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02/04/2025 | FRANCE | N°24DA01042

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 02 avril 2025, 24DA01042


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel le préfet de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence.



Par un jugement n° 2401645 du 30 avril 2024, la magistrate dési

gnée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 23 avril 2024 par lequel le préfet de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence.

Par un jugement n° 2401645 du 30 avril 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2024, M. A... B... et Mme D..., représentés par Me Homehr, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Somme en date du 23 avril 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement doit être annulé pour erreur d'appréciation, erreur manifeste et erreur de droit ;

En ce qui concerne la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les décisions dans leur ensemble :

- elles doivent être annulées pour erreur d'appréciation, erreur manifeste et erreur de droit ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2024, le préfet de le Somme conclut :

1°) au non-lieu à statuer s'agissant des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;

2°) au rejet du surplus des conclusions.

Il soutient que :

- M. B... ayant exécuté volontairement la mesure d'éloignement, les conclusions de la requête dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français sont devenues sans objet ;

- les moyens dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Delahaye, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 1er juillet 1998, s'est vu opposer le 23 avril 2024 par le préfet de la Somme un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et interdisant son retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi qu'un arrêté du même jour prononçant son assignation à résidence. M. B... ainsi que son épouse, Mme C..., relèvent appel du jugement du 30 avril 2024 en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Contrairement à ce que soutient le préfet, la circonstance que M. B... ait exécuté volontairement la mesure d'éloignement qui lui a été opposé ne prive pas d'objet ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 30 avril 2024 ainsi que de l'obligation de quitter le territoire français du 23 avril 2024. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par le préfet de la Somme doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une erreur d'appréciation, d'une erreur manifeste et d'une erreur de droit sont inopérants. Ils doivent, par suite, être écartés en tant que tel.

En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

4. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) /3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

5. Pour refuser l'octroi d'un délai de départ à volontaire à M. B... sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Somme a estimé qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet dès lors qu'il déclare être entré en France en décembre 2020 sans pouvoir justifier d'une entrée régulière, qu'il s'y maintient irrégulièrement sans avoir sollicité la délivrance d'un titre, qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 14 mai 2023 et qu'il est dépourvu de document transfrontalier en cours de validité. M. B... ne conteste le bien-fondé d'aucun de ces motifs, alors que, contrairement à ce qu'il fait valoir, la décision en litige, n'est pas fondée sur la circonstance qu'il aurait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la mesure d'éloignement. En outre, si l'intéressé était, à la date de la décision contestée, en préparation de son mariage avec Mme C..., ressortissante française, avec laquelle il ne justifie d'une communauté de vie qu'à compter du 15 avril 2024, cette circonstance ne saurait caractériser en l'espèce une circonstance particulière faisant obstacle à la caractérisation d'un risque de soustraction à la mesure d'éloignement au sens des dispositions précitées de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors au demeurant que le mariage de l'intéressé a été célébré le 6 mai 2024, postérieurement à la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, et en l'absence d'autre élément, la décision litigieuse n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

7. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... réside irrégulièrement sur le territoire français depuis son entrée alléguée sur le territoire en décembre 2020 et s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 14 mai 2023. En outre, sa communauté de vie avec Mme C... était très récente à la date de la décision contestée alors qu'il ne justifie, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de son existence. Enfin, en se bornant à produire une promesse d'embauche non signée, établie postérieurement à la décision contestée, l'intéressé ne peut être regardé comme justifiant de son insertion en France. Par suite, le préfet de la Somme n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

En ce qui concerne les décisions dans leur ensemble :

8. En se bornant à soutenir par ailleurs que les décisions en litige doivent être annulées pour erreur d'appréciation, erreur manifeste et erreur de droit, les requérants n'assortissent pas leurs moyens de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée par Mme C..., M. B... et son épouse ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de M. B... dirigées contre les arrêtés du préfet de la Somme en date du 23 avril 2024. Par suite, leurs conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Somme

Délibéré après l'audience du 11 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2025.

Le rapporteur,

L. DelahayeLe président de chambre,

B. Chevaldonnet

La greffière,

A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01042
Date de la décision : 02/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Laurent Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : HOMEHR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-02;24da01042 ?
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