Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, d'une part, en droits et pénalités, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, d'autre part, de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1801987 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Bertrand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire du fait que le vérificateur s'est borné à procéder à deux rencontres en début de contrôle et qu'il a décidé de ne plus poursuivre le dialogue, compte-tenu du rejet de la comptabilité ;
- la durée maximale de vérification de six mois prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales a été méconnue ;
- la méthode de reconstitution des résultats imposables est radicalement viciée et excessivement sommaire ;
- le délai de reprise limité à deux ans prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales était applicable car l'avis de vérification adressé le 24 juillet 2014 portait déjà sur l'année 2011, alors qu'aucune pénalité n'avait été prononcée au titre d'une période non prescrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui exploite à titre individuel un salon de beauté, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, après avoir écarté la comptabilité comme non probante et reconstitué le chiffre d'affaires, l'a assujettie à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 à 2013 et a rappelé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, en suivant la procédure de rectification contradictoire. Mme A... relève appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, en droits et pénalités, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, d'autre part, de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.
Sur les conclusions tendant à la décharge de la cotisation de taxe d'habitation :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration. ".
3. Il résulte de l'instruction que Mme A... n'a pas mentionné, dans ses réclamations du 20 juillet 2016 et du 26 octobre 2016, la cotisation de taxe d'habitation à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Lille par Mme A... et tendant à la décharge de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 étaient irrecevables en application des dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales. Par suite, la requérante, qui ne soulève d'ailleurs pas d'irrégularité du jugement sur ce point, n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 29 avril 2021 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille doit être regardé comme ayant rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la cotisation de taxe d'habitation mise à sa charge au titre de l'année 2014.
Sur les conclusions tendant à la décharge des cotisation d'impôt sur le revenu et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
5. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de l'entreprise exploitée par Mme A... a eu lieu dans les locaux de l'entreprise puis, à la demande de la contribuable, dans les locaux du comptable de l'entreprise. Deux entretiens ont été réalisés en présence de la contribuable, les 16 septembre et 20 octobre 2014, au cours desquels le vérificateur a demandé à discuter des activités exercées d'un point de vue technique. La circonstance que le vérificateur ait décidé de ne pas poursuivre les investigations sur place après le rejet de la comptabilité n'est pas de nature à établir que celui-ci se serait refusé à tout échange de vues avec la contribuable vérifiée et que cette dernière n'aurait ainsi pas bénéficié, à l'occasion des entrevues avec le vérificateur, d'un débat oral et contradictoire avec ce dernier. Dès lors, le moyen doit être écarté.
6. En second lieu, il résulte des dispositions du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales qu'en cas de graves irrégularités privant la comptabilité de sa valeur probante, les opérations de vérification de comptabilité sur place ne peuvent s'étendre sur une durée supérieure à six mois. En l'espèce, la comptabilité présentée par Mme A... était entachée de graves irrégularités la privant de toute valeur probante. La vérification de comptabilité de l'activité de Mme A... a débuté le 16 septembre 2014, date de la première intervention sur place du vérificateur, pour s'achever le 24 février 2015, date du dernier examen des livres et documents comptables, soit avant l'expiration du délai de six mois prévu par les dispositions précitées du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. La circonstance que l'administration a adressé à Mme A... une demande de renseignements le 25 février 2015, avant l'expiration du délai de six mois, qui ne portait pas sur une pièce comptable et n'a donné lieu à aucune rectification, reste, en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation du délai de six mois. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant du délai de reprise :
7. Il résulte des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales que le droit de reprise limité à deux ans pour les contribuables imposables selon un régime réel dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux s'applique aux contribuables qui sont adhérents d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, pour les périodes au titre desquelles le service des impôts des entreprises a reçu une copie du compte rendu de mission prévu aux articles 1649 quater E et 1649 quater H du code général des impôts. Toutefois, la limitation à deux ans du délai de reprise de l'administration ne s'applique pas, ainsi que l'article L. 169 du livre des procédures fiscales le précise, dans le cas où l'administration a appliqué au contribuable des pénalités autres que les intérêts de retard sur les périodes d'imposition non prescrites.
