Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 1er octobre 2020 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploitation pour une superficie de 11,687 ha de terres situées sur le territoire de la commune de Vaulx-Vraucourt, correspondant aux parcelles cadastrées ZI 37, ZI 38, ZI 147, ZI 23 et ZI 148.
Par un jugement n° 2007791 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 août 2023 et les 29 août 2024 et 7 novembre 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 23 décembre 2024 et non communiqué, M. D..., représenté par Me Verague, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la région Hauts-de-France en date du 1er octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la région Hauts-de-France de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;
4°) de mettre la somme de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
- il est entaché d'une erreur dans sa motivation de nature à l'induire en erreur ;
- compte tenu de la motivation de l'arrêté en litige, il est fondé à se prévaloir du non-respect des critères de départage entre deux demandes relevant du même rang de priorité prévus à l'article 5 du schéma directeur régional du directeur régional des exploitations agricoles ;
- le préfet n'a, à tort, pas pris en compte la pluriactivité de M. E... D... pour l'application des dispositions du 1° de l'article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit dès lors que la compromission de la viabilité économique de l'exploitation n'est pas un critère de départage prévu à l'article 5 du schéma directeur régional ;
- sa situation doit être regardée comme prioritaire au regard des critères de départage prévus dans le schéma régional dès lors qu'il envisage une exploitation agricole en maraichage et qu'il est salarié agricole ;
- la reprise de 11 hectares sur l'exploitation agricole de M. E... D... ne risque pas de compromettre son activité après prise en compte de ses revenus extra agricoles, laquelle se situe déjà en deçà du seuil de viabilité économique ; en tout état de cause, M. E... D... n'apporte pas la preuve d'une compromission de son exploitation.
Par des mémoires, enregistrés les 3 mai 2024, 12 septembre 2024 et 29 novembre 2024, M. E... D..., représenté par Me Meillier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2024, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;
- l'arrêté du 29 juin 2016 du préfet de la région Hauts-de-France portant schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord - Pas-de-Calais ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delahaye, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique ;
- les observations de Me Delarmarliere substituant Me Verague représentant M. B... D... et celles Me Douay représentant M. E... D....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... a demandé le 11 février 2020 l'autorisation d'exploiter une superficie de 11, 687 hectares de terres situées sur le territoire de la commune de Vaulx-Vraucourt et cadastrées ZI 37, ZI 38, ZI 147, ZI 23 et ZI 148, pour lesquelles M. E... D... est titulaire d'un bail rural. Par un arrêté du 1er octobre 2020, le préfet de la région Hauts-de-France a rejeté cette demande. M. B... D... relève appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 38 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de région peut donner délégation de signature (...) : / 4° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs ou responsables des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans la région. Ces chefs ou responsables de service (...) peuvent donner délégation pour signer les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation aux agents placés sous leur autorité. ". En application de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, les décisions relatives aux autorisations d'exploiter sont prises par le préfet de région
3. L'arrêté en litige a été signé par Mme C..., cheffe du service régional et de la performance économique et environnementale des entreprises, qui bénéficiait d'une subdélégation de signature à cet effet consentie par arrêté du 6 juillet 2018, régulièrement publié le 24 juillet 2018, de M. A..., directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt. Ce dernier était lui-même bénéficiaire d'une délégation de signature du préfet de la région Hauts-de-France à ce titre consentie par arrêté du 8 janvier 2018, régulièrement publié le lendemain et librement accessible tant au juge qu'aux parties. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
4. En second lieu, d'une part aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) III. - Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération (...) / IV. - Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe les critères servant à l'appréciation de la dimension économique et de la viabilité des exploitations concernées par la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2. (...) / V. - Pour l'application du présent article, sont considérées comme concernées par la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 les exploitations agricoles du demandeur, des autres candidats à la reprise et celle du preneur en place (...) ". Aux termes de l'article L. 3311-1 du même code : " Pour l'application du présent chapitre : / (...) / 3° Pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il est tenu compte de l'ensemble des superficies exploitées par le demandeur, sous quelque forme que ce soit et toutes productions confondues, en appliquant les équivalences fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles pour les différents types de production (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 de ce code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place (...) ". Aux termes du II de l'article R. 331-6 du même code : " La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 3313-1. