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09/04/2025 | FRANCE | N°24DA01009

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2025, 24DA01009


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 juillet 2021 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme, le compte rendu de son évaluation professionnelle établi au titre de l'année 2020 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux à l'encontre de ces deux décisions.



Par un jugement n° 2110202 du

28 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 juillet 2021 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme, le compte rendu de son évaluation professionnelle établi au titre de l'année 2020 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux à l'encontre de ces deux décisions.

Par un jugement n° 2110202 du 28 mars 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Bargibant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions précitées du CHU de Lille ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Lille une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de sanction contestée méconnaît le principe non bis in idem dès lors que l'entretien de recadrage auquel elle avait été convoquée le 11 mars 2021 constituait déjà un avertissement ; dans le cas contraire, l'administration devrait à tout le moins être regardée comme ayant alors renoncé à engager l'action disciplinaire à raison des faits lui étant reprochés ;

- elle repose sur des faits dont la matérialité n'est pas établie et qui ne justifiaient pas la sanction prononcée à son encontre ; en particulier, les deux témoignages sur lesquels le CHU se fonde ne présentent pas de force probante suffisante ; elle n'a jamais fait l'objet de sanction disciplinaire par le passé ; son supérieur hiérarchique avait lui-même manqué à ses obligations en s'abstenant de la recevoir en entretien d'évaluation et en lui manquant de respect ; la décision a été prise plus de quatre mois après les faits litigieux ;

- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement ;

- l'entretien en vue de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2020 ne s'est tenu qu'en juillet 2021 ; le compte rendu n'a pas été signé ni notifié régulièrement ; il méconnaît l'engagement pris par l'administration le 11 mars 2021 d'établir une évaluation favorable ; les appréciations défavorables qu'il comporte sont infondées dès que les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas établis et qu'elle n'a jamais bénéficié d'aucune formation pour l'accompagner dans sa prise de poste ; l'administration a reproduit les mêmes carences lors de l'évaluation professionnelle suivante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, le CHU de Lille, représenté par Me Segard, conclut au rejet de la requête d'appel de Mme B... et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tastet, représentant Mme B... et substituant Me Bargibant.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée comme agente administrative principale de 2ème classe par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille en 1996. A compter de 2019, elle a exercé ses fonctions au sein de l'unité d'analyses prospectives et performances du service des ressources humaines. Par une décision du 20 juillet 2021, le directeur général de l'établissement lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme. Le même jour, elle a été reçue par son responsable hiérarchique direct dans le cadre de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2020, entretien dont elle a réceptionné le compte rendu le 27 juillet suivant. Elle a formé un recours gracieux à l'encontre du blâme prononcé à son encontre et du compte-rendu de son évaluation professionnelle par un courrier en date du 1er septembre 2021, auquel aucune suite n'a été réservée. Mme B... relève appel du jugement du 28 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation du blâme prononcé à son encontre, du compte rendu de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la méconnaissance du principe non bis in idem :

2. Il ressort des pièces du dossier que le supérieur hiérarchique direct de Mme B... a rendu compte à la direction des ressources humaines de l'établissement, le 9 mars 2021, d'une altercation les ayant opposés à cette même date. Ce signalement a conduit à l'organisation d'un entretien, le 11 mars suivant, entre, d'une part, Mme B..., assistée de deux représentants syndicaux de son choix, et, d'autre part, son responsable hiérarchique direct et la directrice des ressources humaines de l'établissement. Il ressort des termes mêmes du compte rendu que la directrice des ressources humaines a informé Mme B..., en fin d'entretien, que les problèmes de comportement et d'irrespect relevés à son encontre étaient susceptibles de conduire au prononcé d'une sanction disciplinaire. Dans ces conditions, si elle a qualifié cet entretien d' " entretien de recadrage ", la directrice des ressources humaines ne peut pas être regardée comme ayant infligé un avertissement disciplinaire, pas plus que comme ayant renoncé à toute poursuite à raison des mêmes faits pour l'avenir. Il s'ensuit que c'est sans méconnaître le principe selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits que, par la décision attaquée du 20 juillet 2021, le directeur général du CHU de Lille a pu infliger un blâme à Mme B... à raison du comportement qu'elle a adopté à l'égard de son supérieur hiérarchique direct le 9 mars 2021. La circonstance que la sanction ait été prononcée plus de quatre mois après la commission des faits litigieux, et donc en tout état de cause avant l'expiration du délai de prescription de trois ans prévu par les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur, est à cet égard sans incidence. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe non bis in idem doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction disciplinaire :

3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. / (...) ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport circonstancié établi par le responsable hiérarchique direct de Mme B... et des courriels de deux agents du service ayant été personnellement témoins des faits litigieux, que, le 9 mars 2021, Mme B... a vivement interpellé son supérieur hiérarchique direct au sujet du congé sans traitement récemment décidé à son encontre, du planning des congés arrêté pour le mois de mars 2021 et de son évaluation annuelle. Elle lui a, à cette occasion, tenu des propos dénigrants, concernant en particulier ses compétences professionnelles, son statut et son âge.

