Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Technifrance a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge en droits et pénalités, à hauteur d'un montant total de 104 923 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2009 à 2012 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été soumise au titre de la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1602917 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 décembre 2018 et le 21 mai 2019, la SA Technifrance, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, mises en recouvrement le 30 octobre 2015, à hauteur de la somme totale de 104 923 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société Technifrance.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) Technifrance, qui réalise des études d'ingénierie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle l'administration a mis en recouvrement le 31 octobre 2015 des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2009 à 2012 procédant de la remise en cause d'un déficit reporté depuis l'année 2006 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, pour un montant total de 104 923 euros en droits et pénalités. Par un jugement du 25 octobre 2018, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition.
Sur la régularité du jugement :
2. La société Technifrance soutient que les premiers juges, en se fondant, au point 7 du jugement attaqué, sur ce que la compensation entre des créances réciproques " constitue une modalité de l'encaissement de ces dernières, sans influence sur la dette de taxe sur la valeur ajoutée ", ont soulevé d'office, sans en informer les parties, " un moyen de défense " pour rejeter ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée insuffisamment collectée. Toutefois, en procédant de la sorte, le tribunal, exerçant l'office qui incombe au juge de l'impôt, s'est seulement prononcé sur le bien-fondé du moyen tiré par la société Technifrance de ce qu'une fraction des sommes qu'elle avait reçues en 2012 en exécution de l'accord transactionnel conclu avec la société Segula ne se rattachait pas à des opérations taxables, en raison de la compensation réputée intervenue en 2005 entre ses créances et ses dettes envers la société Segula. Au demeurant, il résulte des écritures des parties versées au débat contradictoire en première instance, que l'administration déniait tout effet à la compensation invoquée par la société Technifrance sur l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des sommes en cause. Par suite, la société Technifrance, qui n'établit pas avoir été privée des garanties attachées au caractère contradictoire de la procédure devant le tribunal, n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité à ce titre.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant la taxe sur la valeur ajoutée déduite en 2011 :
3. La société Technifrance fait valoir que la somme de 20 646 euros qu'elle a déclarée en taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre du mois de mars 2011, et dont l'administration a refusé la déduction, trouve son origine dans un trop versé au Trésor de taxe sur la valeur ajoutée à l'occasion de la procédure de redressement judiciaire dont elle faisait l'objet en 2005. A supposer que l'appelante entende, par son argumentaire, demander en vertu de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales la compensation de cette surimposition alléguée avec le rappel de taxe ajoutée mis à en recouvrement le 31 octobre 2015 au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, seul en litige dès lors que le rappel de taxe déductible au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 procède d'un avis de mise en recouvrement émis le 15 décembre 2014 qui n'est pas contesté dans la présente instance, il lui appartient, en tout état de cause, d'établir la réalité de la surimposition dont elle se prévaut à l'appui d'une telle demande. Or, la société Technifrance n'apporte aucun élément probant au soutien de ses assertions selon lesquelles la somme de 20 646 euros dont elle demande la compensation correspondrait à la fraction d'une créance de taxe sur la valeur ajoutée déclarée par le Trésor qui aurait été surévaluée à hauteur de la somme de 73 736 euros, alors qu'il résulte de la proposition de rectification du 13 avril 2006, produite par le ministre en cause d'appel, que la société était alors redevable d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de plus de 260 000 euros. Il s'ensuit que, à la supposer recevable, la demande de compensation présentée par l'appelante ne peut qu'être rejetée.
S'agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée insuffisamment collectée :
4. Il résulte de l'instruction que la société Technifrance a recherché en 2005 devant le tribunal de commerce de Dunkerque, à hauteur d'un montant total de 4 691 451 euros, la responsabilité de la société Segula, à raison de manquements reprochés à cette dernière dans l'exécution du contrat conclu en 2003 par lequel cette société avait sous-traité à l'appelante la réalisation de prestations de service commandées par la Marine nationale. Aux termes d'un accord transactionnel conclu le 26 avril 2012 qui a mis fin à ce différend, la société Technifrance a perçu la somme de 664 539,94 euros en contrepartie de l'abandon de ses prétentions à l'encontre de la société Segula. L'administration a estimé que cette somme était passible de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de la fraction représentative de prestations de service, taxables par leur nature, qu'elle a déterminée au prorata de la demande que la société Technifrance avait présentée devant le tribunal de commerce, en excluant une fraction représentative de dommages-intérêts. La société appelante soutient, pour sa part, que ce prorata doit être déterminé, conformément aux déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déposées, à partir du montant des factures non réglées qu'elle a émises, le surplus étant représentatif soit de prestations compensées avec les propres créances d'origine contractuelle détenues par la société Segula, et ne pouvant ainsi être rattachées qu'aux périodes correspondant à sa saisine du tribunal de commerce en 2005, soit de dommages-intérêts, non passibles de taxe sur la valeur ajoutée.
5. D'une part, le I de l'article 256 du code général des impôts dispose que : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Le a) du 1 de l'article 269 de ce code prévoit que le fait générateur de la taxe se produit au moment où la prestation de services est effectuée et le c) du 2 du même article que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations de services est exigible lors de l'encaissement.
