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03/02/2022 | FRANCE | N°21DA01283

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 03 février 2022, 21DA01283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 23 octobre 2019 du jury d'aptitude professionnelle de la 252ème promotion d'élèves gardiens de la paix qui l'a déclarée inapte aux fonctions de gardien de la paix stagiaire. Elle a également demandé l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à sa scolarité. Elle a enfin demandé qu'il soit enjoint au ministre, à titre principal, de valider sa scolarité au sein d

e la 252ème promotion d'élèves gardiens de la paix et de l'affecter au poste de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 23 octobre 2019 du jury d'aptitude professionnelle de la 252ème promotion d'élèves gardiens de la paix qui l'a déclarée inapte aux fonctions de gardien de la paix stagiaire. Elle a également demandé l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a mis fin à sa scolarité. Elle a enfin demandé qu'il soit enjoint au ministre, à titre principal, de valider sa scolarité au sein de la 252ème promotion d'élèves gardiens de la paix et de l'affecter au poste de gardien de la paix au lieu de son affectation actuelle, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation sous astreinte et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904028 du 13 avril 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin et le 13 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Ahmed Akaba, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 23 octobre 2019 du jury d'aptitude professionnelle ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2019 du ministre de l'intérieur portant radiation des cadres de la police nationale ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la réintégrer en qualité de gardien de la paix au sein des effectifs de la police nationale, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n°95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- l'arrêté du 29 juin 2009 relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été nommée élève gardien de la paix et a été affectée à l'école nationale de police de Saint-Malo à compter du 7 janvier 2019. Par une décision du 23 octobre 2019, le jury d'aptitude professionnelle de la police nationale de la 252ème promotion d'élèves gardiens de la paix a estimé qu'elle n'était pas apte à être nommée gardien de la paix stagiaire et ne l'a pas autorisée à redoubler. Par un arrêté 28 octobre 2019, le ministre de l'intérieur a alors mis fin à la scolarité de l'intéressée pour inaptitude professionnelle. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Rouen de demandes d'annulation tant de la décision du 23 octobre 2019 du jury d'aptitude professionnelle que de l'arrêté du 28 octobre 2019 du ministre de l'intérieur. Mme B... a également demandé à ce tribunal d'enjoindre au ministre de l'intérieur de valider sa scolarité et de l'affecter comme gardien de la paix ou à défaut de réexaminer sa situation. Elle relève appel du jugement du 13 avril 2021 par lequel ce tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Sur la légalité de la délibération du jury d'aptitude professionnelle du 23 octobre 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Les délibérations d'un jury d'aptitude professionnelle chargé d'apprécier les mérites des candidats ne refusent pas un avantage dont l'attribution constitue un droit et ne constituent pas non plus une sanction, contrairement à ce que soutient l'appelante. Par suite, elles n'entrent ni à ce titre, ni à aucun autre dans les catégories de décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Aucune autre disposition législative ou règlementaire n'impose la motivation de la délibération du jury d'aptitude professionnelle. En particulier, Mme B... se prévaut des dispositions de l'article 10 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale qui dispose que les décisions mettant fin aux fonctions de stagiaire, pour insuffisance professionnelle, doivent être motivées. Toutefois, Mme B... était élève gardien de la paix et n'avait vocation à devenir gardien de la paix stagiaire qu'à l'issue de sa scolarité, sous réserve que le jury l'ait déclarée apte. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut donc qu'être écarté.

3. Aux termes de l'article 29 de l'arrêté du 18 octobre 2005 portant organisation de la formation initiale du premier grade du corps d'encadrement et d'application de la police nationale : " L'aptitude professionnelle des élèves en fin de scolarité est appréciée par un jury composé comme suit : / - le directeur général de la police nationale ou son représentant, président ; / - le directeur ou son représentant et un représentant issus de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale; / - un représentant de l'inspection générale de la police nationale ; / - un représentant de la direction des ressources et des compétences de la police nationale ; / - un représentant de la direction centrale de la sécurité publique ; / - un représentant de la préfecture de police ; / - un représentant de la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité ; / - un représentant de la direction centrale de la police aux frontières ; / - un psychologue. / Les membres mentionnés ci-dessus sont désignés pour un an par le directeur général de la police nationale sur propositions des directions concernées et ont chacun un suppléant. (...) ". Le ministre de l'intérieur produit en défense, pour la première fois en cause d'appel, l'arrêté du 15 octobre 2019 qui désigne, conformément à ces dispositions, les membres du jury d'aptitude professionnelle des élèves gardiens de la paix pour une durée d'un an. Aucune disposition n'oblige à communiquer la composition du jury aux élèves convoqués par celui-ci. Le moyen tiré de la composition irrégulière du jury doit donc être écarté.

