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23/03/2023 | FRANCE | N°22DA00942

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 mars 2023, 22DA00942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président de l'université de Rouen Normandie a refusé de lui verser la somme de 3 908,14 euros bruts correspondant au rappel des sommes lui restant dues au titre des années universitaires 2017-2018 et 2018-2019, d'autre part, de condamner l'université de Rouen Normandie à lui verser la somme de 3 908,14 euros bruts et enfin de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président de l'université de Rouen Normandie a refusé de lui verser la somme de 3 908,14 euros bruts correspondant au rappel des sommes lui restant dues au titre des années universitaires 2017-2018 et 2018-2019, d'autre part, de condamner l'université de Rouen Normandie à lui verser la somme de 3 908,14 euros bruts et enfin de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001853 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a partiellement fait droit aux demandes de M. A... en condamnant l'université de Rouen Normandie à lui verser la somme de 2 648,17 euros et en rejetant le surplus de ses conclusions relatives à la prime d'enseignement supérieur.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 2 mai 2022, les 8 et 27 décembre 2022, l'université de Rouen Normandie, représentée par Me Pichon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 2 648,17 euros au titre de la rémunération de son congé de formation professionnelle pour la période du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2018 et a mis à sa charge la somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la requête initiale de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier compte tenu de son insuffisante motivation relativement au décompte des obligations de service retenues au titre du congé de formation professionnelle ;

- pour la condamner à verser à M. A... une somme de 2 648,17 euros bruts correspondant aux heures de travaux dirigés qui n'avaient pas été rémunérées durant l'année universitaire 2018-2019, le tribunal a retenu la méthode de calcul proposée par M. A..., qui découle de la circulaire du 30 avril 2012 du ministre de l'enseignement et de la recherche, relative aux congés légaux des enseignants chercheurs et des autres enseignants exerçant dans l'enseignement supérieur ;

- en s'abstenant de viser cette circulaire dont il a pourtant fait application, le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit ;

- ce jugement méconnaît par ailleurs le principe d'autonomie administrative et financière dont bénéficient les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel en vertu des articles L. 711-1 et L. 712-8 du code de l'éducation nationale ;

- la détermination des méthodologies de calcul des périodes écoulées à l'occasion du congé de formation professionnelle suivi par un agent astreint à une obligation particulière de service relève de l'autonomie de gestion de l'université ; ainsi, le tribunal aurait dû appliquer la méthode de l'université de Rouen qui implique que seules les obligations de service prévues pendant le congé sont considérées comme accomplies, méthode qui se révèle plus avantageuse pour l'agent ;

- en application de cette méthode, le calcul des obligations de service de M. A... du fait de son congé de formation professionnelle doit être opéré par l'application de la formule " 384 heures de travaux dirigés (TD) / 26 semaines x 13 = 192 heures de TD réputées accomplies " ;

- s'agissant de la prime d'enseignement supérieur, c'est à bon droit que le tribunal a confirmé la décision refusant de faire droit à la demande de M. A... dès lors que, compte tenu de son congé de formation professionnelle, l'intéressé n'a pas accompli l'intégralité de ses obligations statutaires de service tel que l'exige l'article 3 du décret n° 89-776 du 23 octobre 1989 relatif à la prime d'enseignement supérieur attribuée à certains personnels enseignants en fonctions dans l'enseignement supérieur.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 octobre 2022 et le 22 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Labetoule, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'université de Rouen Normandie à lui verser la somme de 2 648,17 euros au titre du rappel de service relatif à l'année universitaire 2018-2019 ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant au versement de la prime d'enseignement supérieur au titre des années universitaires 2017-2018 et 2018-2019 et, en conséquence, de condamner l'université de Rouen Normandie à lui verser la somme de 1 259,97 euros bruts à ce titre ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Rouen Normandie une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il revient à l'université de Rouen Normandie de démontrer que son conseil d'administration a autorisé son président à interjeter appel du jugement, sous peine d'irrecevabilité de la requête ;

- le litige étant relatif à un contentieux indemnitaire n'excédant pas 10 000 euros, le jugement n'est pas susceptible d'appel ;

