Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2201946 du 22 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Voisin, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 15 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle méconnaît les stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2023, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. E... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 28 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023.
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 octobre 2023 accordant à M. E... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- et les observations de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., ressortissant algérien né en 1972 à Alger (Algérie), est entré en France le 2 février 2020 sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa court séjour délivré par les autorités consulaires italiennes à Alger valable du 28 août 2019 au 28 février 2020. Il a présenté, le 12 novembre 2020, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 17 février 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 15 juin 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. L'intéressé, qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, a sollicité, le 8 juillet 2021, la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7. de l'article 6 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 15 décembre 2021, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 22 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ".
3. Il résulte des stipulations précitées du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre de ces stipulations, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que, pour refuser de délivrer à M. E... un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet du Nord s'est fondé notamment sur l'avis émis le 6 décembre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il ressort des mentions portées sur cet avis, versé au dossier en première instance par le préfet de la Seine-Maritime, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, au vu notamment du rapport établi par le médecin rapporteur qui a procédé à la convocation de l'intéressée pour examen, que si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine. En conséquence, le préfet du Nord a estimé que l'intéressé ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour des stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
6. Pour soutenir que le refus de délivrer un certificat de résidence méconnaît les stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le requérant produit, outre des compte-rendu et des attestations, cinq certificats, en date des 23 juillet 2021, 4 octobre 2021, 13 octobre 2021, 21 janvier 2022 et 9 mai 2022, établis par un médecin addictologue, des médecins généralistes et un praticien du centre hospitalier de Dunkerque, indiquant que M. E... est suivi pour " des douleurs chroniques et dépression " et pour ses addictions. Toutefois, les éléments produits par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Nord, au vu notamment de l'avis émis le 6 décembre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que le requérant soutient, qu'il ne pourrait effectivement accéder à une prise en charge appropriée à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
7. En second lieu, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord, en rejetant la demande de titre de séjour de M. E..., aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés aux points précédents.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 6, que le préfet du Nord, en faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français, aurait entaché cette décision d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté.
10. En second lieu, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord, en faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés aux points précédents.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 et 8 à 10 que M. E... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ou de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2021 du préfet du Nord. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Voisin.
Copie en sera transmise au préfet du Nord et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience publique du 1er juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. D... C..., premier-conseiller,
- M. F... B..., premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.
Le président-assesseur,
Signé : M. SauveplaneLe conseiller le plus ancien,
Signé : B. C...
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°22DA02316 2