Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la communauté d'agglomération Amiens Métropole à lui verser la somme globale de 45 119,37 euros en réparation des dégâts occasionnés à un immeuble lui appartenant situé 73 rue des Jacobins à Amiens à la suite de la rupture d'une canalisation d'eau potable au droit de cet immeuble et d'assortir cette somme des intérêts légaux à compter de l'introduction du recours.
Par un jugement n° 2001181 du 17 mai 2022, le tribunal a retenu la responsabilité sans faute de la communauté d'agglomération d'Amiens Métropole et l'a condamnée, en réparation des préjudices subis, à verser à M. B... la somme de 25 012,36 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 1er avril 2020.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022 et un mémoire, enregistré le 11 avril 2023, M. B..., représenté par Me Wacquet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a laissé à sa charge les frais d'expertise judiciaire pour un montant de 2 927,21 euros ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération d'Amiens Métropole à lui verser cette somme au titre des frais d'expertise ;
3°) de rejeter l'appel incident de la communauté d'agglomération d'Amiens Métropole ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération d'Amiens Métropole une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les frais de l'expertise, qui a montré son utilité, auraient dû être mis à la charge de la communauté d'agglomération Amiens Métropole, partie perdante ;
- il ne conteste pas le montant des travaux et les taux de vétusté retenus par le tribunal ;
- l'indemnisation accordée au titre du préjudice locatif, très inférieure à sa demande, ne doit pas être diminuée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2023, et un mémoire, enregistré le 20 avril 2023, la communauté d'agglomération d'Amiens Métropole, représentée par Me Phelip, conclut au rejet de la requête d'appel et demande à la cour d'annuler le jugement attaqué, de constater le caractère injustifié et en tout cas excessif des sommes allouées à M. B... par le tribunal et de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 25 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre ;
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public ;
- et les observations de Me Abdelatif, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire d'un ensemble immobilier situé au 73 rue des Jacobins à Amiens comprenant huit logements locatifs devant lequel une canalisation enterrée d'adduction d'eau potable, gérée par la communauté d'agglomération Amiens Métropole, a rompu en mai 2017 sur une portion du réseau d'eau potable située en amont du compteur individuel de M. B... sous le trottoir de la rue des Jacobins. Cette rupture a provoqué un affaissement du trottoir et l'apparition de fissures sur le bien de M. B.... Une expertise amiable réalisée au mois de mai 2017 a conclu que le montant des dommages subis par l'immeuble s'élevait à une somme totale de 15 539,51 euros. Par une ordonnance du 5 décembre 2018, le président du tribunal de grande instance d'Amiens a désigné un expert judiciaire chargé notamment de constater la réalité des désordres, d'en déterminer la cause et de déterminer et de chiffrer les travaux de nature à y remédier. A la suite de la remise du rapport de l'expert le 14 décembre 2019, M. B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la communauté d'agglomération Amiens Métropole à lui verser une somme globale de 45 119,37 euros. Par un jugement du 17 mai 2022, le tribunal d'Amiens a partiellement fait droit à la demande de M. B.... Ce dernier interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la mise à la charge de la communauté d'agglomération Amiens Métropole des frais de l'expertise judiciaire. La communauté d'agglomération Amiens Métropole, qui ne conteste pas en appel, que sa responsabilité est engagée à l'égard de M. B..., tiers par rapport à l'ouvrage public, interjette appel incident de ce jugement en tant que les sommes allouées par le tribunal sont injustifiées.
Sur les travaux de remise en état :
2. Il résulte de l'instruction et en particulier de l'expertise judiciaire, que les désordres affectant la porte cochère ne sont pas en lien avec la fuite d'eau. En revanche, l'expert a estimé que les fissures affectant les parties communes et trois logements résultent d'un tassement de l'immeuble en lien avec l'affaissement du trottoir et que les travaux de remise en état se montent à 19 345,23 euros toutes taxes comprises en ce qui concerne les trois appartements et à 8 783,39 euros toutes taxes comprises en ce qui concerne les parties communes. La communauté d'agglomération Amiens Métropole demande à ce que la réparation des dommages soit ramenée à 15 539,51 euros, soit la somme retenue lors de l'expertise amiable réalisée en mai 2017, sans toutefois critiquer utilement les conclusions de l'expert judiciaire dont l'évaluation devra être retenue.