- les moyens soulevés dans la requête d'appel ne sont pas fondés ;

- la période du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2018 au cours de laquelle il se trouvait en congé de formation professionnelle doit être décomptée de son obligation de service annuelle de 384 heures à hauteur de 255,95 heures, conformément à la méthode proportionnelle instituée par la circulaire du 30 avril 2012 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- par ailleurs, le congé de formation professionnelle étant une position d'activité, il doit être regardé comme ayant accompli l'intégralité de ses obligations statuaires de service au cours des deux années universitaires 2017-2018 et 2018-2019, ce qui lui ouvre droit au bénéfice de l'intégralité de la prime d'enseignement supérieur.

Par une ordonnance du 28 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 19 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-776 du 23 octobre 1989 ;

- le décret n° 93-461 du 25 mars 1993 ;

- le décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 ;

- le décret n° 2010-997 du 26 août 2010 ;

- la circulaire du 30 avril 2012 du ministre de l'enseignement et de la recherche, relative aux congés légaux des enseignants chercheurs et des autres enseignants exerçant dans l'enseignement supérieur ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., professeur certifié d'anglais affecté au sein de l'université de Rouen Normandie à l'UFR Sciences et Techniques, département langues et communication, a bénéficié, à sa demande, d'un congé de formation professionnelle du 1er septembre 2017 au 30 avril 2018, puis du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2018. Durant ce congé, qui s'est étalé sur les années universitaires 2017-2018 et 2018-2019, il a perçu, conformément aux dispositions du I de l'article 25 du décret du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie, une indemnité mensuelle forfaitaire égale à 85 % du traitement brut et de l'indemnité de résidence afférents à l'indice qu'il détenait au moment de sa mise en congé. Par un courrier du 31 mars 2020, son conseil a adressé au président de l'université de Rouen Normandie, une demande sollicitant le versement d'une somme totale de 3 908,14 euros bruts, correspondant à des rappels de traitements et indemnités auxquels il estimait avoir droit. Il réclamait, d'une part, le versement d'une somme de 2 648,17 euros bruts correspondant à des heures de travaux dirigés (TD) qui n'avaient pas été rémunérées durant l'année universitaire 2018-2019 et, d'autre part, le versement d'une somme de 1 259,97 euros bruts correspondant à la prime d'enseignement supérieur dont il n'avait perçu qu'une partie au titre des deux années universitaires précitées. Sa demande ayant été implicitement rejetée, M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de la décision implicite de refus du président de l'université de Rouen Normandie de lui verser la somme de 3 908,14 euros bruts correspondant au rappel des sommes lui restant dues au titre des années universitaires 2017-2018 et 2018-2019 et de condamner cet établissement universitaire à lui verser cette somme.

2. L'université de Rouen Normandie relève appel du jugement du 1er mars 2022 du tribunal administratif de Rouen, en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 2 648,17 euros au titre de la rémunération de son congé de formation professionnelle pour la période du 1er septembre 2018 au 31 décembre 2018 et a mis à sa charge la somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant au versement de la prime d'enseignement supérieur au titre des années universitaires 2017-2018 et 2018-2019 et, en conséquence, de condamner l'Université de Rouen à lui verser la somme de 1 259,97 euros bruts à ce titre

Sur la compétence de la cour :

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; / (...) / Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel (...) ". En vertu de l'article R. 222-14 de ce code, le montant des indemnités visées par le 8° de l'article R. 811-1, déterminé conformément à ce que prévoit l'article R. 222-15, est fixé à 10 000 euros.

4. La demande d'un fonctionnaire ou d'un agent public tendant seulement au versement de traitements, rémunérations, indemnités, avantages ou soldes impayés, sans chercher la réparation d'un préjudice distinct du préjudice matériel objet de cette demande pécuniaire, ne revêt pas le caractère d'une action indemnitaire au sens du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Par suite, une telle demande n'entre pas, quelle que soit l'étendue des obligations qui pèseraient sur l'administration au cas où il y serait fait droit, dans le champ de l'exception, prévue à ce 8°, en vertu de laquelle le tribunal administratif statue en dernier ressort.