4. Aux termes de l'article 27 de l'arrêté du 18 octobre 2005 : " Au sein de chaque structure de formation est constituée, sous l'autorité du directeur qui en est le président de droit, une commission de suivi des élèves. Elle se réunit sur convocation du président à tout moment au cours de la scolarité et en tout état de cause avant la réunion du jury d'aptitude professionnelle visé à l'article 29. / Cette commission de suivi devra se réunir au moins une fois durant la séquence A. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la commission de suivi prévue par ces dispositions s'est réunie le 26 septembre 2019 et a proposé la fin du stage de Mme B.... Par suite, ce vice de procédure ne peut qu'être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier que si le rapport du 8 octobre 2019 qui conclut que Mme B... peut présenter un danger quant à l'utilisation de son arme n'a pas été rédigé par son formateur de tir, il a été dicté et validé par ce formateur comme l'atteste son rédacteur. Ce formateur a d'ailleurs confirmé, dans la fiche de synthèse sur la scolarité de Mme B..., que celle-ci n'a pas les capacités pour être autonome avec son arme individuelle. Les autres pièces du dossier ne démontrent pas non plus que ce rapport ne correspondrait pas au constat effectué lors des séances de tir, d'autant que le formateur de tir notait déjà dans un rapport du 14 mars 2019, les difficultés de cette élève lors des séances de tir et sa peur du bruit des détonations.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Aux termes de l'article 30 de l'arrêté du 18 octobre 2005 : " Le jury d'aptitude professionnelle analyse les résultats obtenus dans les différentes épreuves et l'implication professionnelle et personnelle des élèves pendant leur scolarité en vue d'établir leur classement national. / Le jury statue sur : / -le cas des élèves signalés par la commission de suivi définie à l'article 27 ; / -le cas des élèves n'ayant pas obtenu l'évaluation minimale dans l'une des matières fixées par l'arrêté portant notation et classement des élèves gardiens de la paix. / Dans ce cadre, il entend les élèves concernés à leur demande. Cette audition s'effectue conformément aux dispositions de l'arrêté du 29 juin 2009 relatif à la notation et au classement des élèves gardiens de la paix de la police nationale. ". Il résulte des dispositions précitées que le jury peut prendre en compte non seulement les résultats obtenus par les élèves mais également leur comportement.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'a été reconnue apte au maniement du pistolet qu'à l'issue du dernier rattrapage et ne présente pas, ainsi qu'il a été dit, selon son formateur de tir, les capacités pour être autonome avec son arme en dotation individuelle. La fiche de synthèse de la scolarité de Mme B... établit que celle-ci a été classée dernière de son école sur 116 élèves. Ses formateurs indiquent, à cette occasion, ses difficultés en techniques d'intervention et son manque de confiance en elle. Si l'appelante produit des attestations de ses collègues de promotion, comme du responsable de stage organisé lors de sa scolarité et de son supérieur lorsqu'elle était adjointe de sécurité, qui témoignent de ses qualités, ces éléments ne démontrent pas l'absence d'appréhension de l'intéressée dans le maniement de son arme de dotation lors de sa scolarité. La psychologue de l'école a émis, le 15 octobre 2019, un avis défavorable à la reconnaissance de son aptitude professionnelle, même si elle note qu'une prise en charge thérapeutique lui permettrait de réduire sa peur des détonations. De même, les pièces produites qui établissent son aptitude au port de son arme de dotation en tant qu'adjoint de sécurité, sont postérieurs à la décision contestée et au demeurant, ne démontrent pas que les constats opérés pendant sa scolarité seraient erronés. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme B... ne démontre pas que le jury d'aptitude professionnelle se serait fondé sur des faits matériellement inexacts.

8. Il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation portée par le jury d'aptitude professionnelle sur la capacité des élèves gardiens de la paix à être nommés stagiaires, ni sur la décision du jury de mettre fin à la scolarité d'un élève ou de l'autoriser à redoubler. Il n'est pas établi en l'espèce que le jury d'aptitude professionnelle ait pris en compte d'autres éléments que ceux précités relatifs à l'aptitude professionnelle de Mme B.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 23 octobre 2019 du jury d'aptitude professionnelle, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de cette demande.

Sur la légalité de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 28 octobre 2019 :

10 Il résulte des dispositions de l'arrêté du 18 octobre 2005 mentionné ci-dessus que la décision appréciant l'aptitude professionnelle des élèves gardiens de la paix à être nommés stagiaires appartient au jury d'aptitude professionnelle. Par suite, le ministre de l'intérieur, lorsqu'il met fin pour inaptitude professionnelle à la scolarité d'un élève gardien de la paix, se borne, sans porter une quelconque appréciation sur les faits de l'espèce, à tirer les conséquences de la décision prise par le jury d'aptitude professionnelle envers laquelle il se trouve ainsi en situation de compétence liée, comme l'indiquait le ministre de l'intérieur dans ses écritures de première instance.

11. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 28 octobre 2019 est inopérant et doit être écarté pour ce motif, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rouen.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de la délibération du jury d'aptitude professionnelle ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ce sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'intérieur.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

N°21DA01283 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01283
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-02-002 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Statuts spéciaux. - Personnels de police (voir : Police administrative).


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELAS NORMANDIE-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-02-03;21da01283 ?
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