Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Bauvin lui refusant l'organisation d'une enquête administrative sur les faits de harcèlement moral qu'elle subit ainsi que le bénéfice de la protection fonctionnelle, de condamner la commune de Bauvin à prendre en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les honoraires qu'elle a engagés pour assurer sa défense, soit la somme de 6 036 euros toutes taxes comprises, de dire que la commune de Bauvin, en ne répondant pas à ses avertissements ni à sa lettre de saisine du 18 janvier 2018, en ne diligentant aucune enquête administrative destinée à vérifier l'existence des faits de harcèlement moral qu'elle dénonce, en ne prenant aucune mesure pour que ces faits cessent, engage sa responsabilité et doit indemniser l'entier préjudice qu'elle subit, de donner acte de ce qu'elle forme une requête indemnitaire entre les mains du maire de Bauvin et de mettre à la charge de la commune de Bauvin la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1803315 du 31 mars 2020 le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de Mme B... et mis à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Bauvin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 juin 2020, Mme A... B..., représentée par la SELARL Ingelaere et Partners Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite du 23 mars 2018 du maire de Bauvin lui refusant l'organisation d'une enquête administrative sur les faits de harcèlement moral qu'elle subit ainsi que le bénéfice de la protection fonctionnelle ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bauvin la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., exerce ses fonctions au sein du bureau des ressources humaines de la commune de Bauvin en tant que fonctionnaire territoriale de catégorie C. Par un courrier du 18 janvier 2018, Mme B... a sollicité le maire de Bauvin afin d'obtenir l'octroi de la protection fonctionnelle pour être assistée dans le cadre d'une procédure mettant en cause des faits de harcèlement dont elle ferait l'objet depuis plusieurs années, de la part de la directrice générale des services de la commune. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration. Mme B... a notamment demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite précitée et de condamner la commune de Bauvin à prendre en charge, au titre de la protection fonctionnelle, les honoraires qu'elle a engagés pour assurer sa défense, soit la somme de 6 036 euros toutes taxes comprises. Mme B... relève appel du jugement du 31 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel...... ". Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " [...] IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. [...] ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
4. Mme B... soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de la directrice générale des services de la commune de Bauvin. Elle fait valoir que ses collègues attestent qu'elle était sous " pression constante " de la part de la directrice générale qui lui faisait sans arrêt des reproches, ironisant sur certains aspects de son physique engendrant ainsi une dégradation très nette de ses conditions de travail par le caractère répété de ces agissements. Mme B..., qui bénéficie d'un horaire de 28 heures de travail par semaine, soutient que ce temps de travail est insuffisant au regard de sa charge de travail. Aussi a-t-elle alerté sa hiérarchie et demandé à bénéficier d'une augmentation de son temps de travail. Ainsi dès 2010, elle aurait indiqué lors de son entretien d'évaluation qu'elle souhaitait obtenir une à deux heures de plus pour pouvoir travailler correctement. Or la directrice générale des services lui aurait fait croire qu'elle bénéficierait d'un horaire de travail de trente-cinq heures pour faire face à l'augmentation de sa charge de travail. Mme B... indique avoir suivi une formation relative à la retraite des agents mais sans pour autant bénéficier d'une augmentation de son temps de travail, la contraignant à travailler 30 minutes de plus par jour pour pouvoir palier sa surcharge de travail, sans jamais solliciter le paiement de ces heures supplémentaires alors qu'une de ses collègues voyait ses horaires passer de 26 heures à 30 heures par semaine.
5. Mme B... soutient également que par lettre du 3 janvier 2018 le maire lui a fait de nombreux reproches et n'hésitant pas à l'interroger sur sa vie privée, alors que sa notation est passée en quelques années de 17.65 à la note de 20/20. Mme B... souligne l'impact sur sa santé de ce harcèlement en précisant qu'elle a été placée en arrêt maladie du 26 décembre 2017 au 4 janvier 2018 pour état dépressif après avoir alerté à plusieurs reprises sa hiérarchie sur son mal être et les difficultés qu'elle rencontrait avec sa supérieure. Elle indique avoir ainsi déposé une plainte le 17 mai 2017 auprès des services de la Gendarmerie Nationale.
6. La commune oppose que la directrice générale des services de la commune a agi dans le cadre de son rôle de supérieure hiérarchique, que Mme B... a commis un certain nombre d'erreurs dans l'exercice de ses fonctions, détaillées dans le courrier en date du 3 janvier 2018, qui proposait à l'agent une rencontre au plus tôt afin de trouver ensemble une solution.
7. Les pièces du dossier ne permettent pas de considérer que les reproches dont Mme B... a fait l'objet et que l'absence de réponse favorable à sa demande d'augmentation de ses heures de service, excéderaient l'exercice du simple pouvoir hiérarchique et l'intérêt du service. Il ressort de plus de ces pièces que les questionnements du maire dans sa lettre du 3 janvier 2018 tels " Que se passe-t-il ' Rencontrez-vous des problèmes personnels qui vous empêchent de vous concentrer ' Vous sentez vous en difficulté devant la complexité de votre tâche ' " ne peuvent être regardés comme une immixtion dans sa vie privée de Mme B... mais traduisent un souci de comprendre les difficultés auxquelles elle se heurtait. Enfin la plainte déposée par l'intéressée a fait l'objet en 2019 d'un avis de classement sans suite au motif que les faits n'ont pu être clairement établis. Mme B... ne soutient ni même n'allègue avoir contesté cette décision de classement sans suite pour obtenir une réouverture de la procédure ou provoqué l'ouverture d'une nouvelle procédure en se constituant directement partie civile. Si les remarques de la directrice générales des services sur le physique de Mme B..., à les supposer établies, seraient pour le moins déplacées, si les attestations de collègues produites comme l'arrêt de travail de quelques jours, révèlent le mal être de l'intéressée, ces éléments ne permettent pas pour autant de caractériser un harcèlement moral de la part de la directrice des services, au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que le bénéfice de la protection fonctionnelle prévu par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée lui a été légalement refusé.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté ses demandes. Doivent par voie de conséquence, être rejetées ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais exposés par la commune de Bauvin et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Bauvin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Bauvin.
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N° 20DA00825