Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le directeur départemental des finances publiques de la Somme a soumis d'office au tribunal administratif d'Amiens, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation contentieuse de M. B... D..., en date du 5 mars 2018, tendant au dégrèvement, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1801262 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de M. D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, M. D..., représenté par Me Niclet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration n'a pas apporté la preuve qu'il était maître de l'affaire ; il n'est pas le seul maître de l'affaire, ayant cédé ses parts le 21 mai 2013 ;
- les comptes bancaires de la société F... ne permettaient pas le prélèvement des bénéfices réputés désinvestis ; l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence de bénéfice distribués et que ces sommes distribuées ont été effectivement appréhendées par lui ;
- des charges n'ont pas été prises en compte par l'administration dans sa reconstitution du chiffre d'affaires de la société F..., notamment les frais de transport de véhicules, les frais de gestion et d'administration, des loyers et des frais de téléphone à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires ;
- le virement bancaire de 6 000 euros, qualifié de revenus d'origine indéterminée par l'administration, correspond à la vente de matériels de l'entreprise qui n'est pas imposable en vertu de l'article 151 septies du code général des impôts ;
- l'administration n'explique pas pourquoi elle n'est pas en mesure de rattacher à une catégorie la somme de 6 400 euros en provenance d'une société civile immobilière dont il est associé ; le rehaussement en revenus d'origine indéterminée est donc injustifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les revenus de son foyer fiscal au titre des années 2012 et 2013 à l'issue duquel le service vérificateur a réintégré, d'une part, des revenus distribués par la SARL F... au titre des années 2012 et 2013 selon la procédure de rectification contradictoire prévue par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, d'autre part, des revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2012 selon la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du même livre. En conséquence, l'administration l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2012 et 2013, pour un montant de 34 399 euros en droits et 14 007 euros en pénalités. Le directeur départemental des finances publiques de la Somme a soumis d'office au tribunal administratif d'Amiens, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation contentieuse de M. D..., en date du 5 mars 2018, tendant au dégrèvement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi mises à la charge de son foyer fiscal au titre des années 2012 et 2013. Par un jugement du 3 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande. M. D..., qui a relevé appel de ce jugement, demande la décharge, en droits et pénalités, des rectifications, qui lui ont été assignées en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, portant sur les revenus d'origine indéterminée à hauteur de 12 400 euros en 2012 et sur des revenus distribués à hauteur de 40 998 euros en 2013.
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions en litige :
En ce qui concerne les revenus distribués :
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II au code général des impôts : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. ".
3. Les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'un redressement ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens de ces dispositions que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire et ne sont pas demeurées investies dans la société. Ces revenus sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apporte des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date.
4. En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
5. En premier lieu, s'agissant de l'existence des revenus réputés distribués, il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée le 30 juillet 2015 à M. D... que la société F..., dont celui-ci est le gérant, était défaillante dans le dépôt de ses déclarations d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée pour l'exercices 2013, malgré l'envoi de mises en demeure le 22 juillet 2014. Elle a fait l'objet d'un contrôle fiscal pendant lequel le vérificateur a dressé un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal et a évalué d'office le chiffre d'affaires et le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de l'année 2013 de la société sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Le vérificateur s'est fondé sur les encaissements retracés sur le compte bancaire ouvert à la Société Générale au nom de la société F... d'un montant de 246 721 euros TTC, soit un chiffre d'affaires HT de 206 288 euros. En l'absence de toute présentation de facture au cours des opérations de contrôle du fait de la situation d'opposition à contrôle fiscal, le vérificateur s'est fondé sur les factures d'achat de véhicules d'occasion en Belgique et présentées à l'administration fiscale au cours de l'année 2013 aux fins d'obtenir des certificats d'acquisition de véhicules terrestres à moteur, lesquelles font ressortir des charges d'acquisition d'un montant total de 158 030 euros. Le vérificateur a ainsi déterminé un bénéfice taxable de 48 258 euros qu'il a regardé comme un revenu distribué sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposable entre les mains de M. D..., seul maître de l'affaire, à hauteur de 40 988 euros pour l'année 2013 après prise en compte d'une somme de 7 270 euros versée par la société F... à celui-ci en 2013 et imposée par ailleurs en qualité de revenus distribués. Enfin, si le requérant soutient que des charges n'ont pas été prises en compte par l'administration dans sa reconstitution du chiffre d'affaires de la société F... et demande la prise en compte de frais de transport de véhicules, de frais de gestion et d'administration, des loyers et des frais de téléphone à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires, l'administration fait valoir que lors des opérations de contrôle de la société F..., M. D... a déclaré procéder lui-même au transport des véhicules achetés en Belgique jusqu'en France. Par suite, la demande de prise en compte d'une facture de la société Kol-Trans en date du 30 décembre 2012 d'un montant de 6 000 euros, réglée en espèces, pour une livraison de vingt-trois véhicules en France entre janvier et décembre 2013, laquelle ne présente pas au demeurant toutes les garanties d'authenticité, ne peut être admise. Il en va de même des frais de loyer dès lors que les factures de la SCI Vidichri concernent la mise à disposition d'un local à Cergy-Pontoise alors que la société ne justifie pas d'un contrat de location avec cette société ni de l'intérêt de louer un local dans cette localité où elle n'a pas déclaré d'établissement secondaire. Il en va de même des frais de téléphone pour lesquels aucune facture n'est présentée. Par suite et contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence des bénéfices réputés distribués à hauteur de 40 988 euros et qu'ils ont été désinvestis.