5. Il résulte des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Rouen que M. A... n'invoquait pas d'autre préjudice que l'insuffisance des sommes qui lui ont été versées, d'une part, au titre de la rémunération des heures de travaux dirigés durant l'année universitaire 2018-2019 et, d'autre part, en application du décret du 23 octobre 1989 relatif à la prime d'enseignement supérieur attribuée à certains personnels enseignants en fonction dans l'enseignement supérieur. Par suite, la demande qu'il a présentée au tribunal administratif ne peut être regardée comme une action indemnitaire au sens du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que le jugement du tribunal administratif de Rouen n'a pas été rendu en dernier ressort et que la requête de l'université de Rouen Normandie, formée contre ce jugement, ne présente pas le caractère d'un pourvoi en cassation mais d'un appel, qui ressortit à la compétence de la cour administrative d'appel de Douai.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... :

6. Aux termes du IV de l'article L. 712-3 du code de l'éducation : " (...) Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement. A ce titre : (...) 6° Il autorise le président à engager toute action en justice (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 29 janvier 2021, le conseil d'administration de l'université de Rouen Normandie a autorisé son président à engager toute action en justice. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce que le président de l'université de Rouen Normandie ne justifie pas d'une autorisation du conseil d'administration de celle-ci l'habilitant à agir en justice doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des énonciations du jugement attaqué, et notamment de ses points 2 à 4, que les premiers juges ont répondu, par une motivation qui rappelle tant les textes applicables que les faits de l'espèce, à l'ensemble des conclusions et des moyens opérants qui ont été soulevés en première instance, en particulier à celui tiré du décompte des obligations de service durant le congé de formation professionnelle dont a bénéficié M. A.... Ils n'étaient pas tenus de faire référence à l'ensemble des arguments que l'université de Rouen Normandie avait développés devant eux. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement au regard des exigences posées par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ne peut être accueilli.

9. D'autre part, selon l'article R. 741-2 du code de justice administrative la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Si les visas du jugement attaqué ne font pas mention de la circulaire du 30 avril 2012 du ministre de l'enseignement et de la recherche, relative aux congés légaux des enseignants chercheurs et des autres enseignants exerçant dans l'enseignement supérieur, il ressort des motifs de ce jugement que le tribunal n'a reproduit aucune disposition de cette circulaire, ni fait une application expresse de ses dispositions. Par suite, le jugement attaqué ne méconnaît pas les dispositions précitées.

Sur le bien-fondé du jugement :

10. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 6° Au congé de formation professionnelle (...) ". Aux termes de l'article 24 du décret du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'État : " Les fonctionnaires peuvent bénéficier, en vue d'étendre ou de parfaire leur formation personnelle : 1° Du congé de formation professionnelle mentionné au 6° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, pour une durée maximale de trois ans sur l'ensemble de la carrière, et dans la limite des crédits prévus à cet effet ; (...) ". Aux termes de l'article 25 du même décret : " I. - Le congé prévu au 1° de l'article 24 ne peut être accordé qu'à la condition que le fonctionnaire ait accompli au moins l'équivalent de trois années à temps plein de services effectifs dans l'administration. Ce congé peut être utilisé en une seule fois ou réparti au long de la carrière en stages qui peuvent être fractionnés en semaines, journées ou demi-journées. Durant le congé de formation professionnelle, le fonctionnaire perçoit une indemnité mensuelle forfaitaire égale à 85 % du traitement brut et de l'indemnité de résidence afférents à l'indice qu'il détenait au moment de sa mise en congé. Le montant de cette indemnité ne peut toutefois excéder le traitement et l'indemnité de résidence afférents à l'indice brut 650 d'un agent en fonctions à Paris. Elle est versée pendant une durée limitée à douze mois. Cette indemnité est à la charge de l'administration dont relève l'intéressé. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2 du décret du 25 mars 1993 relatif aux obligations de service des personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur : " Les enseignants titulaires ou stagiaires du second degré auxquels s'appliquent les dispositions du présent décret sont tenus d'accomplir, dans le cadre de l'année universitaire, un service d'enseignement en présence des étudiants de 384 heures de travaux dirigés ou de travaux pratiques. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que durant l'année universitaire 2018-2019, M. A... a bénéficié d'un congé de formation professionnelle pour la période courant du 1er septembre au 31 décembre 2018. Par son recours gracieux formé le 31 mars 2020 demandant la régularisation de sa rémunération à hauteur de la somme de 2 648,17 euros bruts, M. A... a contesté les modalités de décompte des heures de service tenant compte de son congé, retenues à hauteur de 192 heures par l'université de Rouen Normandie pour la détermination du temps de service d'enseignement qu'il devait effectuer au titre de l'année universitaire 2018-2019. Pour faire droit à la demande de M. A..., le tribunal administratif de Rouen a retenu que son service statutaire lui imposant d'accomplir 384 heures et l'année universitaire en vigueur au sein de l'université de Rouen Normandie au cours de l'année 2018-2019 comportant 26 semaines, l'intéressé devait, au regard de la durée de son congé de formation, être regardé comme ayant effectué 255,95 heures à ce titre.

12. Aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret. / (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. (...) ".

13. Les dispositions de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration instituent une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 du même code, tant qu'elle n'a pas été modifiée. En outre, l'usager ne peut bénéficier de cette garantie qu'à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers et qu'elle ne fasse pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s'assurer du caractère opposable de l'interprétation qu'il contient.

14. Par ailleurs, dans le cas où un texte prévoit l'attribution d'un avantage sans avoir défini l'ensemble des conditions permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre ou de fixer le montant à leur attribuer individuellement, l'autorité compétente peut, qu'elle dispose ou non en la matière du pouvoir réglementaire, encadrer l'action de l'administration, dans le but d'en assurer la cohérence, en déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter aucune condition nouvelle, des critères permettant de mettre en œuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation. Dans ce cas, la personne en droit de prétendre à l'avantage en cause peut se prévaloir, devant le juge administratif, de telles lignes directrices si elles ont été publiées. En revanche, il en va autrement dans le cas où l'administration peut légalement accorder une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit. S'il est loisible, dans ce dernier cas, à l'autorité compétente de définir des orientations générales pour l'octroi de ce type de mesures, l'intéressé ne saurait se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif.

15. Il ressort des énonciations de la circulaire du 30 avril 2012 du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche relative aux congés légaux des enseignants-chercheurs et des autres enseignants exerçant dans l'enseignement supérieur, que son objet est de rappeler le cadre réglementaire applicable aux congés de toute nature et leurs incidences sur les obligations de service alors que la direction générale des ressources humaines est sollicitée régulièrement sur les incidences du bénéfice d'un congé sur le volume annuel d'enseignement et sur les autres obligations de service dont sont redevables les personnels enseignants exerçant dans les établissements publics d'enseignement supérieur. A cet égard, la circulaire rappelle que les enseignants du second degré affectés dans les établissements publics d'enseignement supérieur voient leurs obligations de service fixées par le décret du 25 mars 1993 et que ne bénéficiant pas des dispositions relatives à la modulation, leurs obligations de service après un congé doivent être calculées systématiquement sur la base de 384 heures annuelles de travaux dirigés ou pratiques. Elle indique ensuite que les enseignants, comme tous les autres fonctionnaires, ont droit aux congés énumérés à l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et notamment le congé de formation professionnelle et que les établissements doivent s'assurer que ce droit à congé soit respecté en tenant compte des particularités des obligations de service diversifiées et annualisées des enseignants.

16. Pour la prise en compte des conséquences des congés des enseignants chercheurs sur les obligations de service d'enseignement durant l'année universitaire, la circulaire propose plusieurs méthodes de prise en compte des congés statuaires, à savoir soit la " méthode du tableau de service " pour le cas où il en existe un au sein de l'établissement, soit la méthode proportionnelle, s'il n'existe pas un tel tableau ou si son application désavantage l'enseignant. Compte tenu de leur rédaction, ces dernières dispositions, qui fixent des lignes directrices, ne sauraient être considérées comme constitutives de simples orientations générales.

