Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300253 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Cécile Madeline, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, en cas de reconnaissance du bien-fondé de la demande, de lui délivrer un certificat de résidence algérien, valable un an et portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, dans l'hypothèse où seul un moyen d'illégalité externe serait retenu, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 février 2024 à 12 heures.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et leurs familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller honoraire, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Il ne ressort pas de la décision attaquée, ni des pièces du dossier, que celle-ci n'aurait pas été prise au terme d'un examen sérieux de la situation de Mme B..., dès lors qu'elle fait notamment état de ses conditions de séjour en France, de sa vie privée et familiale et des conséquences de sa situation en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit être écarté.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 17 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
4. Mme B... est entrée en France, selon ses déclarations, le 22 novembre 2016, durant la période de validité du visa de court séjour qui lui avait été accordé le 23 octobre 2016 jusqu'au 20 avril 2017. Elle s'est ensuite maintenue irrégulièrement en France jusqu'en décembre 2021, date à laquelle elle a sollicité la régularisation de sa situation auprès du préfet de la Seine-Maritime.
5. Mme B... est divorcée depuis le 20 mai 2020. Son père, de nationalité française, et sa mère, titulaire d'un certificat de résidence algérien délivré le 5 juin 2016, résident également en France et sont tous deux titulaires d'une carte d'invalidité. Ils hébergent Mme B... qui les aide dans la vie quotidienne. S'il ressort d'un certificat médical, postérieur à la décision attaquée et dont il n'est pas contesté qu'il atteste de la situation à la date de cette décision, que l'état de santé de la mère de l'intéressée requiert l'assistance d'une tierce personne, il n'est pas établi que la présence de Mme B... auprès de sa mère serait indispensable à ses côtés, dès lors notamment que son frère et sa sœur, titulaires d'une carte de résident, et l'un de ses fils majeurs, de nationalité française, résident à proximité et que ces derniers et une auxiliaire de vie pourraient lui prodiguer l'assistance nécessaire. Elle n'établit pas entretenir de relations particulières avec trois de ses quatre enfants qui résident en France, dont l'un possède la nationalité française et l'une a été confiée à sa sœur par kafala du 21 septembre 2015, qui a fait l'objet d'un jugement d'exequatur du 19 mars 2019 du tribunal de grande instance de Rouen. Si Mme B... produit, en cause d'appel, une promesse d'embauche, celle-ci est postérieure à la décision en litige. Son troisième enfant, né le 10 avril 2007, vit actuellement chez son oncle adoptant en Algérie après avoir fait l'objet d'une adoption par kafala du 12 novembre 2007. Elle n'établit donc pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts privés et familiaux alors qu'elle a vécu la majorité de son existence dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels sa décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
6. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale "
7. Mme B... reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit son moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
8. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont énoncés aux points 5 et 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par le préfet de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doit être écarté. En outre, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, qui ne contient que de simples orientations générales destinées à éclairer les préfets dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation et non des lignes directrices dont les intéressés pourraient se prévaloir devant le juge.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour.
11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
13. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux qui sont énoncés aux points précédents, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 24 octobre 2022 du préfet de la Seine-Maritime portant refus de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Madeline.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Jean-Pierre Bouchut, magistrat honoraire.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-P. Bouchut
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 23DA01983 2