Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier Durécu Lavoisier de Darnetal à lui verser la somme totale de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite du non-renouvellement de son contrat de travail.
Par un jugement n° 2102663 du 6 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 novembre 2023 et 27 janvier 2025, Mme A... représentée par Me Languil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier Durécu Lavoisier à lui verser la somme de 12 000 euros, avec intérêts à compter du 8 avril 2021 et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Durécu Lavoisier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- son ancien employeur n'a pas respecté le délai de prévenance fixé à deux mois par les dispositions du 3° de l'article 41 du décret du 6 février 1991, cette faute étant à l'origine d'un préjudice moral estimé à la somme 2 000 euros
- le centre hospitalier a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée pour un motif étranger à l'intérêt du service, cette faute lui ayant causé un préjudice financier de 10 000 euros
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2024, le centre hospitalier Durécu Lavoisier, représenté par Me Molkhou, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mme A...;
2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par le centre hospitalier Durécu Lavoisier en qualité d'agent de restauration et d'entretien à compter du 24 octobre 2018 dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée, régulièrement renouvelés jusqu'au 31 décembre 2020. Par lettre du 6 avril 2021, restée sans réponse, elle a demandé à son ancien employeur l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison du non-renouvellement de son dernier contrat. Mme A... relève appel du jugement n° 2102663 du 6 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement hospitalier à lui verser la somme totale de 12 000 euros en réparation de ces préjudices.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la méconnaissance du délai de prévenance :
2. Aux termes de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " I. - Les établissements peuvent recruter des agents contractuels pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires (...)Le contrat est conclu pour une durée déterminée. Il est renouvelable, par décision expresse, dans la limite de la durée de l'absence de l'agent à remplacer. ". Aux termes de l'article 41 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " Lorsque l'agent contractuel a été recruté par un contrat à durée déterminée susceptible d'être renouvelé en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité signataire du contrat notifie à l'intéressé son intention de renouveler ou non le contrat, au plus tard : / (...) 3° Deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée supérieure à deux ans. /. (...) ".
3. Si la méconnaissance de ce délai est sans incidence sur la légalité de la décision de ne pas renouveler le contrat de l'agent, cette illégalité constitue en revanche une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'établissement, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.
4. Il est constant que Mme A... a été employée par le centre hospitalier Durécu Lavoisier du 24 octobre 2018 au 31 décembre 2020, soit pendant une période continue de plus de deux ans, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs conclus sur le fondement de l'article 9-1 de la loi du 9 janvier 1986. En application des dispositions précitées du 3° de l'article 41 du décret du 6 février 1991, son employeur était en conséquence tenu de l'informer de son intention de ne pas renouveler son contrat deux mois avant le terme envisagé de son dernier contrat au 31 décembre 2020. Si le centre hospitalier indique avoir délivré cette information à l'appelante lors d'un entretien du 28 octobre 2020, cette seule allégation, reprise dans son courrier du 13 janvier 2021 adressé à l'avocate de Mme A..., ne permet pas d'établir que cette dernière a été effectivement informée dans le délai de prévenance de l'intention de son employeur de ne pas renouveler son contrat. Par suite, en s'abstenant de l'informer dans le délai requis, le centre hospitalier Durécu Lavoisier a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, en l'absence de toute pièce justifiant des recherches d'emploi qu'elle aurait engagées depuis la fin de son contrat de travail, Mme A... ne justifie pas que le non-respect ce délai de prévenance lui aurait causé le préjudice moral allégué lié à l'impossibilité d'anticiper ces recherches. Ses conclusions indemnitaires présentées à ce titre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
En ce qui concerne le non-renouvellement du contrat :
5. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.
6. Pour justifier du non renouvellement du dernier contrat de Mme A..., le centre hospitalier Durécu Lavoisier se prévaut d'un motif tiré de l'intérêt du service résultant d'une restructuration visant à améliorer le service rendu aux usagers et de la nécessité à ce titre de recruter un cuisinier, dont il produit le contrat de travail à l'instance, disposant de qualifications professionnelles plus importantes. L'appelante ne produit aucun élément, ni ne fait état d'aucune circonstance, de nature à établir que la décision de ne pas renouveler son contrat de travail aurait été prise pour des considérations étrangères à l'intérêt du service. Elle n'est dès lors pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier à ce titre.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Durécu Lavoisier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le centre hospitalier au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Durécu Lavoisier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier Durécu Lavoisier.
Délibéré après l'audience publique du 4 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de la formation de jugement,
Signé : L. DelahayeLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA02102