Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté en date du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2300239 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Vincent Souty, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiante " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation dans le même délai ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît les stipulations du titre III de l'accord franco-algérien et de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces stipulations.
Par ordonnance du 9 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 février 2024 à 12 heures.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Maritime qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller honoraire,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 5 juillet 2004, relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué comprend les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi, et alors même que les motifs de l'arrêté ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, le préfet a suffisamment motivé sa décision de refus de séjour. En outre, le préfet a visé dans son arrêté l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permet d'assortir un refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, la mesure d'éloignement contestée, qui, en vertu des termes mêmes de l'article L. 613-1 du même code, n'a pas à faire l'objet d'une motivation en fait distincte de celle de la décision relative au séjour, est elle-même suffisamment motivée. Il en va de même de la décision fixant le pays de destination qui, après avoir visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, expose que l'appelante ne sera pas soumise à des traitements inhumains et dégradants prohibés par ces stipulations en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen, qui manque en fait, doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que son auteur a procédé, pour toutes ses décisions, à l'examen des éléments relatifs à la situation de l'appelante portés à sa connaissance. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, Mme B..., qui résidait depuis un peu plus de quatre ans sur le territoire national à la date d'adoption de la décision litigieuse, est célibataire et sans charge de famille. Elle a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie. Son père et sa mère ont fait également l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par un jugement du 15 décembre 2022 du tribunal administratif de Rouen, devenu définitif. Si elle justifie de relations familiales, personnelles et amicales en France et de ses bons résultats scolaires qui lui ont permis d'être ultérieurement admise dans l'enseignement supérieur, ces éléments ne suffisent pas à démontrer qu'elle a fixé, en France, le centre de ses intérêts privés et familiaux et que par suite, la décision en litige a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, la décision de refus de séjour prise par le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'accord franco-algérien.
6. En quatrième lieu, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire " et aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4(lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".
7. Pour la délivrance du certificat de résidence " étudiant " prévu au titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien, l'intéressée relevait non de la dispense de visa de long séjour prévue à l'article L. 412-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au bénéfice de l'étranger mentionné à l'article L. 422-1 de ce code mais de l'exigence d'un visa de long séjour imposée par l'article 9 de l'accord franco-algérien.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2018 et est dépourvue du visa de long séjour requis pour la délivrance d'un premier titre de séjour " étudiant ". Par suite, le préfet de la Seine-Maritime pouvait valablement lui refuser la délivrance du titre sollicité. La décision en litige n'est dès lors entachée d'aucune méconnaissance des stipulations précitées de l'accord franco-algérien, ni des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, au demeurant, ne trouvent pas à s'appliquer aux ressortissants algériens. En outre, Mme B... ne fait pas état de circonstances telles qu'elle ne pourrait pas retourner dans son pays d'origine afin de solliciter, si elle s'y croit fondée, un visa de long séjour lui permettant de solliciter un titre de séjour portant la mention " étudiant ".
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste dans l'application de ces stipulations doivent être écartés.
11. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en septembre 2018 munie d'un visa de court séjour en accompagnant ses parents. Elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire national avec ses parents jusqu'au dépôt, en aout 2022, d'une demande de certificat de résidence " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, " étudiant ". Si le préfet a commis une erreur d'appréciation de cette situation en estimant que l'intéressée avait détourné, durant sa minorité, son visa touristique à des fins migratoires et avait démontré une volonté de ne pas respecter les normes et valeurs de la République, il aurait pris la même décision en se fondant sur les éléments de fait caractérisant la situation de l'intéressée, qui se ne sont entachés d'aucune erreur, et sur les circonstances de droit mentionnées dans sa décision.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Souty.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Jean-Pierre Bouchut, magistrat honoraire.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-P. Bouchut
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 23DA01947 2