Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... se disant C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2201854 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 7 mars 2022 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la demande de Mme C..., dans un délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 février 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... se disant C... méconnaissait les articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 47 du code civil, alors, d'une part, que l'intéressée s'est prévalue d'un acte de mariage et d'un acte de notoriété supplétif à l'acte de naissance qui, eu égard aux nombreuses anomalies et non conformités dont ils sont affectés, se sont avérés falsifiés, d'autre part, que le passeport délivré au vu de cet acte ne peut être regardé comme de nature à justifier son identité, enfin, que l'autorité préfectorale n'est pas tenue de prendre attache avec les autorités nationales en cas de doute sur l'authenticité d'un acte d'état civil ;
- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat en première instance, les autres moyens soulevés par Mme A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2023, Mme A... se disant C..., représentée par Me Mukendi Ndonki, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros à verser, à titre principal, à son conseil ou, à titre subsidiaire, à elle-même soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement, respectivement, de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
- c'est à juste titre et à bon droit que le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'arrêté en litige, au motif que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil, dès lors, d'une part, que l'acte de mariage et l'acte de notoriété supplétif à l'acte de naissance ne pouvaient être écartés comme non probants au vu de non conformités mineures, que ces documents n'ont pas à être légalisés par à l'ambassade de la République démocratique du Congo, qu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites pénales pour usage de faux documents et qu'elle avait produit un passeport dont l'authenticité n'a jamais été remise en cause alors que ce passeport n'a pas été délivré sur la base de faux documents ; B... français de protection des réfugiés et apatrides n'a d'ailleurs pas remis en cause l'authenticité de ces documents ;
- les décisions de B... français de protection des réfugiés et des apatrides et du préfet de la Seine-Maritime, fondées sur les mêmes documents mais aboutissant à des conclusions opposées quant à son identité, font naître pour elle une situation d'insécurité juridique ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article 47 du code civil ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Par une ordonnance du 5 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2023.
Mme A... se disant C... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Sauveplane, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Une ressortissante de la République démocratique du Congo se disant C..., née le 5 mai 1973 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entrée en France avec ses quatre enfants, le 16 mai 2019, sous couvert d'un passeport congolais, en cours de validité, revêtu d'un visa, délivré le 1er avril 2019, valable du 1er avril 2019 au 30 juin 2019. Elle a sollicité, le 18 juillet 2019, la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité d'épouse d'un ressortissant congolais admis au statut de réfugié par une décision du 19 février 2018 du directeur général de B... français de protection des réfugiés et apatrides. Par un arrêté du 7 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 9 février 2023, le tribunal administratif de Rouen, sur la demande de Mme A... se disant C..., a, d'une part, annulé l'arrêté du 7 mars 2022 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la demande de l'intéressée, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ". Ces dernières dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause.
3. Pour refuser la délivrance à Mme A... se disant C..., du titre de séjour qu'elle sollicitait, le préfet de la Seine-Maritime a, selon les motifs mêmes de l'arrêté du 7 mars 2022, retenu notamment que l'acte de mariage et l'acte de notoriété supplétif à l'acte de naissance, que l'intéressée avait produits à l'administration à l'appui de sa demande de titre de séjour, avaient fait l'objet d'une analyse documentaire par le service compétent de la direction interdépartementale de la police aux frontières, qui avait émis un avis défavorable à ce que ces documents soient pris en compte comme probants, de sorte qu'il était impossible de regarder comme établies avec certitude l'identité et la nationalité de l'intéressée, cette situation faisant obstacle à ce qu'elle soit admise au séjour.
