Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 avril 2023 par lequel le préfet de Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 2302797 du 11 janvier 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2024, M. B..., représenté par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Seine-Maritime en date du 19 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle a été édictée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-sénégalais ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été édictée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît son droit à être entendu ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité, par voie d'illégalité, de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle a été édictée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité, par voie d'exception, de la mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires signé à Dakar le 23 septembre 2006 et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Delahaye, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 20 avril 1997 est entré régulièrement en France le 1er septembre 2017 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " étudiant " et valant titre de séjour qui a par la suite été renouvelé. Le 7 décembre 2022, l'intéressé a sollicité un nouveau renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 19 avril 2023, le préfet de Seine-Maritime a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Par sa requête, M. B... relève appel du jugement du 11 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens communs aux décisions contestées :
2. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 à 4 de leur jugement, les moyens présentés par M. B... tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions en litige, de leur insuffisante motivation et du défaut d'examen de sa situation personnelle.
Sur le refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise susvisée : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre État doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. / Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants. ". Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'administration de rechercher, au vu de l'ensemble du dossier de l'intéressé, si celui-ci peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études, en en appréciant la réalité, le sérieux et la progression.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son entrée en France, M. B... a été inscrit, durant trois années consécutives et dans trois lycées différents, au sein de classes préparatoires aux grandes écoles relevant de la filière scientifique, années à l'issue desquelles il n'a pas intégré une telle école même s'il s'est vu délivrer 60 ECTS au titre de chacune d'entre elles. Il s'est ensuite inscrit, au titre des années universitaires 2020-2021 et 2021-2022, en troisième année de licence " Mathématiques pour l'économie " puis de " Mathématiques " au sein de l'université de Rouen Normandie où il a été déclaré défaillant aux examens lors de ces deux années consécutives. Si M. B... fait état de ses difficultés liées à la pandémie de Covid 19 et à son bégaiement, ces éléments ne sont pas à eux-seuls suffisants pour expliquer en particulier ces deux derniers échecs. L'intéressé n'a ainsi obtenu aucun diplôme depuis son entrée en France à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, alors que l'appelant ne peut utilement se prévaloir de l'obtention de sa licence de mathématiques intervenue postérieurement à la décision en litige, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant en raison de l'absence de progression significative dans ses études, quand bien même le requérant disposerait par ailleurs de ressources suffisantes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise doit être écarté.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire sans enfant est entré régulièrement en France en qualité d'étudiant, ce qui ne lui donnait pas vocation à se maintenir sur le territoire français. En outre, l'intéressé n'établit pas, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de son existence. Par suite, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté. En l'absence d'autre élément, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour ayant été écarté, M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... n'aurait pas eu la possibilité, pendant l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire état de tous éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision portant refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français prise concomitamment. Contrairement à ce que le requérant soutient, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir, susceptibles de conduire le préfet à prendre une décision différente. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en prenant à son encontre la mesure d'éloignement, sans le mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte à son droit d'être entendu préalablement à l'adoption de la mesure d'éloignement litigieuse, ne peut qu'être écarté.
9. En dernier lieu, en l'absence d'argumentation distincte de celle développée à l'encontre de la décision de refus de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écarté, M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité / (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
12. M. B... n'établit, ni même n'allègue, qu'il serait susceptible d'être personnellement soumis à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
13. En dernier lieu, en l'absence d'argumentation spécifique à la décision fixant le pays de destination, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5.
14. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Elatrassi-Diome.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime
Délibéré après l'audience du 8 avril 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : L. DelahayeLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01604