Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure:
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. B... a également demandé au tribunal administratif d'Amiens d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 15 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2103995 du 10 février 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2022, M. B..., représenté par Me Mahamoud Sidibé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 2 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour portant mention " vie privée et familiale " et ce, dans le délai d'un mois à compter de la décision, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- le tribunal n'a pas statué sur la demande d'annulation sur l'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, dès lors qu'il avait fait l'objet précédemment d'une mesure d'éloignement et qu'il justifie de circonstances humanitaires ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, était applicable.
Par une ordonnance du 20 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022, à 12 heures.
La préfète de l'Oise a produit un mémoire en défense le 21 décembre 2022, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relatives aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien, est né le 3 mars 1977. Il déclare être entré en France le 21 octobre 2013. Le 9 août 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 novembre 2021, la préfète de l'Oise a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement n° 2103995 du 10 février 2022, dont M. B... demande l'annulation, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans sa requête devant le tribunal administratif, dans ses conclusions dirigées contre le refus de séjour, M. B... a tout au plus soulevé des moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, auxquels le jugement répond en ses points 3 à 6. Il ressort du point 4 du jugement attaqué que les premiers juges ont bien examiné le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. B... ne justifie pas l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familial", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
4. Si M. B... soutient qu'il est présent en France depuis neuf ans, il n'apporte des éléments justifiant sa présence que pour six de ces neuf années. En tout état de cause, l'ancienneté de la résidence en France ne constitue pas à elle seule ni une considération humanitaire, ni un motif exceptionnel suffisant à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions précitées. M. B... fait valoir qu'il vit sur le territoire français avec une compatriote en situation régulière avec laquelle il a eu un enfant, mais qui est né le 25 novembre 2021, soit postérieurement à l'acte en cause. De plus, l'ancienneté de cette relation ne ressort pas des pièces du dossier. Par ailleurs, M. B... ne conteste pas que ses trois enfants mineurs, sa mère et son frère résident dans son pays d'origine. S'il fait état de ses efforts d'insertion en indiquant qu'il paie des impôts et qu'il détient un contrat à durée indéterminée depuis le 1er mars 2020 pour exercer les fonctions d'ouvrier polyvalent, il n'allègue, ni ne justifie que cet emploi présente des caractéristiques particulières et n'établit pas disposer d'une qualification, d'une expérience ou d'un diplôme spécifique. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. B... présente un caractère humanitaire ou exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. Dès lors, la préfète de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ce moyen doit être écarté.
5. D'autre part, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. M. B... fait valoir que la décision portant refus de titre de séjour a pour effet de le séparer de son enfant car la reconstitution de la cellule familiale n'est pas possible au Mali dans la mesure où sa compagne a d'autres enfants issus d'une autre relation. Toutefois, à la date de l'acte en cause, leur enfant n'était pas né et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte des points 3 à 6 que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour doivent être écartés, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. M. B... soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant car la décision a pour effet de le séparer de son enfant. Toutefois, ces moyens sont inopérants à l'encontre de la décision qui a pour objet de fixer le pays de destination dans lequel il sera reconduit d'office à l'expiration du délai de trente jours qui lui est imparti pour quitter le territoire français. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code: " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-8 du même code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ".
10. M. B... fait valoir que sa situation relève de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de l'article L. 612-8 du même code mentionné par l'arrêté en cause. Toutefois, les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'appliquent aux situations où une décision d'interdiction de retour sur le territoire français est prise postérieurement à une décision d'obligation de quitter le territoire français. Or en l'espèce, les deux décisions sont simultanées et la situation de l'appelant entrait bien dans le champ des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, alors qu'à la date de l'arrêté il n'avait pas d'enfant sur le territoire français et que l'ancienneté de sa relation avec sa compagne n'est pas établie, la préfète de l'Oise n'a pas méconnu cet article L. 612-8 en édictant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions des articles L. 612-7 et L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
Le président-assesseur,
Signé : M. C...
La présidente de chambre,
présidente-rapporteure,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N°22DA00606