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07/10/2021 | FRANCE | N°20DA01586

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 07 octobre 2021, 20DA01586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 avril 2017 et d'enjoindre à l'autorité administrative de reconnaître cette imputabilité.

Par un jugement n° 1802031 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 12 décembre 2017 et a enjoint au préfet de la zone de d

fense et de sécurité Ouest de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 19 avril 2017 et d'enjoindre à l'autorité administrative de reconnaître cette imputabilité.

Par un jugement n° 1802031 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 12 décembre 2017 et a enjoint au préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. B... et d'en tirer toutes les conséquences sur sa situation administrative, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2020, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes de M. B....

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est brigadier de la police nationale, affecté à l'école nationale de police d'Oissel depuis le 1er septembre 2015. Il a demandé que ses arrêts de travail depuis le 19 avril 2017 soient reconnus imputables au service. Le préfet de la zone de défense et de sécurité Ouest a refusé cette reconnaissance par un arrêté du 12 décembre 2017. Si tant le fonctionnaire que le préfet ont évoqué un accident de service, l'ensemble des pièces médicales portent sur l'imputabilité au service de son affection psychique. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Rouen a annulé, par un jugement du 24 août 2020, cet arrêté et a enjoint audit préfet de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

2. Le ministère de l'intérieur soutient d'abord que la demande de M. B... était régie par les dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Aux termes de cet article : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Il résulte de ces dispositions que, s'agissant des maladies non mentionnées par les tableaux des maladies professionnelles telles que les maladies psychiques et en particulier le syndrome anxio-dépressif dont souffre M. B..., l'entrée en vigueur de ces dispositions nécessite l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat. Ce décret est intervenu pour la fonction publique d'Etat, le 21 février 2019. Par suite, les dispositions de l'ordonnance du 19 janvier 2017 ne s'appliquaient pas à la date de la décision refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection de M. B....

3. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / .../2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions, prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service au sens des dispositions précitées, si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. En l'espèce, le médecin expert psychiatre, missionné par l'administration a conclu dans son rapport du 6 octobre 2017 que l'état de santé de M. B... lui semblait " être directement lié à son environnement de travail ". Il précisait qu'il ne retrouvait pas " de pathologies psychiatriques ou de substratum psychologique qui puissent justifier que son comportement ou sa manière d'être ait pu provoquer une réaction particulière de collègues ou de sa hiérarchie, et en retour générer les troubles dépressifs constatés ". Il en déduisait que la pathologie était d'origine professionnelle. Le médecin inspecteur régional de la police nationale a également émis un avis favorable à la reconnaissance, le 11 octobre 2017. Les autres expertises psychiatriques produites par M. B... font toutes état de troubles secondaires à une souffrance professionnelle, même si elles ont été effectuées dans un autre cadre que celui de la reconnaissance de l'imputabilité et si elles se fondent exclusivement sur les déclarations de l'intéressé. Pour autant, le seul fait que ces constats de praticiens spécialisés reposent sur les déclarations de l'intéressé ne suffit à démontrer l'absence de lien direct entre la maladie et le service. Certes la commission de réforme a rendu un avis défavorable à l'imputabilité dans sa séance du 5 décembre 2017. Mais le ministre de l'intérieur, qui ne produit aucune pièce nouvelle en appel, ne fournit aucun élément médical de nature à remettre en cause l'expertise soumise à la commission de réforme. Si, en cause d'appel, il se fonde sur le comportement de M. B... pour soutenir que la pathologie doit être détachée de tout lien avec le service, il n'apporte, sur ce point non plus, aucun élément précis à l'appui de ses allégations pour démontrer qu'un fait personnel de M. B... détache sa pathologie de tout lien avec le service. Au contraire, les évaluations de l'intéressé, sans être excellentes sont correctes, voire bonnes en 2013. De même, s'il lui a été reproché son peu d'investissement dans son affectation antérieure suite à son déplacement au bureau de police d'Eragny, cette affectation lui avait été imposée et n'a duré que peu de temps, sa demande de changement de service ayant été acceptée. Si l'évaluation pour l'année 2016, relative à l'appréciation de l'agent depuis son affectation à l'école de police est très critique lorsque celui-ci était affecté à l'unité " transports ", elle est beaucoup plus positive depuis que l'intéressé a changé de service au sein de l'école. Enfin, si le ministre de l'intérieur produit un rapport du directeur de l'école, très négatif sur la manière de servir de M. B..., cette pièce est postérieure à la décision contestée et au surplus, si elle fait état de faits antérieurs, elle ne comporte aucune précision sur la nature et la réalité des faits permettant de détacher la maladie du service. Il ne résulte donc pas des éléments produits que le comportement de M. B... soit à l'origine des conditions de travail dont il se plaint. Par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection de M. B....

5. Le tribunal administratif de Rouen a enjoint au ministre de l'intérieur de reconnaître l'imputabilité au service de l'affection dont souffre M. B.... Celui-ci, qui réitère ses conclusions d'injonction sous astreinte, doit être regardé comme demandant par la voie de l'appel incident d'assortir l'injonction de première instance d'une astreinte. Toutefois, il n'assortit sa demande d'aucune précision et rien ne permet d'établir que le jugement du tribunal administratif ne serait pas exécuté. Par suite, il n'y a pas lieu d'assortir l'injonction prononcée en première instance d'une astreinte.

6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

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N°20DA01586

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01586
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELAS NORMANDIE-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-07;20da01586 ?
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