Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... née A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, enfin, de mettre la somme de 840 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par un jugement no 2003461 du 29 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 avril 2020 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de ce jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2021, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- les premiers juges ont retenu à tort, pour annuler la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans l'arrêté contesté, que la délivrance d'un titre de séjour ne pouvait être refusée à Mme C... au seul motif qu'elle était au nombre des ressortissants étrangers visés au 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- il ne pouvait davantage lui être reproché d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'admettre au séjour l'intéressée, qui, d'une part, ne justifiait pas de la possession d'un visa de long séjour et ne pouvait donc prétendre à un titre sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui, d'autre part, s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement ;
- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat en première instance, les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Rouen ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2022, Mme C..., représentée par Me Quevremont, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 600 euros soit mise à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais non compris dans les dépens restant à sa charge.
Elle soutient que :
- contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Maritime, le tribunal administratif n'a pas annulé la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au motif qu'elle était au nombre des ressortissants étrangers visés au 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent faire légalement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; le tribunal administratif a pris en compte sa situation, dans son ensemble, et, notamment, sa qualité de conjointe d'un ressortissant français, ainsi que l'ancienneté de son mariage et de son séjour, pour estimer que le préfet, en refusant de la faire bénéficier de son pouvoir de régularisation, avait entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- ce motif d'annulation est fondé ;
- elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites devant les premiers juges en ce qui concerne les autres moyens qu'elle avait soulevés à l'encontre de l'arrêté contesté.
Mme C... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, par une décision du 29 avril 2021, la part contributive de l'Etat ayant été fixée à 55 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante camerounaise née le 7 mars 1971 à Jnang-Ndom (Cameroun), est entrée en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2002. Elle a épousé, le 23 novembre 2013 à Montreuil, un ressortissant français, M. C.... À la suite de ce mariage, elle a sollicité du préfet de la Seine-Saint-Denis, le 7 mai 2015, son admission au séjour en tant que conjointe d'un ressortissant français. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté du 8 octobre 2015, a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. S'étant maintenue sur le territoire français, Mme C... a présenté, le 18 septembre 2018, une nouvelle demande de titre de séjour auprès du préfet de la Seine-Maritime, en invoquant sa situation d'épouse d'un ressortissant français et sa vie privée et familiale, et en plaçant cette demande sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 avril 2020, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande, a fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 29 décembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Rouen, sur la demande de Mme C..., a annulé, pour excès de pouvoir, cet arrêté, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée et a mis la somme de 800 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
2. Pour annuler, par le jugement attaqué, la décision, contenue dans l'arrêté du 21 avril 2020, par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C... et, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans cet arrêté, le tribunal administratif de Rouen a estimé que, compte tenu de l'ancienneté du séjour de l'intéressée en France, de la durée de son mariage et de la circonstance que Mme C... était au nombre des ressortissants étrangers visés au 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne peuvent légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'avait pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour. Ce faisant, les premiers juges n'ont pas entendu retenir que la protection légale dont bénéficiait Mme C... contre le prononcé d'une obligation de quitter le territoire français du fait de sa situation d'épouse, depuis au moins trois ans, d'un ressortissant français, sans que la communauté de vie ait cessé, faisait, par elle-même, obstacle à ce que la délivrance d'un titre de séjour lui soit refusée, mais que, compte tenu de la situation de l'intéressée prise dans son ensemble, et eu égard, en particulier, à l'ancienneté de son séjour en France, à la durée de son mariage et à la protection dont elle bénéficiait, le préfet n'avait pu, sans erreur manifeste d'appréciation, lui opposer ce refus.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., à supposer même qu'elle ne puisse justifier d'un séjour ininterrompu sur le territoire français depuis 2002, établit, par les pièces qu'elle a versées en première instance, à savoir notamment un contrat de travail, ainsi que des bulletins de salaire, séjourner habituellement en France depuis au moins la fin de l'année 2012, et justifie ainsi d'une durée de séjour de huit années à la date d'édiction de l'arrêté contesté. À cette même date, elle était mariée depuis sept ans à un ressortissant français, le préfet ne discutant pas de la réalité de la vie commune entre les intéressés, laquelle est d'ailleurs corroborée par les pièces versées au dossier. Elle travaille en tant qu'aide familiale à domicile depuis le 3 septembre 2012, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Si, comme le relève le préfet de la Seine-Maritime, Mme C... n'a pu justifier de la possession d'un visa de long séjour, ce qui faisait obstacle à ce qu'elle soit admise de plein droit au séjour en tant que conjointe d'un ressortissant français, sur le fondement des dispositions, alors en vigueur, du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tandis que les conditions irrégulières de son entrée sur le territoire français ne permettaient pas au préfet de lui délivrer, à titre de régularisation, ce visa, il n'en demeure pas moins que le mariage de l'intéressée faisait obstacle, en vertu du 7° de l'article L. 511-4 de ce code, à ce qu'elle puisse faire légalement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Ainsi, en dépit du fait que Mme C... s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français malgré la mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 8 octobre 2015, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant, dans les circonstances particulières de l'espèce et eu égard, en particulier, à l'ancienneté du séjour en France de l'intéressée et de son mariage avec un ressortissant français, ainsi qu'à l'insertion professionnelle dont elle justifiait, de lui délivrer, dans le cadre du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu, la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a commis, comme ont entendu le retenir les premiers juges, une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, son arrêté du 21 avril 2020, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à Mme C... et a mis la somme de 800 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Mme C... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 55 %. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Mme C... D... la somme de 600 euros qu'elle demande, en remboursement de la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens, laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à Mme B... C... née A... et à Me Quevremont.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,
Signé : C. HEU
La greffière,
Signé : N. ROMERO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
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No21DA00113