Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 octobre 2023 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant deux ans, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cent euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2308813 du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2024 et un mémoire enregistré le 28 octobre 2024, qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Carel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit tout retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît son droit au séjour de plein droit sur le fondement des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
Par une ordonnance du 8 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 octobre 2024 à 12 heures.
Un mémoire en défense a été enregistré pour la préfecture du Nord le 27 janvier 2025, après la clôture de l'instruction.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 1er octobre 1970, déclare être entré sur le territoire national en février 1999 muni d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 14 décembre 1998 au 13 juin 1999 délivré par les autorités consulaires françaises à Alger. Il a été interpellé le 4 octobre 2023 puis placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour à l'issue de laquelle, par un arrêté du même jour, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit tout retour sur le territoire français durant deux années. M. A... relève appel du jugement du 21 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
3. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, et comporte les principaux éléments relatifs à la situation de M. A..., notamment en ce qui concerne l'irrégularité de son séjour depuis son entrée sur le territoire français déclarée en 1999 et son maintien après la notification d'une précédente mesure d'éloignement assortissant un refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien en date du 2 août 2019. Dès lors, la décision contestée, qui relève que l'intéressé est célibataire et sans enfants à charge ne justifie pas de liens d'ordre amical et social, et peut ainsi faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, est suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français, alors même qu'il n'aurait pas sollicité la délivrance d'un tel titre.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en février 1999
sous-couvert d'un visa long-séjour, n'a produit aucun document pour justifier de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis cette date jusqu'en 2009 et se prévaut uniquement de pièces pour s'en justifier à partir de l'année 2010 jusque l'année 2022. A ce titre, il a produit divers documents parmi lesquels figurent notamment des bulletins de salaire pour les périodes durant lesquelles il a exercé un emploi, des pièces émanant de la caisse primaire d'assurance maladie et de la caisse d'allocation familiale, des cartes de transports en région Ile-de-France et des relevés d'achats de titres de transport, des ordonnances médicales faisant état de soins reçus en France ou encore la copie de ses cartes individuelles d'admission à l'aide médicale d'Etat. Toutefois, d'une part, au titre de l'année 2013, il se borne à produire un simple relevé client Navigo non nominatif portant sur les semaines du 1er au 28 avril et un avis d'imposition sur les revenus de 2013 qui lui a été adressé le 14 juillet 2014, d'autre part, au titre de l'année 2016, un formulaire de déclaration de revenus pour l'année 2016 et des attestations délivrés par le syndicat des transports d'Île-de-France les 26 février et 27 mai 2016 sur ses droits à la solidarité transport ainsi qu'un relevé client Navigo non nominatif. En l'absence, pour ces deux années, de justifications telles que des relevés bancaires présentant des mouvements réguliers, des ordonnances médicales faisant état de soins reçus en France et de factures, les pièces fournies par M. A... sont insuffisantes pour établir qu'il a résidé de manière continue en France au cours de ces années. Par suite, sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans ne peut être tenue comme établie à la date de la décision attaquée. M. A... ne se trouve donc pas dans la situation du ressortissant algérien pouvant bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Dès lors, en prononçant à son encontre la mesure d'éloignement contestée, le préfet du Nord n'a ni méconnu ces stipulations, ni méconnu le principe rappelé au point 4.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ".
8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A... ne justifie pas résider régulièrement en France depuis plus de dix ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que bien qu'étant entré en France en 1999, M. A..., qui n'a cherché à régulariser sa situation en regard de son droit au séjour qu'en 2018 et a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle. S'il se prévaut de la présence régulière en France de l'intégralité des membres de sa famille, dont certains de nationalité française, il n'établit ni la réalité, ni l'intensité des liens entretenus avec eux. Dans ces conditions, alors qu'il est célibataire et sans enfants et a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, la décision lui refusant un titre de séjour ne porte pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En dernier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un refus de séjour sur sa situation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour de deux ans :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
14. L'arrêté contesté vise les dispositions applicables de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que, compte tenu des conditions de son entrée et de son séjour en France, de la prise en compte de sa situation familiale et de la circonstance qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, il y a lieu de fixer la durée de l'interdiction de retour en France à deux ans. Cette motivation, qui atteste de la prise en compte par le préfet de l'ensemble des critères prévus par la loi, est suffisante quand bien même elle ne rappelle pas l'ensemble des circonstances de fait se rapportant à la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
15. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui sont indiqués au point 10, la décision par laquelle le préfet du Nord a interdit à M. A... le retour en France pendant la durée de deux ans ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale, eu égard aux buts poursuivis par une telle mesure d'interdiction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
16. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Carel.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 février 2025.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 24DA01198 2