4. Il ressort du rapport d'analyse technique établi le 15 octobre 2020 par le service compétent de la direction interdépartementale de la police aux frontières pour rendre compte au préfet de la Seine-Maritime de l'analyse documentaire des documents produits par l'intéressée, que le service, au terme d'un examen approfondi de l'acte de notoriété supplétif à l'acte de naissance et l'acte de mariage, qui lui étaient soumis, a constaté que les mentions pré-imprimées utilisées pour établir les actes comportaient des fautes d'orthographe sur le cachet du ministère des affaires étrangères, les mentions ainsi portées sur les actes étant " Etrangéres " au lieu d'" Etrangères " et " Affaire " au lieu de "Affaires ". Le service a indiqué que les cachets secs étaient absents des actes et les cachets humides n'étaient pas légalisés. De plus, par un courrier n°132.49/A3/852/20169 en date du 31 août 2016, l'ambassade de la République démocratique du Congo en France demandait aux autorités françaises de ne pas accepter un document congolais qui n'est pas légalisé par l'ambassade de la République démocratique du Congo en France. Au vu de ces constats, le service a indiqué au préfet que l'acte de naissance était contrefait. Compte-tenu des éléments d'analyse précis qui lui ont ainsi été communiqués, le préfet de la Seine-Maritime était fondé à retenir que le document d'état civil dont Mme A... se disant C... s'était prévalue au soutien de sa demande de titre de séjour, à savoir un acte de notoriété supplétif à l'acte de naissance et un acte de mariage qui s'étaient avérés contrefaits, ne pouvait justifier de l'identité de l'intéressée.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... se disant C... se prévaut de sa carte d'électeur, et indique que cette dernière a été utilisée dans le cadre de sa demande de passeport pour justifier son identité. L'intéressée a fait également valoir que B... français de protection des réfugiés et des apatrides a produit un acte de mariage et un livret de famille et que les informations sur son acte de mariage et son acte de notoriété supplétif à l'acte de naissance sont exactes. Toutefois, ces circonstances ne sont pas de nature à justifier son identité car l'intéressée ne démontre pas que sa carte d'électeur n'a pas été obtenue à l'aide des documents non probants. Si l'intéressée fait valoir que B... français de protection des réfugiés et des apatrides atteste de l'identité de son supposé époux, B... français de protection des réfugiés et apatrides n'atteste pas pour autant de l'identité de Mme A... se disant C.... Enfin, les erreurs portant sur les mentions du cachet et l'absence de timbre sec ainsi que le défaut de légalisation du timbre humide sur les documents sont de nature à rendre impossible d'établir avec certitude l'identité de Mme A... se disant C.... Il suit de là que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen, pour annuler l'arrêté contesté, a retenu à tort que la décision refusant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour est entachée d'une méconnaissance des articles R. 431-10 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A... se disant C..., tant devant le tribunal administratif de Rouen que devant elle.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, l'intéressée fait valoir que sa qualité d'épouse d'un ressortissant congolais qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié fait obstacle à ce qu'elle puisse se présenter devant les autorités consulaires congolaises aux fins de légalisation de ses actes d'état civil. Toutefois, Mme A... se disant C... ne démontre ni son identité ni sa qualité d'épouse du ressortissant congolais en question. Ce moyen doit donc être écarté.
8. En deuxième lieu, si l'intéressée se prévaut d'une situation d'insécurité juridique, l'OFPRA et le préfet ayant pris deux décisions selon elles contraires sur la base des documents d'état civil congolais qu'elle a présentés, la décision de B... français de protection des réfugiés et apatrides, du fait de la reconnaissance de la qualité de réfugié au ressortissant congolais présenté par l'intéressée comme son époux, n'a octroyé des droits qu'au prétendu époux de Mme A... se disant Bagheya Wumba, et non à cette dernière. Ce moyen doit donc être écarté.
9. En troisième lieu, l'intéressée se prévaut d'un défaut de prise d'attache par l'autorité préfectorale avec les autorités consulaires de la République démocratique du Congo. Or, si les dispositions de l'article 47 du code civil imposent à l'autorité administrative, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte d'état civil, de procéder à toutes vérifications utiles, elles ne lui imposent pas, en revanche, de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité. Par suite, ce moyen doit être écarté.
