Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Sokani a demandé au tribunal administratif de Lille, en premier lieu, d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la Métropole européenne de Lille (MEL) a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 14 novembre 2016 portant retrait de la subvention qui lui avait été accordée par l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat (ANAH) et exigeant le reversement de la somme de 182 810 euros, en deuxième lieu, d'annuler la décision expresse de rejet de son recours gracieux en date du 7 août 2017, en troisième lieu, de condamner l'ANAH au paiement de la somme de 78 973 euros correspondant au solde dû au titre de la subvention accordée le 14 octobre 2010, en quatrième lieu d'annuler l'ordre à recouvrer émis à son encontre par l'ANAH le 28 septembre 2017 pour un montant de 182 810 euros.
Par un jugement n° 1707824, 1709154 et 1800038 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2020, la SCI Sokani, représentée par
Me Véronique Ducloy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de déclarer illégale la décision de l'Agence nationale de l'habitat du 14 novembre 2016 ;
3°) d'annuler la décision de rejet du recours gracieux du 7 août 2017 ;
4°) de condamner la Métropole européenne de Lille (MEL) à lui verser la somme de 78 973 euros correspondant au solde de la subvention accordée le 14 octobre 2010 ;
5°) de mettre à la charge de la Métropole européenne de Lille la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'auteur de la décision du 14 novembre 2016 est incompétent ;
- les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues en ce que ni le nom ni le prénom de l'auteur de l'acte ne sont mentionnés sur la décision contestée ;
- aucune procédure contradictoire n'a été menée, en méconnaissance de l'article 21 du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, les pièces demandées ayant été produites ;
- les procès-verbaux de réception et de levée des réserves ne font pas partie des pièces à fournir en application de l'article 20 du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;
- le montant du reversement est erroné en ce qu'il ne pouvait s'effectuer sur la base des dispositions de l'article 22 du règlement général et en ce que le reversement ne pouvait concerner l'intégralité des deux acomptes ; la décision est ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est fondée à solliciter le versement de la somme de 78 973 euros correspondant au solde de la somme due ;
- le titre exécutoire est illégal en tant qu'il découle de la décision de reversement du 14 novembre 2016 et de la décision de rejet du recours gracieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2021, l'Agence nationale de l'habitat, représentée par Me Jean-Marie Pouilhe, conclut au rejet de la requête à la mise à la charge de la SCI Sokani de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Baes-Honoré présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Florence Mostaert, représentant la SCI Sokani, et de Me Jean-Marie Pouilhe, représentant l'Agence nationale de l'habitat.
Une note en délibéré présentée par l'Agence nationale de l'habitat a été enregistrée le 4 mars 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 14 octobre 2010, le président de Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU), délégataire de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat (ANAH), a attribué à la société civile immobilière (SCI) Sokani une subvention d'un montant de 254 752 euros pour la remise en état d'un immeuble situé aux nos 3 et 5 rue Thiers à Roubaix afin de créer cinq logements locatifs. Deux acomptes ont été versés à la société les 20 juillet 2011 et 8 février 2012. Le 14 octobre 2015, la SCI Sokani a présenté une demande de paiement du solde. Par un courrier du 17 décembre 2015, l'ANAH lui a indiqué que la demande de paiement était incomplète et que cela était susceptible de justifier une procédure de retrait de la décision. Par une décision en date du 14 novembre 2016, le président de la Métropole européenne de Lille (MEL) venant aux droits de LMCU, a retiré cette subvention et a réclamé à la SCI Sokani le reversement de la somme de 182 810 euros. Le recours gracieux formé par la société le 2 février 2017 a fait l'objet d'une décision implicite de rejet puis, le 7 août 2017, d'une décision expresse de rejet. Saisi par la SCI Sokani, le tribunal administratif de Lille a rejeté la requête de la société tendant à l'annulation des décisions des 14 novembre 2016 et 7 août 2017, à la condamnation de l'ANAH à lui verser le solde de la subvention à hauteur de 78 973 euros et à l'annulation du titre de recette émis à son encontre. La SCI Sokani relève appel du jugement de rejet du tribunal administratif de Lille du 2 juillet 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, le tribunal a notamment relevé, dans son point 16, que la requérante n'établissait pas avoir remis les pièces demandées par l'ANAH. Par cette affirmation, le tribunal ne peut pas être regardé comme ayant insuffisamment motivé son jugement sur ce point. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.
