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09/04/2025 | FRANCE | N°23DA02358

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2025, 23DA02358


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation, ensemble la décision du 21 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2101706 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la

cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 décembre 2023 et les 29 octobre 2024 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation, ensemble la décision du 21 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2101706 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 décembre 2023 et les 29 octobre 2024 et 11 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Lacherie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions des 9 décembre 2020 et 21 janvier 2021 du directeur général du CHU de Lille ;

3°) d'enjoindre au CHU de Lille, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de procéder à sa réintégration, de reconstituer sa carrière et de le rétablir dans ses droits à compter de la date à laquelle la décision attaquée a pris effet ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Lille une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été informé de son droit de se taire ;

- aucun des faits qui lui sont reprochés n'est établi ;

- la sanction de révocation prononcée à son encontre est disproportionnée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 septembre 2024 et 4 novembre 2024, le CHU de Lille, représenté par Me Segard, conclut au rejet de la requête d'appel de M. B... et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par lettre du 19 mars 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de vice de procédure tenant à ce que M. B... n'a pas été informé de son droit de se taire ; en effet, dès lors que M. B... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne des décisions attaquées devant le tribunal administratif de Lille, le vice de procédure soulevé pour la première fois devant la cour, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.

M. B... a produit le 21 mars 2025 des observations en réponse au moyen d'ordre public qui ont été communiquées au CHU de Lille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-22 du 7 novembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lacherie, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 4 février 1970, a exercé comme agent des services hospitaliers qualifié au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille en qualité d'agent contractuel à compter du 9 septembre 2015 puis en qualité d'agent titulaire à compter du 1er avril 2017. Après avoir été mis en cause par deux collègues pour des faits d'attouchements sexuels, il a été suspendu à titre conservatoire par le directeur général de l'établissement par des décisions des 21 janvier 2020 et 20 avril 2020. Par une décision du 9 décembre 2020, le directeur général du CHU de Lille lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation. M. B... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 9 décembre 2020, ensemble la décision du 21 janvier 2021 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, devant le tribunal administratif de Lille, M. B... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision du directeur général du CHU de Lille en date du 9 décembre 2020. Si devant la cour, M. B... soutient en outre que cette décision serait entachée d'un vice de procédure tenant à ce qu'il n'a pas été informé du droit qu'il avait de se taire, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour lui infliger la sanction disciplinaire de révocation, le directeur général du CHU de Lille se serait fondé de manière déterminante sur les propos que M. B... aurait tenus au cours de la procédure disciplinaire, l'autorité disciplinaire s'étant fondée, à titre principal, sur les déclarations des collègues et responsables hiérarchiques directes de l'intéressé recueillies au cours de l'enquête administrative préalablement réalisée.

3. En second lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. / (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. / (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'en août 2019, deux collègues de M. B... ont signalé à la direction du CHU de Lille des faits d'attouchements sexuels que ce dernier aurait commis à leur encontre. L'établissement a alors diligenté une enquête administrative ayant conduit à l'audition de plus d'une vingtaine de personnes, dont l'ensemble des responsables hiérarchiques directes ayant eu à encadrer M. B... depuis son arrivée dans l'établissement en 2015 et plusieurs de ses collègues. Il ressort des nombreux témoignages ainsi recueillis au cours de cette enquête administrative, qui sont à la fois circonstanciés et très largement concordants, que M. B... tient très régulièrement auprès de ses collègues des propos à connotation sexuelle. Il fait fréquemment des gestes équivoques voire obscènes à l'égard de collègues de sexe masculin. Il dénigre également souvent les personnes avec lesquelles il travaille pour des motifs tenant à leurs origines, leurs appartenances religieuses ou leurs physiques. Il adopte enfin systématiquement une attitude tantôt acrimonieuse tantôt franchement agressive à l'égard de ses supérieures.

5. D'autre part, les faits mentionnés au point précédent présentent, de par leur accumulation et leur répétition, une gravité certaine et révèlent un comportement incompatible avec l'exercice au sein du service public hospitalier. Il ressort en outre des pièces du dossier, notamment du compte rendu des auditions des responsables hiérarchiques directes de M. B... au cours de l'enquête administrative, que son comportement est à l'origine d'une dégradation du climat au sein du service dans lequel il est affecté ainsi que de désorganisations et de dysfonctionnements. Par le passé, plusieurs de ses collègues se sont en effet placés en arrêt de travail à la suite d'incidents avec lui ou refusent désormais de faire équipe avec lui. Enfin, si M. B... n'a pas fait l'objet de procédures disciplinaires avant la procédure litigieuse, il ressort des pièces du dossier que ses supérieures hiérarchiques l'ont, à de nombreuses reprises, alerté sur son comportement général, notamment au cours de ses entretiens annuels d'évaluation ou lors d'entretiens de recadrage s'étant tenus à la suite d'incidents survenus avec ses collègues, sans que cela ne l'amène à le modifier.

6. Dans ces conditions, eu égard, d'une part, à l'incidence que le comportement inadapté de M. B... est susceptible d'avoir sur le fonctionnement du service et la sécurité des soins et, d'autre part, à l'absence d'amélioration de son attitude malgré les démarches préalablement entreprises par l'établissement, les faits exposés aux deux points précédents doivent être regardés non seulement comme étant établis et constitutifs de fautes disciplinaires mais également comme justifiant le prononcé de la sanction de révocation qui ne présente, en l'espèce et quand bien même le conseil de discipline avait proposé une sanction inférieure, pas de caractère disproportionné. Les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits sur lesquels la sanction attaquée est fondée et de son caractère disproportionné doivent, dès lors, être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2020, ensemble la décision du 21 janvier 2021 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, les conclusions dans le même sens qu'il réitère en appel ainsi que celles à fin d'injonction doivent à leur tour être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Lille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celui-ci une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHU de Lille et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au CHU de Lille une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier universitaire de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A.-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA02358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02358
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCP CAPELLE - HABOURDIN - LACHERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;23da02358 ?
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