10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, pour refuser l'admission au séjour de Mme A... se disant C..., a mentionné avec précision, dans l'arrêté contesté, les motifs de droit et les éléments de fait permettant de caractériser la situation de l'intéressée. En particulier, la décision de refus de titre de séjour indique, de façon suffisamment circonstanciée pour permettre à l'intéressée de les discuter utilement, les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement, notamment, l'usage de faux documents rendant l'identification de l'intéressée impossible ainsi que, par voie de conséquence, l'identification du lien de filiation et la reconnaissance de sa qualité d'épouse. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour, tout autant que le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme A... se disant C..., doivent être écartés.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile : " La carte de résident prévue à l'article L. 424-1, délivrée à l'étranger reconnu réfugié, est également délivrée à : / 1° Son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues aux articles L. 561-2 à L. 561-5 ; / (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A... se disant C... ne démontre pas son identité et a présenté un certificat de mariage contrefait. Par suite, elle ne peut être regardée comme démontrant sa qualité d'épouse du ressortissant congolais, qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, qu'elle présente comme son époux. Le moyen tiré de la méconnaissance, non pas de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui vise le cas uniquement des étrangers auxquels la qualité de réfugié a été reconnue, mais des dispositions précitées de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
13. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Mme A... se disant C... fait valoir qu'elle a suivi sur le territoire français des actions de formation et se prévaut de ses activités auprès de l'association culturelle " Eglise évangéliste d'Elbeuf ". Toutefois, ces circonstances ne sont pas de nature à établir qu'elle serait particulièrement insérée dans la société française. Par ailleurs, le lien de filiation entre ses enfants et le ressortissant congolais admis au statut de réfugié, de même que le lien matrimonial dont elle se prévaut avec ce dernier, ne peuvent, ainsi qu'il a été dit précédemment, être tenus pour établis. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... se disant C... au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis par cette décision. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ne peut qu'être écarté.
15. En septième lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
16. Mme A... se disant C... fait valoir que ses quatre enfants sont intégrés en France, qu'ils sont scolarisés et que la décision prise par le préfet de la Seine-Maritime aura pour conséquence de briser la cellule familiale, étant donné que le père des enfants, qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, ne saurait retourner en République démocratique du Congo. Toutefois, Mme A... se disant C... ne justifiant pas de son identité et de son lien avec ce ressortissant congolais, elle ne peut se prévaloir, par voie de conséquence, d'un lien de filiation entre ses enfants et ce dernier. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que les enfants de l'intéressée, qui sont entrés sur le territoire français en mai 2019 avec leur mère, poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
17. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressée doivent être écartés.
18. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 16, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour n'est pas fondé.
19. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux point 13 à 16, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
20. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté, après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la nationalité dont se prévaut Mme A... se disant C... et indiqué que celle-ci ne justifie pas de son état civil, précise que la mesure d'éloignement pourra, à défaut de départ volontaire dans le délai prescrit, être mise à exécution B... à destination du pays dont elle possède la nationalité ou de tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible. Par suite, cet arrêté, en ce qu'il fixe le pays de renvoi en cas d'exécution B... de la mesure d'éloignement, doit être tenu comme suffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit donc être écarté.
21. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 17 à 19, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas fondé.
22. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime, pour fixer le pays de renvoi, a procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... se disant C.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier ne peut qu'être écarté.
23. En quatrième et dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
24. Mme A... se disant C... soutient qu'elle craint de faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en sa qualité d'épouse d'un ressortissant congolais admis au statut de réfugié. Toutefois, l'intéressée n'établit pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, sa qualité d'épouse de ce dernier. Par ailleurs, elle ne produit aucun élément précis ni probant de nature à établir qu'elle encourrait, à titre personnel, des risques pour sa sécurité ou son intégrité en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé son arrêté du 7 mars 2022, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de Mme A... se disant C... et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de celle-ci d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et à demander l'annulation de ce jugement. Les conclusions y afférentes de la demande présentée par Mme A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen doivent donc être rejetées. Il en va de même des conclusions présentées par Mme A... se disant C... devant la cour au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement no 2201854 du 9 février 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que les conclusions qu'elle présente devant la cour au titre tant de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 que de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime, à Mme A... se disant C... et à Me Mukendi Ndonki.
Délibéré après l'audience publique du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.
Le président, rapporteur,
Signé: M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé: C. Heu
La greffière,
Signé: N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
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No23DA00353