Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Muncq-Nieurlet a sursis à statuer pour une durée de deux ans sur sa demande de permis de construire deux maisons d'habitation destinées à la location.
Par un jugement n° 1801881 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021, M. C... B..., représenté par Me Alex Dewattine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au maire de Muncq-Nieurlet de lui délivrer un certificat d'obtention de permis de construire tacite dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Muncq-Nieurlet la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a considéré que le moyen tiré du retrait irrégulier d'une décision créatrice de droits relevait de la légalité externe de la décision querellée ;
- la décision en litige constitue un retrait irrégulier du permis de construire tacitement obtenu le 25 novembre 2017. Elle méconnaît l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, elle n'est pas motivée en application de l'article L. 424-3 de ce code et elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le plan local d'urbanisme intercommunal est, par exception, illégal en ce qu'il classe en zone A la parcelle litigieuse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2021, la commune de Muncq-Nieurlet, représentée par Me Jean-Sébastien Delozière, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des article R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction et a donné lieu à la communication d'un mémoire de M. C... B..., représenté par Me Alex Dewattine, enregistré le 13 mai 2022 soulevant l'irrecevabilité des écritures en défense de la commune.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Lucien Deleye, représentant M. C... B....
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. M. B... relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Muncq-Nieurlet a sursis à statuer pour une durée de deux ans sur sa demande de permis de construire deux maisons d'habitation destinées à la location.
Sur la recevabilité du mémoire en défense de la commune de Muncq-Nieurlet :
2. Selon le 16° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, le maire peut, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat, de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal.
3. S'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 26 octobre 2020, le conseil municipal de Muncq-Nieurlet a donné délégation au maire pour la représenter en défense dans les actions intentées contre la commune dans les cas de " malfaçon, partie civile, préjudice mobilier et immobilier, défense recours ", l'objet du présent litige n'est pas au nombre des recours limitativement énumérés par cette délibération.
4. C'est donc à bon droit, compte tenu des pièces versées au dossier, que M. B... demande à la cour d'écarter des débats le mémoire en défense produit par la commune en cause d'appel.
Sur la régularité du jugement :
5. En premier lieu, le fait, pour un tribunal, d'avoir écarté à tort un moyen comme irrecevable n'affecte pas la régularité de son jugement et le juge d'appel statue dans ce cas dans le cadre de l'effet dévolutif. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont écarté à tort comme irrecevable, car relevant d'une cause juridique non ouverte avant l'expiration du délai de recours, le moyen tiré de ce que la décision attaquée constitue un retrait illégal du permis de construire délivré à M. B..., n'est pas de nature à démontrer l'irrégularité du jugement.
6. En second lieu, si le moyen tiré de ce que le tribunal a commis une erreur de fait en considérant que le classement de la parcelle en litige en zone A du plan local d'urbanisme intercommunal en cours d'élaboration par la communauté de communes de la Région d'Audruicq ne révélait aucune erreur manifeste d'appréciation, doit s'analyser comme une contestation de l'appréciation portée par les premiers juges, il relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité et, par suite, ne saurait démontrer l'irrégularité du jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er décembre 2017 :
En ce qui concerne la requalification de la décision attaquée en retrait d'un permis de construire tacite :
7. Aux termes de l'article R. 323-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) / b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ".
8. Lorsque le projet faisant l'objet d'une demande de permis de construire une maison individuelle n'entre dans aucun des cas prévus par les articles du code de l'urbanisme fixant des délais d'instruction différents, un permis tacite naît au profit du pétitionnaire, à défaut de notification d'une décision expresse de l'autorité compétente pour statuer, à l'expiration du délai d'instruction de droit commun de l'article R.423-23 du code de l'urbanisme qui a commencé à courir à compter de la réception en mairie d'un dossier complet.
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant dans le cartouche de l'arrêté attaqué, que la demande de permis de construire a été déposée en mairie et complétée le 25 septembre 2017 et portait sur une " maison double ", soit une maison individuelle abritant deux logements. Ce projet devait donc être regardé comme constituant un " immeuble à usage d'habitation (...) ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître d'ouvrage ", à savoir M. B..., au sens des dispositions de l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation auquel renvoie le b) de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, alors même que l'intéressé a déclaré vouloir les mettre en location.
