférés, prescrivant les montants des garanties financières exigées de chacune des sociétés exploitantes et leurs modalités d'actualisation.
16. Or il est constant que ni le permis de construire qui a initialement autorisé l'ensemble du parc éolien, ni les arrêtés ayant transféré ce permis aux trois sociétés d'exploitation, ni aucune autre décision préfectorale n'ont comporté de prescriptions relatives aux garanties financières à constituer.
17. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin ni de se prononcer sur la recevabilité de moyens ni d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'Oise de son pouvoir de police, l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision du 12 mars 2019, l'autorité préfectorale a refusé de fixer par arrêté les montants des garanties financières à constituer par chacune des sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant et les modalités d'actualisation de ces montants.
Sur les conclusions tendant à la fixation du montant des garanties financières à constituer par chacune de sociétés ou subsidiairement à ce qu'il soit enjoint au préfet de les fixer :
18. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".
19. Le présent arrêt, qui annule le refus du préfet de l'Oise de fixer par arrêté les montants des garanties financières à constituer par chacune des sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant implique nécessairement qu'un tel arrêté soit pris, sans que l'association soit fondée, à ce stade, à critiquer les textes sur lesquels cette décision sera fondée.
20. Il y a donc seulement lieu d'enjoindre au préfet de l'Oise de prendre cet arrêté, dans un délai qu'il convient dans les circonstances de l'espèce de fixer à quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à ce que l'exploitation du parc éolien soit suspendue, ou subsidiairement à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder à cette suspension :
21. Il n'y a lieu ni de suspendre l'exploitation du parc éolien du Champ Feuillant, ni d'enjoindre au préfet de l'Oise de procéder à cette suspension, dès lors que des garanties, courant jusqu'au 16 décembre 2023, sont d'ores et déjà constituées et qu'à supposer même que les montants de ces garanties soient d'un niveau insuffisant, il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés exploitantes ne seraient pas en mesure de se conformer à l'arrêté à venir, dans le délai qui leur sera indiqué par le préfet.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
22. D'une part, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant, parties perdantes pour l'essentiel, doivent être rejetées.
23. D'autre part, sur le fondement du même article et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande l'association requérante.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 12 mars 2019 par laquelle le préfet de l'Oise a refusé de fixer par arrêté les montants des garanties financières à constituer par les sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant et les modalités d'actualisation de ces montants est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Oise, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, de prendre un arrêté fixant les montants des garanties financières à constituer par chacune des sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant et les modalités d'actualisation de ces montants.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'association de défense de l'environnement de Ferrières-Royaucourt-Welles-Pérennes et les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 code de justice administrative par les sociétés exploitant le parc éolien du Champ Feuillant sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me C... E... pour l'association de défense de l'environnement de Ferrières-Royaucourt-Welles-Pérennes, à Me A... B... pour la société Soc Exploitation Parc Eolien Sachin, la société Enercon Ferme Eolienne Nord, la société Ferme Eolienne Est, à la ministre de la transition écologique et au préfet de l'Oise.
N°19DA00701 2