6. D'autre part, s'il résulte des dispositions des articles 1289 à 1299 du code civil, alors en vigueur, dans une jurisprudence établie de la Cour de cassation, que la compensation s'opère de plein droit dès lors qu'elle est invoquée par une personne créancière de son débiteur, lorsque les dettes réciproques sont certaines, liquides et exigibles, l'extinction réciproque des dettes entre les débiteurs résultant de cette compensation est, par elle-même, sans incidence sur le caractère taxable des opérations réalisées par des assujettis dès lors que ces opérations entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 256 du code général des impôts citées au point précédent.
7. Aussi, et alors que l'accord conclu par la société Technifrance le 26 avril 2012 avec la société Segula ne comportait aucune décomposition de la somme qui lui a été versée à titre transactionnel, entre les différents chefs de sa demande devant la juridiction judiciaire, il résulte des deux points qui précèdent que l'administration était fondée à regarder cette somme comme représentative du prix de prestations taxables, à l'exclusion d'une fraction allouée à titre de dommages-intérêts, qu'elle a pu déterminer au prorata de la demande initialement présentée par la société Technifrance devant le tribunal de commerce et, par conséquent, à rehausser la taxe sur la valeur ajoutée exigible dès l'encaissement de cette somme, dont il n'est pas contesté qu'il est intervenu au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012.
En ce qui concerne le supplément d'impôt sur les sociétés résultant du report déficitaire de l'exercice clos en 2006 :
8. La société Technifrance soutient que le déficit d'un montant de 183 775 euros constaté à l'issue de l'exercice clos en 2006, qu'elle a reporté et imputé sur les exercices redressés, trouve son origine dans l'apurement par ses soins du passif de ses filiales Technifrance Atlantique et Technifrance Hainaut, auxquelles la procédure de redressement judiciaire dont elle faisait l'objet a été étendue par jugement du 5 avril 2005 du tribunal de commerce de Dunkerque, sur le fondement de l'article L. 621-2 du code de commerce, en raison de la confusion de patrimoine de ces trois sociétés. Elle ajoute qu'elle justifiait d'un intérêt commercial propre pour procéder à cet apurement, qui lui a permis de conserver l'essentiel de la clientèle de ses filiales, après qu'elle les a absorbées l'année suivante.
9. Si lorsque deux entreprises sont déclarées en état de redressement judiciaire commun, le créancier de l'une peut obtenir de l'autre le règlement de ce qui lui est dû, il n'en résulte pas que la dette de la première devienne un élément du passif de la seconde. L'entreprise qui doit ainsi payer la dette de l'autre entreprise acquiert sur cette dernière une créance d'égal montant, de sorte que le règlement effectué reste, en principe, sans effet sur le montant de son actif net à la clôture de l'exercice. La somme payée ne pourrait être regardée comme une charge déductible des résultats de l'intéressée, au titre dudit exercice, que dans le cas où il apparaîtrait, soit qu'en raison de relations commerciales entre les deux entreprises, elle avait de toute manière et indépendamment du redressement judiciaire, un intérêt propre à prendre cette somme en charge, soit, à défaut d'un tel intérêt, qu'eu égard au caractère irrecouvrable ou difficilement recouvrable de la créance acquise en contrepartie du règlement effectué, elle était en droit, à la clôture de l'exercice, d'en constater la perte ou de la provisionner.
10. Or, la société Technifrance, à qui il appartient de justifier tant du montant des charges qu'elle entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, n'a pas apporté devant l'administration, et ne le fait pas davantage devant le juge de l'impôt, d'élément probant de nature à établir que le déficit en cause provient, comme elle l'allègue, de l'apurement du passif de ses filiales qu'elle aurait effectué avant leur absorption et, à supposer même que tel soit le cas, sans recevoir de ces filiales une contrepartie d'un même montant. Aussi, dès lors qu'il est constant, ainsi que les premiers juges l'ont relevé à juste titre, que la société Technifrance n'a pas sollicité l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts permettant le transfert des déficits antérieurs non encore déduits par ses filiales absorbées, c'est à bon droit que l'administration a refusé l'imputation de ce déficit et a, en conséquence, rehaussé le bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012.
11. Enfin, la société Technifrance n'est pas fondée à se prévaloir des éléments énoncés au paragraphe 30 de l'instruction du BOI-REC-EVTS-10-20-10-10 selon lesquels : " A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou du caractère fictif de la personne morale. A cette fin, le tribunal ayant ouvert la procédure initiale reste compétent ", dès lors que ces énonciations ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les autres chefs de redressement :
12. Ainsi qu'il a été dit, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ont été mis à bon droit à la charge de la société Technifrance. Dès lors, cette société n'est pas fondée à demander à être déchargée des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des taxes additionnelles et d'impôt sur les sociétés au titre du " profit sur le Trésor " qui procéderaient de ces rectifications.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics, que la société Technifrance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'imposition mis en recouvrement le 30 octobre 2015. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Technifrance est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Technifrance et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA02553