6. En second lieu, pour apporter la preuve que ces sommes réputées distribuées ont été effectivement appréhendées par M. D..., l'administration fait valoir qu'au 31 décembre 2013, date de la distribution des bénéfices, ce dernier disposait toujours seul de la maîtrise de l'affaire dès lors qu'il a été constaté qu'il était seul titulaire du pouvoir de signature sur le compte bancaire de la société F... ouvert à la Société Générale et le seul porteur d'une carte bancaire durant toute l'année 2013. Il avait ainsi seul accès aux fonds de la société. Si M. D... a cédé le 21 mai 2013 la moitié du capital de la société F..., cette modification statutaire a toutefois été sans influence sur l'accès aux fonds de cette société et M. D... est resté également seul gérant de la société pendant toute l'année 2013. L'administration a également relevé qu'il était le seul à engager et représenter la société à l'égard des tiers tout au long de l'année 2013. De même, toutes les factures étaient libellées au nom de M. D... en sa qualité de gérant de la société F... et ce dernier a seul signé tous les courriers et télécopies adressés à l'administration lors des opérations de contrôle de la société. Si le requérant soutient qu'il n'était pas le seul maître de l'affaire en raison de la cession de parts intervenue le 21 mai 2013, l'administration a toutefois démontré que cette modification statutaire était restée sans incidence sur le fonctionnement de la société et que M. D... était resté le seul à gérer la société et le seul à avoir accès aux fonds sociaux. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que les comptes bancaires de la société F... ne permettaient pas le prélèvement des bénéfices reste sans influence sur l'appréhension par M. D... des bénéfices dès lors que ceux-ci sont réputés distribués, la société n'ayant présenté aucune comptabilité ni aucune décision des associés décidant la mise en réserve des bénéfices ou l'incorporation au capital des bénéfices ainsi retenus. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que M. D... était seul maître de l'affaire au cours de l'année 2013 et qu'à ce titre, il est réputé avoir appréhendé les bénéfices distribués.
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
7. Il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée le 30 juillet 2015 à M. D... que l'examen des comptes bancaires de celui-ci a permis d'identifier des crédits bancaires d'un montant de 17 886 euros dont l'origine et la nature sont restés inexpliqués et que l'administration a imposés en qualité de revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.
8. Les crédits bancaires ayant été taxés d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition incombe au contribuable en vertu des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales selon lesquelles : " (...) la charge de la preuve (...) incombe également au contribuable (...) en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".
9. S'agissant du virement de 6 000 euros effectué par M. C... le 14 mars 2012, si le requérant soutient que cette somme correspond à la vente le 25 novembre 2011 de matériels de l'entreprise à la boucherie " Sultana " dont M. C... est le gérant et qu'elle n'est pas imposable en vertu de l'article 151 septies du code général des impôts, il se borne à de simples allégations alors que l'administration fait valoir, sans être contredite, que l'entreprise personnelle de M. D... a cessé son activité le 1er novembre 2009, soit deux avant la transaction alléguée et que la SARL Boucherie Sultana a cessé son activité le 5 avril 2010, soit un an et demi avant la transaction alléguée. Dès lors, le requérant ne peut être regardé comme apportant la preuve du caractère non imposable de cette somme, ni au demeurant son origine et sa nature. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a taxé cette somme en qualité de revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.
10. S'agissant du virement de 6 400 euros correspondant à quatre chèques émis par la SCI D..., si le requérant fait valoir que cette somme provient d'une société civile immobilière dont il est associé et que l'imposition en qualité de revenus d'origine indéterminée est injustifiée, il ne produit pour autant aucun élément tendant à démontrer la nature de ces sommes en provenance d'une société civile immobilière alors que la charge de la preuve lui incombe. En particulier, à supposer qu'il puisse être regardé comme soutenant que ces sommes doivent être imposées en qualité de revenus fonciers, il ne l'établit pas. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a taxé cette somme, entre ses mains, en qualité de revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2012 et 2013.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. D... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur général chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 1er septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. E... A..., premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°21DA00261 2