Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015.
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Par un jugement nos 1904983, 1904987 du 11 février 2022, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2022, Mme A... et M. B..., représentés par Me Fasseu, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration ne justifie ni de la décision de mise en recouvrement des impositions en litige, ni de l'homologation des rôles supplémentaires émis en vue du recouvrement de ces impositions par une autorité compétente avant l'expiration du délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, conformément aux dispositions de l'article 1658 du code général des impôts ;
- l'accroissement des soldes débiteurs des comptes courants ouverts à leur nom dans la comptabilité de la SCI D2 FELE, dont ils sont les associés, correspond, en réalité, à un prêt que cette société familiale à vocation patrimoniale leur a accordé à chacun ; le fait que ces prêts ont été consentis sans intérêts et sans terme défini et qu'ils ont eu pour finalité de leur permettre de régler des dépenses d'ordre personnel est sans incidence sur la validité de ces prêts, qui ont été formellement décidés par des délibérations de l'assemblée générale des associés de la SCI D2 FELE ; il en est de même du fait que ces prêts n'ont donné lieu à aucun remboursement ; au demeurant, les associés d'une société civile sont tenus, jusqu'à la dissolution de la société, aux dettes de celle-ci, à proportion de leur part dans le capital social ;
- par voie de conséquence, les cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux mises à leur charge ne sont pas fondées ;
- les intérêts de retard ne sont pas davantage fondés ;
- la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, n'est pas fondée, l'administration n'apportant pas la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qu'elle leur prête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme A... et M. B... n'établissent pas avoir sollicité du comptable public chargé du recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige la copie des rôles émis à cette fin ; au surplus, la preuve est apportée, par la production des extraits certifiés conformes des rôles en cause et des listes des contribuables imposés, de l'homologation, par une autorité habilitée, de ces rôles, valant décision de mise en recouvrement ;
- il n'est pas établi, par des procès-verbaux de délibération de l'assemblée générale des associés de la SCI D2 FELE qui n'ont pas date certaine, de ce que les sommes correspondant à l'accroissement, au cours des années d'imposition en litige, des soldes débiteurs des comptes courants d'associés ouverts au nom de Mme A... et de M. B..., qui ont eu pour contrepartie des crédits de compte bancaire et qui ont été utilisés par les intéressés pour régler des dépenses d'ordre personnel, correspondraient à des prêts consentis par la SCI D2 FELE ; ces procès-verbaux, établis après la remise des fonds, ne font d'ailleurs pas état de l'application d'un intérêt, et ne fixent aucune modalité de remboursement, ni aucun terme aux prêts auxquels ils font référence ; en conséquence, Mme A... et M. B... n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, de ce que ces sommes ne correspondent pas à des distributions exceptionnelles ou anticipées de produits sociaux, de sorte que l'administration était fondée à soumettre, entre leurs mains, les sommes correspondantes à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur le fondement du a. de l'article 111 du code général des impôts ;
- dès lors que les distributions ainsi opérées présentent un caractère répété sur les trois années en litige et portent sur des montants importants et que les délibérations de l'assemblée générale des associés de la SCI D2 FELE, à savoir Mme A... et M. B..., ont eu pour seul objet de couvrir la situation débitrice des comptes courants d'associés ouverts à leur nom et de faire échapper les sommes correspondantes à l'impôt, l'administration était fondée à assortir les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) D2 FELE, qui a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et dont M. C... B... et son ex-épouse, Mme E... A..., détiennent respectivement 65 % et 35 % des parts sociales, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a relevé que les comptes courants d'associés ouverts, au nom de chacun des intéressés, dans la comptabilité de cette société présentaient une situation débitrice sans cesse croissante tout au long de la période vérifiée. Le service a regardé l'accroissement des soldes de ces comptes courants comme correspondant à des revenus distribués ayant bénéficié à Mme A... et à M. B... et imposables entre leurs mains en application du a. de l'article 111 du code général des impôts. Elle a fait connaître sa position à Mme A... et à M. B... par des propositions qu'elle a adressées à chacun d'entre eux, le 14 décembre 2016, pour ce qui concerne l'année 2013, et le 16 mars 2017, pour ce qui concerne les années 2014 et 2015. Mme A... et M. B... ayant, chacun, présenté des observations qui n'ont pas convaincu l'administration de revoir son appréciation, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rehaussements ainsi notifiés ont été mises en recouvrement les 30 avril et 30 septembre 2018, à hauteur de 59 432 euros, pour ce qui concerne Mme A..., et de 141 766 euros, pour ce qui concerne M. B.... Leurs réclamations ayant été rejetées, Mme A... et M. B... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, chacun pour ce qui le concerne, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015. Mme A... et M. B... relèvent appel du jugement du 11 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir joint leurs deux demandes, les a rejetées.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture. ". Pour l'application de ces dispositions, l'article 376-0 bis de l'annexe II au code général des impôts précise que le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 du code général des impôts est celui d'administrateur des finances publiques adjoint.
