Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 mars 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2301825 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2024 et le 31 mai 2024, M. A..., représenté par Me Inquimbert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer ce seul récépissé dans l'attente du réexamen de sa situation dans le même délai de huit jours, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le mémoire en défense produit postérieurement à la clôture de l'instruction n'a pas été écarté des débats ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de justice administrative ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est lui-même entaché ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est elle-même entachée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 mars 2024 et le 4 juin 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du23 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 14 juillet 2001 qui déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er octobre 2017, a déposé le 24 novembre 2022 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de justice administrative. Par un arrêté du 2 mars 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties, après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction.
3. Il ressort des pièces du dossier que si, par une ordonnance du 23 mai 2023, la clôture de l'instruction avait été fixée au 25 juillet 2023 à 12 heures, le mémoire produit le 26 juillet 2023 par le préfet de la Seine-Maritime a été communiqué au conseil de M. A... par l'intermédiaire de l'application Télérecours le 31 juillet 2023 à 15 heures 40, dont l'intéressé a pris connaissance le même jour à 16 heures 24. Ce faisant, le président de la formation de jugement a nécessairement rouvert l'instruction, de sorte que le mémoire en défense précité a été enregistré au greffe de la juridiction et communiqué à M. A... avant la nouvelle clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience qui s'est tenue le 7 septembre 2023, laissant à l'intéressé un délai suffisant pour y répondre. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au motif que le mémoire en défense du 26 juillet 2023 a été communiqué après la clôture de l'instruction.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, l'autorité administrative doit vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", " salarié " ou " travailleur temporaire ". S'agissant de ces deux dernières mentions, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule - de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France - peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance le 27 décembre 2017 et a suivi une formation professionnalisante à compter de l'année 2018 en vue de préparer un certificat d'aptitude professionnelle comme " peintre applicateur revêtements ", le jury a refusé de lui délivrer ce certificat en mars 2021, en raison de notes insuffisantes, en particulier aux épreuves professionnelles. Sa première demande de titre de séjour, présentée sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a d'ailleurs été rejetée le 7 juin 2021 au motif qu'il ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études. A l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 24 novembre 2022, M. A... fait état du contrat d'apprentissage qu'il a conclu le 10 juillet 2021 en vue de l'obtention du même certificat de " peintre applicateur revêtements ", et au titre duquel il a perçu une rémunération pendant
dix-huit mois à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, cette circonstance, qui atteste seulement de l'acquisition en cours d'une qualification professionnelle, ne suffit pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1, quand bien même M. A... a obtenu son certificat d'aptitude professionnelle le 30 juin 2023, postérieurement à l'arrêté contesté. Au demeurant, il produit à l'instance des fiches de paie dont il ressort qu'il exerce les fonctions de manutentionnaire depuis décembre 2023, dans un secteur d'activité sans rapport avec celui de peintre en bâtiment. Par ailleurs, M. A... est célibataire et sans enfant et il n'est pas sérieusement contesté que sa mère et sa fratrie résident au Mali. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
7. M. A... fait état de son arrivée sur le territoire français alors qu'il était mineur, de sa maîtrise de la langue française, de ses efforts d'intégration dans la société française, et de l'absence d'attache dans son pays d'origine. Toutefois, si le requérant, célibataire et sans enfant, justifie poursuivre une formation qualifiante à la date de l'arrêté contesté, il ressort de sa demande de titre de séjour que sa mère et sa fratrie résident dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un refus de séjour sur la situation de M. A....
En ce qui concerne la décision de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, M. A... n'établit pas que la décision lui refusant le droit au séjour serait illégale. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir de la prétendue illégalité de ce refus de séjour pour soutenir que, par voie d'exception, la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait elle-même illégale.
10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une mesure d'éloignement sur la situation de M. A....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, M. A... n'établit pas que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir de la prétendue illégalité de cette décision d'éloignement pour soutenir que, par voie d'exception, la décision fixant le pays de destination serait elle-même illégale.
13. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de
la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant le Mali comme pays de destination alors que M. A... ne conteste pas être un ressortissant malien.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Inquimbert.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
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N° 24DA00009