10. La circonstance que M. B... a déposé sa demande sur le formulaire Cerfa relatif aux autres demandes de permis de construire, sur proposition de la commune, et que le récépissé de cette demande mentionnait un délai d'instruction de trois mois, n'a pu avoir aucune incidence sur le délai d'instruction fixé pour les maisons individuelles à deux mois par l'article R.423-23 du code de l'urbanisme.
11. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme ayant été titulaire d'un permis de construire tacite le 25 novembre 2017.
12. Il suit de là que M. B... est fondé à soutenir que la décision attaquée constitue, en réalité, une décision de retrait de ce permis de construire tacite.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté du 1er décembre 2017 en ce qu'il procède au retrait d'un permis de construire tacitement obtenu :
S'agissant des moyens de légalité externe :
13. Il ressort de ses écritures de première instance que M. B... n'a invoqué aucun moyen de légalité externe dans le délai de recours contentieux qui courait, en l'espèce, au plus tard à compter de la date de la saisine du tribunal. En particulier, lorsque M. B... a exposé dans sa demande qu'il n'avait " jamais pu accéder au nouveau zonage du PLUi ", se voyant opposer la nécessité d'" attendre l'enquête publique pour [ses] doléances auprès du commissaire enquêteur ", ou que " le maire n'a également pas répondu avec exactitude sur l'avis du CU opérationnel de 2016 ", de tels dires ne constituaient pas des moyens de légalité externe.
14. Si le requérant a ultérieurement soutenu devant le tribunal administratif que l'arrêté attaqué, en ce qu'il retirait son permis de construire tacitement obtenu, était entaché d'absence de motivation et était intervenu au terme d'une procédure irrégulière au regard de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, ont été présentés plus de deux mois après l'expiration du délai de recours contentieux. Alors qu'aucun moyen de légalité externe n'avait été invoqué dans ce délai, ces moyens avaient ainsi le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et, par suite, irrecevable.
15. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté comme étant irrecevables les moyens tirés de l'absence de motivation et du vice de procédure.
S'agissant des moyens de légalité interne :
16. En premier lieu, en se bornant à soutenir que l'arrêté attaqué, en ce qu'il a procédé au retrait d'un permis de construire tacitement obtenu par lui, a méconnu, ce qui l'a entaché d'une erreur de droit, les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, le requérant n'a pas assorti son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...). / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code (...). " Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".
18. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". Aux termes de l'article L. 151-11 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ".
19. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste.
20. Il résulte notamment des articles L. 151-9 et R. 151-23 du code de l'urbanisme qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.
21. D'une part, le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du projet de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes de la région d'Audruicq a été débattu le 6 juillet 2016 et le projet de PLUi, qui comprend le projet de règlement graphique de la commune de Muncq-Nieurlet et qui classe le terrain d'assiette du projet litigieux en zone A, a été adopté par une délibération du conseil communautaire le 29 mai 2017 puis une seconde fois, sans modification, le 19 octobre 2017.
22. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section B n° 406 et n° 407 du projet litigieux, qui ne sont pas bâties, sont situées en sortie du hameau de La Panne, à proximité de parcelles construites situées, au nord, de l'autre côté de la rue de La Panne et, à l'ouest, dans la parcelle contiguë à celle n°407. Toutefois ces parcelles bâties, qui sont éparses et longent la voie publique, ainsi que les parcelles en litige, qui sont entourées au sud et à l'est de larges espaces agricoles, s'insèrent dans une partie du territoire de la commune présentant, très majoritairement, un caractère agricole. En outre, le PADD a notamment comme objectif de renforcer les centralités urbaines.
23. Enfin, si le requérant expose que ses parcelles étaient, à la date de la décision attaquée, classées en zone UC du plan local d'urbanisme de la commune de Muncq-Nieurlet et qu'elles sont desservies par les réseaux, ces circonstances ne suffisent pas à démontrer que le classement de ces parcelles en zone A était entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
24. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation du classement en zone A des parcelles cadastrées section B n° 406 et n° 407 en zone A du projet de PLUi de la communauté de commune de la région d'Audruicq doit être écarté.
25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 février 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2017 du maire de la commune de Muncq-Nieurlet.
26. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B... à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le mémoire en défense de la commune de Muncq-Nieurlet est écarté des débats en cause d'appel.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et à la commune de Muncq-Nieurlet.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 31 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère,
- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : N. Boukheloua
Le président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°21DA00781 2