3. Il résulte des éléments versés à l'instruction en appel par le ministre que les rôles établis pour la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige et sur le fondement desquels ont été émis les avis d'impositions supplémentaires adressés à Mme A... et à M. B..., ont été rendus exécutoires les 23 avril et 6 septembre 2018 par M. D... F..., administrateur des finances publiques adjoint. M. F... bénéficiait, comme tous les collaborateurs du directeur régional des finances publiques du Nord-Pas-de-Calais et du département du Nord ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint requis par les dispositions de l'article 1658 du code général des impôts et de l'article 376-0 bis de l'annexe II à ce code, d'une délégation de pouvoir qui lui avait été consentie par un arrêté du 14 février 2017 du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, et qui a fait l'objet, conformément à l'exigence posée par le second alinéa de l'article 1658 du code général des impôts, d'une publication, le 16 février 2017, au n°48 du recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord. Il suit de là que le moyen tiré par Mme A... et M. B... de ce que les rôles émis pour assurer le recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à leur charge au titre des années 2013, 2014 et 2015 n'auraient pas été régulièrement rendus exécutoires, doit être écarté. Cette homologation emporte décision de mise en recouvrement de ces rôles, établis pour obtenir le paiement d'impositions résultant de rehaussements notifiés aux intéressés, ainsi qu'il a été dit au point 1, le 14 décembre 2016, pour ce qui concerne l'année 2013, et le 16 mars 2017, pour ce qui concerne les années 2014 et 2015, c'est-à-dire avant l'expiration des délais de reprise impartis à l'administration, lesquels, conformément à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, s'exercent, pour l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Dès lors, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige n'ont pas été mises à la charge de Mme A... et M. B... au terme d'une procédure irrégulière.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :
4. En vertu du a. de l'article 111 du code général des impôts, sont considérées comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes.
5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, au cours de la vérification de comptabilité dont la SCI D2 FELE a fait l'objet, le service vérificateur a constaté que les comptes courants d'associés ouverts, dans la comptabilité de cette société, au nom de Mme A... et M. B... présentaient une situation constamment débitrice, au demeurant depuis l'exercice clos en 2010, et à hauteur de soldes sans cesse croissants. Dans cette situation et alors que les justifications avancées par la SCI D2 FELE ne l'ont pas convaincue, l'administration a estimé que les sommes correspondant à l'accroissement, au cours des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, de ces soldes débiteurs avaient constitué, pour Mme A... et M. B..., des revenus distribués imposables entre leurs mains, au titre des années 2013, 2014 et 2015, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du a. de l'article 111 du code général des impôts.
6. Mme A... et M. B... soutiennent que les sommes en cause ont été regardées à tort comme ayant la nature de revenus distribués, alors qu'elles ont, en réalité, été mises à leur disposition en exécution de prêts qui leur avaient été consentis, à chacun, par la SCI D2 FELE, en vertu de délibérations adoptées par l'assemblée générale les 16 juin 2014, 29 juin 2015 et 29 juin 2016. Ils produisent à cet effet les procès-verbaux de ces assemblées générales, faisant mention des décisions d'octroi de prêts.
7. Toutefois, ces procès-verbaux, versés à l'instruction, se rapportent à des délibérations n'ayant pas date certaine et dont il n'est pas contesté qu'elles ont été prises après l'inscription des sommes correspondantes au débit de comptes courants dont Mme A... et M. B..., au demeurant seuls associés de la SCI D2 FELE, avaient la libre disposition. En outre, ces procès-verbaux ne font aucune mention des modalités de remboursement des sommes sur lesquelles portent les prêts auxquels ils font référence, et ne fixent aucun terme à ces prêts, consentis, au surplus, sans intérêts, ce que le niveau des taux d'intérêts en vigueur aux dates auxquelles ces procès-verbaux ont été établis ne peut suffire à expliquer. Enfin, il n'est pas contesté que ces inscriptions en compte-courant d'associé ont eu pour contrepartie des crédits bancaires versés sur les comptes bancaires de Mme A... et M. B... et qui leur ont servi, chacun pour ce qui le concerne, à régler des dépenses de nature personnelle, telles des pensions alimentaires ou des frais de scolarité. Dans ces conditions, c'est à bon droit, dès lors que la preuve du contraire ne peut être tenue comme rapportée par Mme A... et M. B..., que l'administration a regardé les sommes ainsi mises à leur disposition comme ayant la nature de revenus distribués imposables, entre les mains de chacun des intéressés, sur le fondement des dispositions précitées du a. de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux et les intérêts de retard :
8. Eu égard à ce qui a été dit aux points 2 à 7, les conclusions de la requête de Mme A... et M. B... tendant, par voie de conséquence de la décharge des suppléments d'impôt en litige, à la décharge des suppléments de prélèvements sociaux et des intérêts de retard se rapportant à ces impositions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
10. Pour justifier du bien-fondé de l'application aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux notifiés à Mme A... et M. B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, le ministre fait valoir, en se référant aux termes des propositions de rectification adressées, à chacun des intéressés, le 14 décembre 2016, pour ce qui concerne l'année 2013, et le 16 mars 2017, pour ce qui concerne les années 2014 et 2015, le caractère répété, sur au moins les trois années d'imposition en litige, de la mise à disposition de Mme A... et de M. B..., par la SCI D2 FELE, de sommes par inscription au débit de leurs comptes courants d'associé, ainsi que l'importance des montants correspondants. Le ministre ajoute que les intéressés, seuls associés de la SCI D2 FELE, et qui n'ont pu justifier d'aucun remboursement à cette société, ne pouvaient ignorer, après l'adoption de délibérations destinées à couvrir les situations débitrices présentées par leurs comptes courants d'associé, qu'ils bénéficiaient de la distribution de produits sociaux qui, en raison de la qualification donnée par eux aux sommes en cause, échapperaient à l'impôt. Par ces éléments, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé Mme A... et M. B... et comme justifiant, par suite, du bien-fondé de l'application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... et M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA00803
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