17. Par ailleurs, si, en application des dispositions de l'article L. 954-1 du code de l'éducation, la circulaire rappelle que les établissements publics d'enseignement supérieur bénéficiant des responsabilités et compétences élargies peuvent adopter des règles plus avantageuses pour leurs enseignants tenant compte des besoins propres d'organisation des services dans l'établissement et notamment du nombre de semaines entre lesquelles sont réparties les activités d'enseignement et les autres activités, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le conseil d'administration de l'université de Rouen Normandie aurait adopté une délibération prévoyant des règles différentes en ce qui concerne les modalités d'appréciation des conséquences des congés statutaires sur les obligations de service de ses enseignants chercheurs, applicable à l'année universitaire 2018-2019 en litige.

18. Dans ces conditions, et dès lors que la circulaire du 30 avril 2012 a été publiée au bulletin officiel du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche n° 23 du 7 juin 2012 et mise en ligne le 12 juin 2012 sur le site Internet circulaires.legifrance.gouv.fr, M. A... peut utilement se prévaloir de cette circulaire, l'administration ne faisant valoir aucun motif d'intérêt général qui l'aurait conduite à déroger à cette circulaire ou de circonstances particulières propres à la situation de l'intéressé.

19. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'au titre de l'année universitaire 2018-2019, aucun tableau de service n'a été établi par l'université de Rouen Normandie pour définir les obligations de service de M. A... et que la durée de cette année universitaire était fixée à 26 semaines.

20. Lorsqu'il n'existe pas de tableau de service, la circulaire du 30 avril 2012 prévoit, pour la prise en compte des congés statutaires, de recourir à la méthode dite " proportionnelle ", qui repose sur l'application de la formule suivante : " (service statutaire après modulation éventuelle / durée de l'année universitaire) X durée du congé = nombre d'heures d'enseignement réputées effectuées du fait du congé ".

21. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il résulte de cette formule de calcul que la durée totale du congé de formation professionnelle doit être prise en compte sans qu'il y ait lieu de décompter les périodes durant lesquelles, indépendamment de ce congé, M. A... n'aurait été tenu à aucune obligation de service. A cet égard, l'université de Rouen Normandie ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la note de service du 7 novembre 2001 sur l'application du droit à congés pour les enseignants et enseignants-chercheurs, prévoyant que " si le congé intervient en partie sur l'année universitaire, il convient d'appliquer la même règle de proportionnalité en effectuant cependant, un prorata au regard de la période de congé qui est imputable sur la période d'enseignement ", ces dispositions ayant été abrogées par la circulaire du 30 avril 2012.

22. Par conséquent, dans la mesure où, pour la période courant du 1er septembre au 31 décembre 2018 qui équivaut à 17,33 semaines, M. A... a bénéficié d'un congé de formation professionnelle durant les 26 semaines de l'année universitaire 2018-2019 au titre de laquelle il devait en principe accomplir 384 heures d'obligations de services statutaires, il y a lieu d'appliquer la formule basée sur la méthode proportionnelle suivante : " 384/26 x 17,33 = 255,95 heures équivalent TD ".

23. Dès lors que l'université de Rouen n'a retenu que 192 heures équivalent TD au titre de cette même période, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de l'université de Rouen Normandie a refusé de lui accorder le versement d'une somme de 2 648,17 euros bruts correspondant à des heures de travaux dirigés qui n'avaient pas été rémunérées durant l'année universitaire 2018-2019 et dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle reviendrait à verser à l'intéressé une rémunération d'heures complémentaires qui n'ont pas été véritablement effectuées.

24. Il s'ensuit que l'université de Rouen Normandie n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen, en tant que celui-ci l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 2 648,17 euros.