5. En deuxième lieu, un tel comportement de Mme B... est constitutif d'un manque de respect à l'égard de son supérieur direct, incompatible avec l'obligation de respect du lien hiérarchique, et justifiait le prononcé d'une sanction disciplinaire. Si l'appelante soutient que son responsable hiérarchique direct aurait également manqué de respect à son égard, elle ne l'établit pas par les attestations des deux responsables syndicaux qu'elle produit, dont aucun n'a été directement témoin de la scène. Par ailleurs, si elle avait fait l'objet d'un congé sans traitement pour avoir omis d'adresser un arrêt de maladie au service compétent et dans les délais prévus à cet effet, si elle n'avait pu obtenir satisfaction concernant le planning des congés du mois de mars 2021 et si elle n'avait pas encore été reçue en entretien d'évaluation au titre de l'année 2020, ces circonstances ne sont par elles-mêmes pas de nature à révéler un manque de respect de son supérieur ou un comportement vexatoire qui aurait été de nature à la délier de ses propres obligations professionnelles.

6. En troisième lieu, si Mme B... n'avait pas fait l'objet de sanction disciplinaire par le passé, il ressort des pièces du dossier que des difficultés du même ordre étaient déjà survenues sur son précédent poste et avaient déjà motivé son changement d'affectation en 2019. En outre, Mme B... ne s'est pas départie de son attitude acrimonieuse et même dénigrante au cours des échanges préalables au prononcé de la sanction en litige, et notamment lors de l'entretien du 11 mars 2021 au cours duquel elle a qualifié son ancienne cheffe de service d'" irresponsable de cadre B " et elle a directement remis en cause nombre des décisions de son chef de service actuel. Dans ces conditions, la sanction de blâme prononcée à son encontre, qui constitue la deuxième sanction la plus faible de l'échelle des sanctions prévues par les textes applicables, n'est pas disproportionnée.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction en litige procède d'une rupture d'égalité de traitement, Mme B... n'apportant, au soutien de ce moyen, pas les précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est ni fondée à soutenir que la décision attaquée reposerait sur des faits matériellement inexacts, ni que ceux-ci ne caractériseraient pas une faute disciplinaire justifiant le prononcé d'un blâme, ni qu'elle méconnaîtrait le principe d'égalité. Les moyens qu'elle soulève en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

En ce qui concerne le compte rendu d'évaluation professionnelle au titre de l'année 2020 :

9. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. / (...) ". Aux termes de l'article 65 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs. / (...) ".

10. En l'espèce, la circonstance que l'évaluation professionnelle de Mme B... au titre de l'année 2020 n'ait été formalisée qu'en juillet 2021, aussi regrettable soit elle, n'est pas par elle-même de nature à entacher d'illégalité les appréciations portées sur la qualité de son service cette année-là ou sur sa valeur professionnelle. Mme B... ne peut davantage utilement se prévaloir des conditions de signature et de notification du compte-rendu de son évaluation professionnelle dès lors qu'elles sont postérieures à ces appréciations et qu'elles sont sans incidence sur la légalité de ces dernières. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les appréciations contestées, se fondant en particulier sur les nombreuses erreurs commises par Mme B... dans l'exercice de sa mission relative aux affectations, reposeraient sur des faits matériellement inexacts ou qu'elles seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié d'une formation, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de l'entretien du 11 mars 2021 qui a également porté sur ces points, qu'elle avait bénéficié d'un tuilage à sa prise de poste et qu'une de ses collègues a conçu spécialement pour elle un vademecum lorsque ses premières difficultés se sont manifestées. Enfin, les appréciations litigieuses du compte-rendu d'évaluation professionnelle n'apparaissent pas en décalage ou en contradiction manifeste avec celles portées lors des entretiens qu'elle a précédemment eus avec sa hiérarchie à ce sujet, notamment le 11 mars 2021, ainsi qu'avec sa fiche de notation établie au titre de l'année 2020. Au demeurant, celle-ci s'inscrit, conformément à ce qui lui a été indiqué lors de cet entretien du 11 mars 2021, en légère progression par rapport à l'année précédente, sa note étant portée de 22,25 à 22,50. La contestation portée par Mme B... à l'encontre du compte-rendu de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2020 doit, dès lors, être écartée en toutes ses branches.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation du blâme prononcé à son encontre, du compte-rendu de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Lille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHU de Lille et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera au CHRU de Lille une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au centre hospitalier universitaire de Lille.

Délibéré après l'audience publique du 25 mars 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA01009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01009
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DELBE & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;24da01009 ?
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