8. Il n'est pas contesté qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont l'activité exercée par la requérante a fait l'objet, le service a fait application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, aux cotisations d'impôt sur le revenu et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de Mme A... au titre des années 2012 à 2013 et au titre de la période correspondante. Mme A... ne conteste pas le bien-fondé de l'application de ces pénalités. En conséquence, l'administration, en écartant le bénéfice du délai de reprise de deux ans pour vérifier et redresser l'exercice 2011, a pu, sans commettre d'erreur de droit, exercer le droit de reprise de droit commun de trois ans. Dès lors, le moyen doit être écarté.
S'agissant de la charge de la preuve :
9. L'article L. 192 du livre des procédures fiscales précise que la charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration pour écarter la comptabilité incombe à cette dernière lorsque le litige est soumis au juge. Toutefois, lorsque la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités.
10. L'administration a écarté la comptabilité présentée par Mme A... au motif que le détail des recettes n'avait pas été présenté, que l'inventaire des stocks n'avait pas davantage été présenté et que les recettes étaient portées globalement en comptabilité dans une unique compte 706 " prestations " ne distinguant pas les ventes des prestations de service. La requérante ne conteste pas les graves irrégularités ainsi relevées par l'administration pour écarter la comptabilité comme non probante. En outre, il est constant que l'administration s'est conformée à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en date du 25 avril 2016. Par suite, la charge de la preuve incombe à Mme A....
S'agissant de la méthode de reconstitution :
11. Il résulte de l'instruction que l'administration a reconstitué les résultats et chiffres d'affaires de l'activité de Mme A..., d'une part, en valorisant les prestations à partir des factures d'achat des produits consommables et des équipements utilisés pour les différentes prestations de soins proposées par l'établissement. À partir des quantités acquises et de la durée séparant deux réassortiments, il a été déterminé une consommation annuelle, qui a permis au service d'estimer, d'une part, le nombre de clients annuels par catégorie de prestations, auquel il a été appliqué un panier en fonction des tarifs proposés, d'autre part, le nombre de clients ne se rattachant pas à une prestation précise, auquel il a été appliqué un panier moyen déterminé compte tenu des transactions réalisées par carte bancaire. Par ailleurs, l'administration a valorisé les ventes de produits par rapport aux inventaires fournis à partir des achats et du stock d'entrée, sous déduction des produits utilisés en cabine et du stock de sortie. Enfin, l'administration a appliqué trois abattements au titre des pertes, des cadeaux offerts à la clientèle et des produits utilisés par le personnel.
12. En premier lieu, la reconstitution repose sur des données propres à l'activité de Mme A..., recueillies par le biais de questionnaires adressés par le vérificateur au cours des opérations de vérification et lors du débat oral et contradictoire, ces données étant en rapport direct avec l'activité exercée. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthode de reconstitution ne peut être regardée comme radicalement viciée.
13. En second lieu, s'agissant de la quantité de drap utilisée par client, le service a retenu un chiffre de 2,5 mètres par client conformément aux indications données par la contribuable au cours du débat oral et contradictoire. Si Mme A... soutient à présent que la quantité utilisée est de 5,4 mètres par client, elle se borne à de simples allégations alors que, d'une part, la quantité retenue par le vérificateur est celle indiquée par Mme A... au cours du débat oral et contradictoire et, d'autre part, que cette dernière a également proposé de retenir, dans sa réponse à la proposition de rectification, une longueur de seulement 3,5 mètres par client sans qu'elle explique à présent la raison d'une telle variation dans la quantité de drap qui serait utilisée par client. Le procès-verbal d'huissier produit à l'appui de ses écritures, postérieur aux années en litige, est sans aucune valeur probante à cet égard. Par ailleurs, si la requérante reproche au vérificateur de ne pas avoir pris en compte les quantités réelles consommées sur la base des factures d'achat, il résulte de l'instruction qu'au nombre des griefs ayant justifié le rejet de la comptabilité, figure l'absence d'inventaire des stocks. Il en va de même du prix moyen de la prestation d'épilation qui s'établirait à 33 euros au lieu de 66 euros, la requérante se bornant à de simples allégations alors que, d'une part, la charge de la preuve lui incombe et que, d'autre part, le montant de 66 euros retenu par le vérificateur résulte d'une moyenne opérée à partir des encaissements constatés par celui-ci. Dès lors, le moyen tiré du caractère excessivement sommaire de la reconstitution du chiffre d'affaires doit également être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°21DA01373 2