Sur les conclusions d'appel incident :

25. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 23 octobre 1989 relatif à la prime d'enseignement supérieur attribuée à certains personnels enseignants en fonctions dans l'enseignement supérieur : " Une prime d'enseignement supérieur est attribuée aux personnels enseignants titulaires du premier ou du second degré en fonctions dans les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, aux personnels relevant des statuts particuliers de l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers (...) / Cette prime est exclusive de la prime de recherche et d'enseignement supérieur prévue par le décret n° 89-775 du 23 octobre 1989 susvisé ".Aux termes de l'article 3 de ce décret : " La prime d'enseignement supérieur ne peut être attribuée qu'aux enseignants accomplissant l'intégralité de leurs obligations statutaires de service. Cette prime est attribuée au même taux aux personnels qui bénéficient de décharges de service. / Les agents qui perçoivent des rémunérations complémentaires au titre d'un cumul d'emplois ou de l'exercice d'une profession libérale ne peuvent bénéficier de la prime d'enseignement supérieur ".

26. D'autre part, aux termes du I de l'article 1er du décret du 26 août 2010 relatif au régime de maintien des primes et indemnités des agents publics de l'État et des magistrats de l'ordre judiciaire dans certaines situations de congés : " 1° Le bénéfice des primes et indemnités versées aux fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) est maintenu dans les mêmes proportions que le traitement (...) en cas de congés pris en application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, des 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et des articles 10, 12, 14 et 15 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; 2° Les dispositions des régimes indemnitaires qui prévoient leur modulation en fonction des résultats et de la manière de servir de l'agent demeurent applicables ; 3° Les dispositions qui prévoient, pour certains régimes indemnitaires spécifiques rétribuant des sujétions particulières, leur suspension à compter du remplacement de l'agent dans ses fonctions demeurent applicables. (...) ".

27. Les dispositions du décret du 26 août 2010 citées ci-dessus fixent limitativement les situations de congés dans lesquelles les fonctionnaires de l'Etat placés dans une telle position ont droit au maintien du bénéfice, dans les mêmes proportions que leur traitement, des primes et indemnités qui leur sont versées. Or, il est constant que le congé de formation professionnelle prévu par le 6° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ne figure pas parmi les congés énumérés à l'article 1er de ce décret. Au surplus, les dispositions du I de l'article 25 du décret du 15 octobre 2007 fixant la rémunération mensuelle forfaitaire allouée aux fonctionnaires durant le congé de formation professionnelle, prévoient le versement d'une indemnité forfaitaire égale à 85 % du traitement brut et de l'indemnité de résidence, à l'exclusion de toute autre indemnité. En outre, contrairement à ce que soutient M. A..., la circulaire du 30 avril 2012 se limite à rappeler que la prime d'enseignement supérieur est régie par les dispositions du décret précité du 26 août 2010.

28. Enfin, en tout état de cause, dès lors que l'article 3 du décret du 23 octobre 1989 conditionne l'octroi de la prime d'enseignement supérieur à l'accomplissement de l'intégralité des obligations statutaires de service, le placement de M. A... en congé de formation professionnelle durant une partie des années universitaires 2017-2018 et 2018-2019 fait nécessairement obstacle à son versement au titre de la période durant laquelle il était placé dans cette position. A cet égard, si la circulaire du 30 avril 2012 prévoit un décompte fictif des heures de service durant le congé de formation professionnelle permettant de déterminer les obligations de service restant dues par l'enseignant au retour de ce congé en cours d'année universitaire, pour autant, cet agent ne peut en aucun cas être regardé comme ayant accompli l'intégralité de ses obligations statutaires de service dont il est redevable au titre de l'année universitaire, fixées à 384 heures conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 25 mars 1993 cité au point 10.

29. Compte tenu des dispositions réglementaires applicables à la situation de M. A..., ce dernier n'est par suite pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de l'Université de Rouen Normandie a refusé de lui verser une somme de 1 259,97 euros bruts, correspondant à la prime d'enseignement supérieur au titre des années universitaires 2017-2018 et 2018-2019.

Sur les frais de l'instance :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'université de Rouen Normandie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'université de Rouen Normandie, la somme de 1 500 euros à verser à M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'université de Rouen Normandie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. A... sont rejetées.

Article 3 : L'université de Rouen Normandie versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'université de Rouen Normandie.

Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA00942 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00942
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CORNET-VINCENT-SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-23;22da00942 ?
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