Sur les conclusions dirigées contre les décisions des 14 novembre 2016 et 7 août 2017 :
3. Aux termes de l'article R. 321-1 du code de la construction et de l'habitat : " I. - En ce qui concerne les aides versées par l'agence : (...) Le retrait de l'aide versée par l'agence est prononcé et le reversement des sommes perçues exigé s'il s'avère que celle-ci a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou de manœuvres frauduleuses. / Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. Ce règlement prévoit une procédure de communication préalable et des éléments de calcul sur le montant du reversement et son actualisation indexée sur l'évolution de l'indice de référence des loyers mentionné à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. / Ces décisions sont prises à tout moment, avant ou après le versement du solde de la subvention. / Lorsqu'elles sont prononcées avant le versement du solde de la subvention, elles sont prises par l'organisme ayant décidé de l'attribution de la subvention, qui peut être, selon le cas, l'agence ou l'autorité à laquelle cette compétence a été déléguée. (...) "
4. Aux termes de l'article 14 du règlement général de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, approuvé pat l'arrêté du 1er août 2014 : " (...) / II.- L'achèvement des travaux doit être justifié par le bénéficiaire de la subvention sous peine de retrait de la décision d'octroi de la subvention et du remboursement des sommes déjà perçues, dans un délai de trois ans (...). / Sur demande motivée du bénéficiaire de la subvention, une prorogation de ces délais, de deux ans maximum, peut être accordée par le délégué de l'agence dans le département ou le délégataire, notamment lorsque des circonstances extérieures à la volonté du demandeur ont fait obstacle à la réalisation des travaux, telles que : / - un motif d'ordre familial ou de santé ; / - une défaillance d'entreprise ; / - des difficultés importantes d'exécution. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que la subvention de 254 752 euros a été accordée pour la remise en état d'un immeuble afin de créer cinq logements locatifs. Le délai prévu pour les travaux arrivant à expiration le 14 octobre 2013, la SCI Sokani a sollicité le 8 octobre 2013 une prorogation de délai, qu'elle a obtenue, jusqu'au 14 octobre 2015. Le même jour, la SCI Sokani a présenté une demande de paiement du solde de la subvention. Par un courrier du 25 mars 2016, l'ANAH a demandé à la société de produire, d'une part, des pièces concernant les logements 1 à 3, soit des copies de bail, des fiches famille, des justificatifs de ressources et un contrat de mandat de gestion, d'autre part, les procès-verbaux de réception des travaux et de levées de réserves.
6. Si la société Sokani n'établit pas, par les échanges de courriels qu'elle verse au dossier, que les pièces demandées ont été produites dans les délais requis, elle a produit à l'instance les procès-verbaux de réception des travaux en date du 5 novembre 2014, ainsi que les levées de réserves lorsqu'il y en avait. Elle a versé également au dossier les autres pièces demandées pour les trois logements dans le courrier du 25 mars 2016, qui comportent des dates antérieures à l'année 2016. Il n'est par ailleurs pas allégué que les pièces concernant les deux autres logements n'auraient pas été produites en temps utile. Dans cette mesure, et alors qu'il ne résulte pas des griefs retenus par la MEL que l'aide a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou de manœuvres frauduleuses, la décision attaquée doit être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle a prononcé le retrait total des aides accordées.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCI Sokani est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président de la MEL en date du 14 novembre 2016 et de la décision de rejet du recours gracieux en date du 7 août 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt n'implique pas, pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, la condamnation de la MEL à verser à la requérante le solde de la subvention et implique uniquement que l'autorité compétente de l'ANAH procède à un nouvel examen du dossier de la SCI Sokani en tenant compte notamment de la réalisation effective, dans le délai qui lui était imparti, de ses engagements par rapport au projet initial.
Sur le bien-fondé du titre exécutoire :
9. Il résulte de ce qui précède qu'étant dépourvu de base légale, le titre exécutoire d'un montant de 182 810 euros que l'ANAH a émis à l'encontre de la SCI Sokani le 28 septembre 2017 doit être annulé.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 juillet 2020, la décision du président de la Métropole européenne de Lille en date du 14 novembre 2016, la décision de rejet du recours gracieux du 7 août 2017 et le titre exécutoire du 28 septembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité compétente de l'Agence nationale de l'habitat de procéder à un nouvel examen du dossier de la SCI Sokani.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Sokani et à l'Agence nationale de l'habitat.
Copie pour information sera transmises à la Métropole européenne de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,
- Mme Naïla Boukheloua première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
La présidente-rapporteure,
Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N° 20DA01358 2