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) du Nord Pas-de-Calais du 29 juin 2016: "Autres définitions : Dimension économique de l'exploitation viable (DEV) : pour le Nord-Pas-de-Calais, l'exploitation agricole viable est définie comme étant une exploitation dont la superficie est égale à la moyenne régionale de toutes les exploitations confondue, source RA 2010 , arrondie à la dizaine inférieure soit 60 ha. Cette exploitation est susceptible de procurer à l'exploitant un revenu supérieur à 1 SMIC/UMO de revenus disponibles, les années les plus favorables (...) Activité extérieure et équivalent surface : pour la prise en compte de la pluriactivité, les revenus du travail provenant des autres activités professionnelles du demandeur sont convertis en surface selon l'équivalence un SMIC = 60 ha ". Aux termes de l'article 2 du même schéma : " Orientations - Au regard des objectifs fixés à l'article L. 331-1 les orientations de la politique régionale (...) doivent promouvoir une agriculture diversifiée, source d'emplois, génératrice de valeur ajoutée et de revenu pour les agriculteurs. Elle doit combiner performance énergétique, environnementale et sociale, en correspondant aux attentes des transformateurs et des consommateurs, et en s'impliquant dans l'aménagement du territoire et notamment : En premier lieu : / Installer, maintenir ou consolider les exploitations professionnelles de type familiale ou à taille humaine (...) afin de permettre à celles-ci d'avoir, de conserver ou d'atteindre une dimension économique viable et durable et pour cela : installer des agriculteurs sur des exploitations viables (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce schéma : " Ordre de priorité - Conformément à l'article L. 312-1 III, les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité. (...) Pour déterminer l'appartenance aux rangs 1 à 3, la surface équivalente du demandeur par unité de main d'œuvre (UMO) à comparer aux limites ou seuils est calculée comme suit : la surface équivalente du demandeur est la somme de : (...) la surface équivalente calculée à partir des revenus du travail provenant d'autres activités professionnelles du demandeur conformément à l'article 1. (...). En cas de demandes relevant d'un même rang de priorité et lorsque la demande d'autorisation porte sur une part de foncier indispensable à la viabilité du projet du nouvel installé, l'ordre de priorité à l'intérieur du rang sera le suivant : 1- Jeunes agriculteurs répondant aux conditions générales prévues aux articles D 343-4 et D. 3435 du CRPM et reprise au joint ; 2-Nouveaux installés bénéficiaires des aides du conseil régional répondant par ailleurs à l'article D 343-5 du CRPM ; 3- Autres nouveaux installés hors reprise au conjoint. ". Aux termes de l'article 5 dudit schéma : " Les critères d'appréciation de même rang de priorité. Pour départager les demandeurs d'un même rang de priorité et en application de l'article L. 312-1 du CRPM, l'autorité administrative pourra utiliser la dimension économique de l'exploitation agricole par unité de main d'œuvre définie au point 1 avant l'opération ou l'un des autres critères d'intérêt économique, environnemental ou social définis au point 2 ci-dessous. ".
6. En l'espèce, si le préfet de la région Hauts-de-France a relevé dans l'arrêté en litige, à titre surabondant, que la demande de l'appelant relève du 4ème rang de priorité défini à l'article 3 du SDREA, de même que l'exploitation du preneur en place, M E... D..., et qu'il y avait lieu " d'apprécier l'intérêt économique, environnemental et social énoncés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime du code rural et de la pêche maritime, conformément à l'article 5 du SDREA ", il ressort des pièces du dossier que le préfet a entendu exclusivement fonder le refus attaqué sur le motif tiré de ce que la demande de M. B... D... aurait pour effet de diminuer de 11,678 hectares la surface d'exploitation de M. E... D... en la portant à 45,49 hectares et ainsi de compromettre la viabilité de l'exploitation du preneur en place, au sens des dispositions du 2° de l'article de l'article L. 3313-1 du code rural et de la pêche maritime.
7. Il ressort des termes de l'arrêté en litige rappelés au point précédent que celui-ci comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, sans qu'ait d'incidence à cet égard l'erreur de plume affectant un seul de ses visas qui fait référence à tort à la décision de prolongation de la demande d'autorisation d'exploiter d'un tiers. Par suite, le moyen soulevé à ce titre doit être écarté.
8. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. E... D... est preneur en place d'une exploitation agricole d'une superficie de 56,73 hectares, soit d'une taille d'ores et déjà inférieure au seuil de viabilité de 60 ha fixé à l'article 1 du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) du Nord Pas-de-Calais du 29 juin 2016. La délivrance d'une autorisation d'exploiter à M. B... D... aurait ainsi pour effet une réduction supplémentaire de cette surface de 11,678 hectares. Dans ces conditions particulières, elle est susceptible de compromettre de manière accentuée la viabilité de l'exploitation de M. E... D..., au sens des dispositions précitées du 2° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime. En outre, contrairement à ce que fait valoir l'appelant, si l'autorité administrative est tenue en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime d'appliquer les équivalences fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles, il ressort des termes de l'article 3 du schéma régional applicable en l'espèce que la prise en compte d'une surface équivalente calculée à partir des revenus du travail provenant d'autres activités professionnelles du demandeur est uniquement prévue dans le calcul de la surface équivalente du demandeur par unité de main d'œuvre (UMO) pour déterminer l'appartenance aux rangs 1 à 3, et non pour apprécier la viabilité de l'exploitation du preneur en place au sens du 2° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime. En l'espèce, le préfet n'était en conséquence pas tenu, sur ce fondement, de prendre en compte les autres revenus de M. E... D..., qui exerce par ailleurs la profession d'ingénieur informatique. Les circonstances que l'exploitation envisagée par M. B... D... a trait à une activité de maraîchage et qu'il est, par ailleurs, salarié agricole, sont sans incidence sur ce point. Par suite, le préfet de la région Hauts-de-France n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées aux points 4 et 5 du présent arrêt en refusant à M. B... D... la délivrance de l'autorisation d'exploiter sollicitée.
9. Enfin, à supposer même que le préfet ait entendu également fonder son refus sur le 1° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et non pas uniquement sur le 2° du même article ainsi qu'il a été dit au point 6, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il s'était exclusivement fondé sur le motif tiré de la compromission de la viabilité de l'exploitation du preneur en place au sens des dispositions du 2° de l'article de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2020.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. B... D..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... D... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... D... la somme demandée par M. E... D... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. E... D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à M. E... D... et à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur ;
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : L. DelahayeLe président de chambre,
Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
2
N°23DA01635