3. L'expert judiciaire a préconisé l'application d'un coefficient de vétusté de 75 % pour les parties communes et de 10 % pour les appartements, ce dernier taux n'ayant pas été retenu par les premiers juges. M. B... explique que les appartements ont fait l'objet d'une rénovation intérieure complète entre fin 2014 et 2017, concomitamment à l'apparition des premiers désordres. Toutefois, si M. B... produit une facture datée du 4 novembre 2016 pour des travaux de reprise des murs et plafonds dans l'appartement du rez-de-chaussée, la grande majorité des autres factures concernent des travaux réalisés en 2014 et 2015, soit plus de deux ans avant le sinistre et pour la période plus récente, s'agissant des appartements des 1er et 2e étages, les factures versées concernent la reprise du sol d'une salle de bain de l'appartement ou la pose de menuiserie, mais pas les murs et plafonds endommagés lors de l'affaissement de 2017. Par suite, aucun taux de vétusté ne sera appliqué pour la réfection du logement du rez-de-chaussée évaluée à 6 661,76 euros, mais il y a lieu d'appliquer un taux de vétusté de 10 % sur les travaux de rénovation des appartements des 1er et 2e étages évalués à la somme de 12 683,47 euros et à en fixer la réparation à la somme de 11 415,12 euros. La somme totale à verser à M. B... à raison des travaux doit donc être fixée à 20 272,80 euros au lieu de celle de 21 541,15 euros retenue par les premiers juges.
En ce qui concerne les pertes de loyers résultant des travaux :
4. L'expert judiciaire a estimé, qu'eu égard à la nature et à l'ampleur des travaux à réaliser, seuls les occupants des logements du rez-de-chaussée et du 1er étage devraient libérer les lieux pendant une durée estimée, au vu des devis fournis, à six semaines. Le préjudice subi par M. B... correspondant à ces pertes de loyer doit être chiffré, compte-tenu de loyers mensuels de 670 euros et de 1100 euros, à la somme totale de 2655 euros. De plus, l'occupant de l'appartement du 2nd étage aura droit, sur le fondement de l'article 1724 du code civil, à une décote du bail, proportionnelle à la durée des travaux et au nombre et à l'affectation des pièces impactées. Cette décote doit être fixée au taux de 50 % du loyer mensuel qui s'élève à 1 030 euros, et le préjudice tenant à la réalisation d'un mois de travaux doit être fixé à la somme de 515 euros. Dans ces conditions, la somme visant la réparation des pertes locatives doit être fixée à 3 170 euros.
5. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Amiens-Métropole est fondée à demander que l'indemnité à allouer à M. B... soit ramenée à la somme 23 442,80 euros au lieu de celle de 25 012,36 euros allouée par les premiers juges. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2020, date d'enregistrement de la demande de M. B... au greffe du tribunal administratif d'Amiens, comme il le demande.
En ce qui concerne les frais exposés à l'occasion du litige :
6. En premier lieu, les frais de l'expertise ordonnée le 5 décembre 2018 par le président du tribunal de grande instance d'Amiens ne constituent pas des dépens de la présente instance au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Ces frais peuvent toutefois constituer un préjudice dont l'intéressé peut demander réparation si ce préjudice présente un caractère certain et si l'expertise a été utile à la résolution du litige.
7. En cause d'appel M. B... produit copie d'un chèque de 3 000 euros transmis au greffe du tribunal de grande instance d'Amiens pour consigner une somme au profit de l'expert. Toutefois, M. B... indique ne jamais avoir été destinataire d'une ordonnance de taxe fixant la rémunération définitive de l'expert et mettant définitivement à sa charge le montant de débours. Dans ces conditions, comme le fait valoir la communauté d'agglomération Amiens-Métropole, le préjudice évoqué par M. B... ne présente pas un caractère suffisamment certain et c'est à bon droit que les premiers juges en ont refusé l'indemnisation. Ses conclusions d'appel tendant à obtenir une indemnisation à raison de ces frais doivent être écartées.
8. En second lieu, au vu de l'utilité de l'expertise judiciaire, c'est à bon droit que le tribunal administratif, a mis à la charge de la communauté d'agglomération Amiens-Métropole le versement à M. B... d'une somme de 121,03 euros au titre des frais d'assignation devant le tribunal de grande instance d'Amiens pour la désignation de l'expert.
En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Amiens-Métropole qui n'est pas, dans la présente instance, la partie essentiellement perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à la communauté d'agglomération Amiens-Métropole sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 25 012,36 euros que la communauté d'agglomération Amiens-Métropole a été condamnée à verser à M. B... est ramenée à la somme de 23 442,80 euros, qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2020.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 mai 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire avec le présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la communauté d'agglomération Amiens-Métropole.
Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La présidente-assesseure,
Signé : I. Legrand La présidente-rapporteure,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Nathalie Roméro
N°22DA0151002