Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du 29 août 2020 par laquelle le président de la région Hauts-de-France a rejeté sa demande tendant au versement à l'association de gestion des œuvres sociales (AGOS), ou à la structure qui serait venue aux droits de cette association, de la subvention couvrant la charge nécessaire au paiement de sa rente viagère acquise à la date du 30 mars 1992 en sa qualité d'ancien élu de la région Picardie entre 1986 et 1993, puis entre 1998 à 2002.
Par un jugement n° 2007394 du 9 mai 2023 le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en tant qu'elle concerne la période courant à compter du 1er janvier 2016 et a enjoint à la région Hauts-de-France de procéder à ce versement pour la période postérieure au 1er janvier 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juillet 2023 et 17 septembre 2024, la région Hauts-de-France, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, qui est entachée d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, est irrégulier ;
- ce jugement est irrégulier faute pour la minute d'être revêtue des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- M. A... ne disposait pas d'une qualité lui donnant intérêt à agir pour demander au tribunal qu'il lui soit enjoint de verser à l'AGOS la subvention couvrant la charge nécessaire au versement de sa rente viagère acquise à la date du 30 mars 1992 ;
- le tribunal a limité à tort la prescription de la créance de M. A..., qui avait connaissance de l'existence de sa créance depuis l'année 2009, à la période antérieure au 1er janvier 2016 ;
- M. A... n'est pas fondé à se prévaloir d'une rente déjà liquidée et de droit acquis au versement de celle-ci au sens des dispositions de l'article L. 4135-25 du code général des collectivités territoriales dans le cadre du dispositif mis en place par l'AGOS ;
- il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 4135-25 du code général des collectivités territoriales qu'elle serait tenue de verser une subvention d'équilibre couvrant les charges nécessaires au paiement des pensions de retraite des anciens élus ;
- la subvention d'équilibre mentionnée à l'article L. 4135-25 du code précité ne saurait couvrir l'intégralité de la charge correspondant au versement de la rente viagère acquise par M. A... à la date du 30 mars 1992, sauf à constituer une libéralité ;
- les conclusions de l'intimé tendant à sa condamnation au versement d'une amende pour recours abusif sont irrecevables dès lors qu'il s'agit d'un pouvoir propre du juge ;
- sa requête ne présente pas un caractère abusif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Claeys, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la région Hauts-de-France ;
2°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de verser à l'AGOS ou à la structure qui serait venue aux droits de cette association, la subvention couvrant la charge nécessaire au paiement de sa rente viagère acquise à la date du 30 mars 1992 pour la période postérieure au 1er janvier 2016 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
3°) de condamner la région Hauts-de-France à verser une amende de 10 000 euros pour recours abusif;
4°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'appel de la région Hauts-de-France présente un recours abusif ;
- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 92-108 du 3 février 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Connil, représentant la région Hauts-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a effectué deux mandats en qualité de conseiller régional de Picardie de 1986 à 1993 puis de 1998 à 2002. Il a demandé à la région Hauts-de-France, par lettre du 25 juin 2020 reçue le 29 juin 2020, de verser à l'association de gestion des œuvres sociales du personnel de la région Picardie (AGOS) la subvention couvrant la charge nécessaire au versement de la rente viagère à laquelle il estime avoir droit à la date du 30 mars 1992. Par une décision implicite née le 29 août 2020, le région Hauts-de-France a rejeté cette demande. Cette dernière relève appel du jugement n°2007394 du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision en tant qu'elle concerne la période non prescrite courant à compter du 1er janvier 2016 et lui a enjoint de procéder au versement à l'AGOS, ou à la structure qui serait venue aux droits de cette association, la subvention couvrant la charge nécessaire au versement de la rente viagère acquise par M. A... à la date du 30 mars 1992 pour la période postérieure au 1er janvier 2016.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'erreur de plume commise par les premiers juges dans le dispositif quant à la date de la décision annulée est en l'espèce sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement du 9 mai 2023 est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement à ce titre doit être écarté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance:
4. Il est constant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyait de régime de retraite des conseillers régionaux avant l'intervention de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux. L'association " Amicale régionale des conseillers régionaux de Picardie " a conclu le 26 janvier 1990 avec la Caisse nationale de prévoyance (CNP) un contrat ayant pour objet de permettre à l'amicale d'attribuer à ses membres conseillers régionaux de Picardie un complément de retraite sous forme d'une rente viagère annuelle. Selon l'article 4 de ce contrat, l'amicale a la charge exclusive d'alimenter par une cotisation annuelle le fonds collectif d'épargne servant au prélèvement des capitaux constitutifs des rentes viagères à servir. En vertu des articles 9 et 10 de ce même contrat, le membre de l'amicale susceptible de bénéficier du régime convenu doit, pour y avoir droit, être âgé de soixante-deux ans révolus et ne plus exercer de mandat de conseiller régional. Toutefois en 2010, la CNP a informé l'association de gestion des œuvres sociales (AGOS), qui venait aux droits de l'amicale depuis 1999, de ce que le solde du fonds collectif de réserve ne permettait plus la liquidation de pensions nouvelles et a rejeté l'intégralité des demandes tendant à cette fin, de sorte que seuls les conseillers régionaux qui avaient été admis à ce régime avant 2010 ont continué de percevoir la rente viagère convenue entre l'AGOS et la CNP. Dans ces conditions, bien qu'il soit tiers au contrat conclu le 26 janvier 1990, M. A... avait intérêt à demander à la région Hauts-de-France de verser les crédits nécessaires à l'association AGOS afin de permettre à cette dernière d'honorer la rente viagère à laquelle il soutient avoir droit pour la période antérieure au 30 mars 1992. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir de M. A... doit être écartée.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4135-25 du code général des collectivités territoriales : " Les pensions de retraite déjà liquidées et les droits acquis avant le 30 mars 1992 des élus régionaux continuent d'être honorés par les institutions et organismes auprès desquels ils ont été constitués ou auprès desquels ils ont été transférés. Les charges correspondantes sont notamment couvertes, le cas échéant, par une subvention d'équilibre versée par les collectivités concernées. / Les élus mentionnés à l'alinéa précédent, en fonction ou ayant acquis des droits à une pension de retraite avant le 30 mars 1992, peuvent continuer à cotiser à ces institutions et organismes. / La collectivité au sein de laquelle l'élu exerce son mandat contribue dans la limite prévue à l'article L. 4135-22. ".
6. Les dispositions précitées de l'article L. 4132-25 du code général des collectivités territoriales ont pour objet de maintenir les droits à retraite des conseillers régionaux acquis auprès d'organismes locaux à caractère associatif mis en place avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux qui a créé, au titre des activités électives exercées, un régime légal de retraite. Pour la période précédant le 30 mars 1992, les dispositions du premier alinéa de l'article précité assurent à chaque élu régional le versement de la retraite acquise à cette date auprès de l'organisme gestionnaire de cet avantage, en en faisant couvrir la charge, si nécessaire, par une subvention d'équilibre versée par la collectivité dont l'intéressé était un élu, sans qu'il soit besoin de vérifier si cet élu a personnellement cotisé pour bénéficier de l'avantage acquis et sans que la subvention éventuellement versée par la collectivité concernée pour équilibrer l'avantage retraite mis en place avant le 30 mars 1992 soit plafonnée.
7. En l'espèce, M. A..., qui a effectué un mandat de conseiller régional entre 1986 et 1993, a constitué un droit à retraite auprès de l'association " Amicale régionale des conseillers régionaux de Picardie " et peut ainsi se prévaloir de droits acquis avant le 30 mars 1992. Il résulte de ce qui a été dit précédemment , que la région Hauts-de-France, venant aux droits de la région Picardie depuis le 1er janvier 2016, est en conséquence tenue de verser la subvention d'équilibre prévue à l'article L. 4132-25 du code général des collectivités territoriales, laquelle ne présente pas le caractère d'une libéralité, pour couvrir intégralement les charges correspondant à la pension de retraite dont M. A... est en droit de bénéficier pour son premier mandat, sans que l'appelante ne puisse utilement faire valoir que cette subvention ne figure pas dans l'énumération des dépenses obligatoires faite à l'article L. 4321-1 du code général des collectivités territoriales.
8. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... remplit les conditions pour se voir attribuer le bénéfice d'une rente viagère pour la période antérieure au 30 mars 1992 en sa qualité d'ancien conseiller régional depuis le 27 décembre 2012, date de son soixante-deuxième anniversaire. Toutefois, l'intéressé n'a demandé à la région Hauts-de-France le versement d'une subvention lui permettant de bénéficier de sa rente viagère que par courrier reçu le 29 juin 2020. Dès lors, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la créance de M. A... est prescrite pour la période antérieure au 1er janvier 2016.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite du 29 août 2020 par laquelle elle a refusé de verser à l'AGOS de la subvention d'équilibre couvrant la charge nécessaire au financement de la rente viagère acquise par M. A... à la date du 30 mars 1992 en tant qu'elle concerne la période courant à compter du 1er janvier 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette l'appel formé par la région Hauts-de-France contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 mai 2023, n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle qui a été fixée par l'article 2 dudit jugement. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. A....
Sur l'amende pour recours abusif :
12. L'appel exercé par la région Hauts-de-France ne présente pas un caractère abusif. Par suite, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que la cour prononce une amende sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative doivent en tout état de cause être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la région Hauts-de-France demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Hauts-de-France la somme de 1 500 euros que M. A... demande au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la région Hauts-de-France est rejetée.
Article 2 : La région Hauts-de-France versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la région Hauts-de-France et à M. B... A....
Délibéré après l'audience publique du 4 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de la formation de jugement,
Signé : L. DelahayeLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
2
N°23DA01347