Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B..., alias D... C..., a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2019 en tant que, par cet arrêté, le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1909577 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille, après avoir admis à titre provisoire M. B... à l'aide juridictionnelle, a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Bangladesh comme pays de renvoi, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au conseil de M. B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n°20DA00001 le 2 janvier 2020, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant le Bangladesh comme pays de renvoi de M. B... et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
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II. Par une requête, enregistrée sous le n°20DA00556 le 26 mars 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal n'a pas entièrement fait droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2019 du préfet du Pas-de-Calais ;
2°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mette à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- et les observations de M. E..., représentant le préfet du Pas-de-Calais.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 novembre 2019, à l'occasion d'un contrôle à la frontière, les autorités britanniques ont refusé d'autoriser M. A... B..., né le 12 décembre 1983 au Bangladesh, à entrer sur leur territoire en provenance de la France, au motif qu'il avait été déchu de la nationalité britannique depuis le 3 novembre 2017, et l'ont alors remis aux autorités françaises. Par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a fait obligation à M. A... B..., alias D... C..., de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a placé en rétention administrative. Par un jugement du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille, statuant en formation collégiale sur renvoi du magistrat désigné par le président de ce tribunal, a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Bangladesh comme pays de destination, a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement d'une somme de 800 euros au conseil de M. B... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B... dirigée contre cet arrêté. Par la requête enregistrée sous le n°20DA0001, le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision, contenue dans cet arrêté, fixant le Bangladesh comme pays de renvoi et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'instance. Par la requête enregistrée sous le n°20DA00556 et par ses conclusions incidentes présentées dans le cadre de l'instruction de la requête enregistrée sous le n°20DA0001, M. B... demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions, contenues dans le même arrêté, lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. En outre, M. B... demande à la cour d'enjoindre à l'autorité préfectorale, sous astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
2. Ces requêtes sont relatives au même jugement et au même arrêté préfectoral. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
3. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2019, prévoit que l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, fixer les modalités d'exécution de cette mesure d'éloignement et assortir cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français. Or, il ressort des pièces du dossier produites en appel, et notamment des courriers du 20 avril 2021 adressés par les autorités britanniques à l'intéressé et au préfet du Pas-de-Calais, que la décision par laquelle M. B... avait été déchu de la nationalité britannique en 2017 a été retirée de l'ordonnancement juridique par l'effet de la décision juridictionnelle d'appel rendue en sa faveur le 18 avril 2021 par la " Special immigration appeal commission " de sorte que M. B... a été rétabli rétroactivement dans la nationalité britannique. Aussi, au 5 novembre 2019, date de l'arrêté contesté, M. B... avait la qualité de ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne. Dès lors, il est fondé à soutenir qu'il n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions, figurant alors à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai, fixer le pays de renvoi et lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et que, en conséquence, ces décisions sont entachées d'illégalité.
4. Il s'ensuit, d'une part, que le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 5 novembre 2019 en tant qu'il fixe le Bangladesh comme pays de renvoi de M. B... et, par l'article 3 de ce jugement, a mis à la charge de l'Etat, qu'il a regardé à juste titre comme la partie perdante, le versement au conseil de M. B... d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D'autre part, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du même jugement, le tribunal a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions, contenues dans cet arrêté, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, prévoyant son renvoi dans tout pays où il serait légalement admissible et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. En revanche, dès lors qu'il est constant que, à la date du présent arrêt, M. B... a rejoint, à sa demande, le Royaume-Uni, cette annulation n'implique aucune mesure d'exécution. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. B... doivent être rejetées. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me F..., conseil de M. B..., d'une somme totale de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 5 novembre 2019 du préfet du Pas-de-Calais est annulé en tant qu'il fait obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, qu'il prévoit son renvoi dans tout pays où il serait légalement admissible et qu'il lui interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Article 2 : L'article 4 du jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Lille est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête du préfet du Pas-de-Calais est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lille et de ses conclusions devant la cour est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B..., alias D... C..., et à Me F....
Copie en sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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Nos20DA00001,20DA00556