Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Marbrerie Varlet a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises mises à sa charge au titre des années 2012 à 2014.
Par un jugement no 1708339 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 février 2021, 29 octobre 2021 et 29 novembre 2021, la SARL Marbrerie Varlet, représentée par Me Bertrand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le service vérificateur a méconnu le principe général des droits de la défense en refusant de répondre aux observations qu'elle lui avait adressées ;
- la valeur locative des locaux qu'elle occupe ne pouvait être déterminée selon la méthode prévue à l'article 1499 du code général des impôts ;
- son activité ne peut être considérée comme industrielle alors qu'elle ne consiste ni à fabriquer, ni à transformer des biens mobiliers corporels ;
- le service vérificateur ne pouvait évaluer la valeur locative foncière en se fondant sur des éléments comptables de l'année 2007 sans les actualiser ;
- elle est fondée à se prévaloir de la documentation administrative référencée 6 E-1382 n° 2, du paragraphe 60 de la doctrine BOI-IF-CFE-10-30-40-20, ainsi que de la réponse ministérielle n° 32557, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 23 juin 2009.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2021, et un mémoire, enregistré le 22 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Marbrerie Varlet ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification des éléments de la société à responsabilité limitée (SARL) Marbrerie Varlet pris en compte pour la détermination de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises due par cette société au titre des années 2012 à 2014, l'administration fiscale l'a informée, le 5 novembre 2015, de ce qu'elle elle envisageait de modifier la base de calcul en substituant à la méthode d'évaluation de valeur locative des biens dont elle était locataire prévue à l'article 1498 du code général des impôts, celle de l'article 1499 du même code. Trois avis d'impositions supplémentaires ont en conséquence été émis, le 17 novembre 2016, mettant à la charge de la SARL Marbrerie Varlet les sommes de 7 323 euros, 7 409 euros et 7 465 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014. La SARL Marbrerie Varlet relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution foncière des entreprises mises à sa charge au titre de ces trois années.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts (...), les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. / (...) / ". Aux termes de l'article L. 56 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : / 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts ; / (...) ".
3. Lorsqu'une imposition est, telle la cotisation foncière des entreprises, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations. Les dispositions de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 de ce livre n'est pas applicable en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales, ont pour seul effet d'écarter cette procédure de rectification contradictoire mais ne dispensent pas du respect par l'administration, en ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises, des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense. Toutefois, le principe général des droits de la défense n'implique pas le droit pour le redevable d'obtenir une réponse motivée à ses observations sur la remise en cause envisagée par l'administration des éléments qu'il a déclarés en vue de son imposition à la cotisation foncière des entreprises. L'administration n'est, en outre, pas tenue aux obligations qui découlent du principe général des droits de la défense lorsque, sans remettre en cause les éléments ainsi déclarés, elle effectue, comme en l'espèce, une nouvelle évaluation de la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité.
4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la SARL Marbrerie Varlet ne peut utilement faire valoir que l'administration a méconnu le principe général des droits de la défense en ne lui adressant pas de réponse motivée à ses observations du 1er décembre 2015 faisant suite à la proposition de rectification du 5 novembre 2015 l'informant des rehaussements envisagés en matière de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012, 2013 et 2014. En tout état de cause, l'administration s'étant bornée, en l'espèce, à procéder, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation des biens passibles d'une taxe foncière loués par la société civile immobilière (SCI) Marvar, elle n'était pas tenue de mettre la société requérante à même de formuler des observations. Par suite, le moyen tiré du défaut de réponse aux observations du contribuable ne peut qu'être écarté comme inopérant.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. / Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 %. / (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Revêtent un caractère industriel, au sens de cet article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
7. Il résulte de l'instruction et, notamment, des indications données dans la proposition de rectification que la SARL Marbrerie Varlet exerce l'activité de travail du marbre consistant notamment à scier et à polir ce matériau en vue de son commerce, avec ou sans travaux de pose. Si la société requérante soutient que 85 % de son chiffre d'affaires provient de son activité de pose du marbre ainsi transformé, elle n'apporte aucune donnée chiffrée ni précision suffisante au soutien de ses allégations. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que son activité de travail du marbre nécessite d'importants moyens techniques, l'établissement qu'elle occupe étant équipé à cette fin de matériels et outillages industriels inscrits en immobilisations à l'actif de la société pour un montant total de 264 356,36 euros en 2012, 273 298,15 euros en 2013 et 271 930,25 euros en 2014, dont deux débiteuses acquises au prix de 62 240,36 euros et de 71 651,04 euros. Aussi, quand bien même son activité ne consisterait pas en la transformation de biens corporels mobiliers, l'utilisation par la SARL Marbrerie Varlet d'importantes installations techniques, ainsi que de matériels et outillages inscrits pour des montants importants en immobilisations, doit être regardée comme prépondérante dans l'exploitation de l'entreprise dans son ensemble. C'est donc à bon droit que l'administration a considéré que l'activité de la SARL Marbrerie Varlet revêtait un caractère industriel.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1500 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur: " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / - 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites. ".
9. Il résulte de l'instruction que, pour justifier l'application de la méthode de calcul de la valeur locative des biens, prévue à l'article 1499 du code général des impôts, que la SARL Marbrerie Varlet avait en location pour l'exercice de son activité, le service vérificateur a relevé que leur propriétaire, la SCI Marvar, avait inscrit leur coût d'acquisition à l'actif de son bilan comptable et que cette société était soumise aux obligations définies à l'article 53 A du code général des impôts, dès lors qu'elle avait opté pour l'impôt sur les sociétés en 2007 ainsi que l'autorise l'article 239 du même code. Par ailleurs, il est n'est pas contesté qu'au titre des années en litige, la SCI Marvar était effectivement assujettie à l'impôt sur les sociétés et s'acquittait de cet impôt. Dès lors et en tout état de cause, la SARL Marbrerie Varlet ne peut utilement se prévaloir de l'irrégularité de la déclaration d'option souscrite le 12 octobre 2017 par la SCI Marvar, pour en déduire que l'administration ne pouvait appliquer la méthode prévue à l'article 1499 du code général des impôts pour évaluer la valeur locative des biens qu'elle exploite pour l'exercice de son activité.
10. En troisième lieu, en se bornant à soutenir qu'aucune actualisation des données comptables, qui datent de 2007, n'a été effectuée par l'administration pour évaluer la valeur locative foncière au titre des années 2012 à 2014, la SARL Marbrerie Varlet ne met pas la cour à même d'apprécier la portée de ce moyen, alors que l'administration pouvait fonder l'évaluation de la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière sur les déclarations comptables effectuées par la SCI Marvar.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
11. La SARL Marbrerie Varlet n'est pas fondée à se prévaloir ni de l'interprétation contenue au point 2 de la documentation de base 6 E-1382 du 1er septembre 1991 et au paragraphe n° 60 du BOI-IF-CFE-10-30-40-20, ni de la réponse ministérielle n° 32557 faite à M. A..., député, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 23 juin 2009, qui concernent l'application de dispositions autres que celles de l'article 1499 du code général des impôts.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Marbrerie Varlet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Marbrerie Varlet est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Marbrerie Varlet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
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N°21DA00331
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