Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser une somme de 80 000 euros en indemnisation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de son exposition au tabagisme passif pendant sa période de détention au centre pénitentiaire de Lille-Annœullin.
Par un jugement n° 1806815 du 15 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mars 2020, M. B..., représenté par Me Quentin Lebas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2018, en indemnisation du préjudice moral résultant de son exposition au tabagisme passif pendant sa période de détention au centre pénitentiaire de Lille-Annœullin ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Julien Sorin, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., détenu au centre pénitentiaire de Lille-Annœullin du 13 octobre 2016 au 19 décembre 2017, interjette appel du jugement du 15 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral subi du fait de son exposition au tabagisme passif pendant son incarcération dans cet établissement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis (...) à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " Aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue. " Aux termes de l'article R. 349 du code de procédure pénale : " L'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments, le fonctionnement des services économiques et l'organisation du travail, que l'application des règles de propreté individuelle et la pratique des exercices physiques. " Aux termes de l'article R. 350 du même code : " Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération. " Aux termes de l'article D. 351 de ce code : " Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. / Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. Elles doivent être réparties d'une façon convenable et leur nombre proportionné à l'effectif des détenus. "
3. Tout prisonnier a le droit d'être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d'exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. En raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l'intérêt des victimes. Seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, notamment des articles D. 349 à D. 351 révèlent l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Une telle atteinte, si elle est caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un préjudice moral pour la personne qui en est la victime.
4. En l'espèce, M. B... fait valoir que, malgré ses multiples demandes auprès de l'administration pénitentiaire, il a été contraint de partager les cellules avec des codétenus fumeurs durant sa période d'incarcération au sein du centre pénitentiaire de Lille-Annœullin. Il résulte cependant de l'instruction, et notamment de la fiche détaillée établie le 7 juin 2018 produite en première instance par le ministre de la justice, que l'administration a fait bénéficier l'intéressé d'un encellulement individuel chaque fois que cela était possible, et s'est efforcée d'éviter qu'il soit exposé au tabagisme passif, alors-même que le centre pénitentiaire était confronté à une surpopulation carcérale. En outre, malgré les demandes réitérées de la direction de l'établissement de proposer le nom de codétenus avec lesquels il accepterait de partager sa cellule, M. B... s'est borné, dans un courrier en date du 21 février 2017, à mentionner le nom d'un seul codétenu, lui-même fumeur et il n'a pas non plus sollicité son transfert dans le centre pénitentiaire le plus proche permettant un placement en cellule individuelle, comme le lui permettaient les dispositions de l'article 100 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Enfin, s'il est constant que les cellules ne comportaient pas de système de ventilation mécanique, ce qui n'est au demeurant exigé par aucune disposition législative ou réglementaire, le requérant, qui n'expose pas les caractéristiques des fenêtres se trouvant dans les cellules, n'établit pas que celles-ci ne permettaient pas d'assurer un renouvellement satisfaisant de l'air ambiant. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été soumis à des conditions de détention attentatoires à sa dignité et à son droit à la santé.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
N°20DA00511 2